Depuis 50 ans le problème climatique est connu et le mot d'ordre de transition énergétique a commencé à être propagé. Et pourtant jamais l'exploitation des ressources fossiles n'a cessé d'augmenter. Nous battons des records quasiment tous les ans. Et cette exploitation augmente à un rythme supérieur à la croissance de la part des énergies renouvelables. Les combustibles fossiles (charbon, pétrole et gaz) fournissent encore environ 80 % de l'énergie mondiale en 2022[1]. En 2023 elle a augmenté de 1,5 % (charbon en hausse de 1,6 %, pétrole en hausse de 2 %). Les émissions de CO2 ont augmenté de 2 %, dépassant pour la première fois les 40 Gt.
Le constat sur l'écologie est accablant, la transition énergétique promise par les capitalistes est un échec total en termes d'émissions globales. Et pourtant le discours des médias et du gouvernement se veut moins dramatique, les journalistes parlent d'efforts à réaliser et peuvent même présenter pour faire sérieux, ce qui s'appelle un graphique proportionnel, d'un genre similaire à celui ci.
En pourcentage, les énergies fossiles (biomasse, charbon, pétrole, etc) baissent et les énergies renouvelables et hydro-électriques augmentent. Et, en effet, la production renouvelable a augmenté en 2023.
Bonne nouvelle alors ? Pas vraiment, pire même car, si ce graphique n'est pas faux, le présenter ainsi est une tromperie. Il n'est plus qu'un outil de manipulation issu d'une pirouette mathématique. Il laisse supposer que les quantités totales sont similaires dans le temps, il montre des pourcentages sur des années qui n'ont rien à voir, comme si 20% de consommation mondiale était identique en 1850 et en 2020, alors qu'elle est plus de 5 fois plus grande. Cette forme de graphique de propagande est un grand classique des médias et des politiques.
Pour déjouer le piège, il faut regarder les valeurs réelles et ainsi avoir une vision scientifique de la situation. Avec les mêmes données, sur le second graphique est représentée la variation du total et non plus d'un pourcentage.
La même augmentation du renouvelable s'y retrouve, mais la tendance générale est clairement que jamais l'exploitation des ressources fossiles n'a diminué, bien au contraire. Il y a quelques baisses issues des crises, comme celle de 2008 ou le Covid en 2020, mais toujours la production reprend juste après plus forte que jamais.
Mais où est donc la « transition écologique » ?
Le capitaliste est structurellement et historiquement cumulatif dans son exploitation des ressources. Les grandes phases industrielles (bois → charbon → pétrole) n’ont jamais été
marquées par une baisse absolue de la consommation de la ressource antérieure ; chaque nouvelle source s’est cumulée aux précédentes. Le bois libéré du chauffage par l'arrivée du charbon a été réorienté pour l'étayage des mines et sa production a augmenté, il faut beaucoup de bois pour produire beaucoup de charbon, il faut ensuite beaucoup de charbon pour produire beaucoup de pétrole, etc. On substitue graduellement les usages mais on empile les ressources.
Pourtant les médias, l'école, les gouvernements... expliquent partout que les nouvelles ressources remplacent les précédentes. Cette
rhétorique mensongère plus ou moins implicite permet de surtout ne jamais reconnaître la faillite du capitalisme et elle arrange bien les capitalistes eux-même.
Le mythe du 100% renouvelable
Du constat que le capitalisme ne peut pas être transitionnel, la seule conclusion raisonnable de tout mouvement écologique de gauche qui se respecte est celui d'un renversement du système. Pourtant, concernant l'écologie, encore plus que pour le reste, la gauche réformiste est complètement déconnectée de la réalité. « 100% énergies renouvelables avant 2050 » comme disent les écolos, le PS et le PTB.
Ils parlent comme si la Belgique était le seul pays au monde et que le réchauffement climatique n'était pas global. En se limitant aux actions et mesures à prendre à l'intérieur d'un pays, il est alors facile pour les capitalistes d'exporter leur pollution par les délocalisations, les quotas et le marché du carbone, tout en prétendant nationalement à une « transition écologique ». Ce qui au
final ne change rien au problème de fond.
Tous ces partis sont piégés dans leur bulle électoraliste. Ils ne veulent pas renoncer à l'écologie, comme le fait la droite, mais ils ne veulent pas non plus renoncer au capitalisme et au nationalisme, alors que la lutte pour la préservation du climat et de l'environnement le demande. Ainsi, ils génèrent ensemble l'illusion qu'il est possible de s'alimenter totalement en énergie verte sous le capitalisme.
Le leurre du capitalisme vert
Le capitalisme vert et le greenwashing servent à donner bonne réputation et à marginaliser les approches de rupture. Il s'avance comme une « bonne » transition car lente et « raisonnable » mais en réalité inefficace. Par exemple, Total a prévu d'augmenter sa production de pétrole avec un nouveau projet pétrolier de 10 milliards de dollars à Suriname conçu pour minimiser ses émissions de gaz à effet de serre pour 2028. Soit une « bonne » transition au sens capitaliste car rentable et polluante mais qui envoie de la poudre verte dans les yeux.
Les grands pollueurs n'ont aucun intérêt à réduire leur émissions.
Si ces capitalistes ne réduisent pas leur émissions, ce n'est pas parce qu'ils sont « méchants », c'est à cause d'un système. Les avantages compétitifs des combustibles fossiles créent un puissant effet de verrouillage à toute substitution moins polluantes. Les pollueurs suivent une concurrence rude de l'exploitation fossile à court terme pour se maintenir, ils se disputent les ressources, les mines, les puits, etc. Il s’agit pour eux de toujours avoir un avantage sur leurs concurrents et les économies d'échelle associées aux combustibles fossiles offrent un avantage concurrentiel important. Si l'un d'entre eux sacrifie trop pour transitionner son appareil productif, un concurrent lui volera sa clientèle en polluant via le fossile. De plus, les bienfaits que la majorité des travailleurs voit dans une transition écologique concrète et efficace, collective et sur le long terme pour préserver la vie sur Terre, sont pour les vautours capitalistes une absurdité.
Epuisement des ressources
Le seul espoir d'un capitalisme écologique était l'épuisement des ressources fossiles. Cela aurait forcé les capitalistes à faire des adaptations, en espérant qu'elles soient vers le renouvelable. Cependant de nouvelles technologies (fracturation hydraulique, forage ultra-profond, etc) développées pour exploiter ce qui ne l'était pas étendent cet horizon toujours plus loin, au-delà des méandres de la catastrophe écologique. Les réserves actuelles des ressources fossiles nous amènent, au minimum, à plus d'un siècle avant un risque d'épuisement.
Et dans ce scénario, les énergies fossiles seraient probablement exploitées jusqu'à la dernière goutte. Car, si la demande reste élevée, la raréfaction des ressources fossiles va faire augmenter les prix, ce qui comblerait les actionnaires de joie.
L'écologie ne peut être que révolutionnaire
Les capitalistes et l'extrême droite climatosceptique (en hausse dans le monde) rendent de plus en plus évidente l'impuissance d'une position écologique réformiste. De même que de plus en plus de personnes constatent la faillite totale de la « transition » dans le cadre du capitalisme.
Les gouvernements bourgeois vont d'échecs en échecs, ils n'arrivent plus à respecter les Accord de Paris de 2015. Trump, président du pays le plus puissant du monde, censure les sciences de l'écologie[2] et son projet se résume à son slogan "drill, baby, drill" (creuse, bébé, creuse).
Il est très probable que les grands groupes pétroliers continueront sur leur lancée et qu'ils iront exploiter la majorité des ressources fossiles récupérables. Dans ces conditions, le pire scénario du GIEC (« business as usual »), partant du postulat que les entreprises capitalistes vont continuer comme d'habitude, est le plus probable. Il parle d'un réchauffement au-delà de 4 °C d'ici 2080-2100 qui aura pour conséquence une extinction massive des espèces, une hausse massive de la fréquence et de l'intensité des incendies et plusieurs milliards d'immigrés climatiques obligés de quitter des territoires entiers devenus inhabitables pour l'espèce humaine. Les guerres et famines qui en suivraient relèguent la Seconde Guerre mondiale au rang d'une petite péripétie en comparaison. La reconversion totale de notre économie et de notre système énergétique est une urgence absolue et doit avoir lieu dès que possible.
Les discours sur la « transition énergétique » sous le capitalisme, pour le temps qu'il existent encore, servent à équilibrer deux éléments en contradiction profonde : l’urgence climatique et la préservation d'un modèle économique capitaliste d'accumulation. Tout en évitant la conclusion dialectique, révolutionnaire.
La révolution écologique doit être internationale et socialiste
L’écologie cristallise le commun : l’air circule, indifférent aux frontières, rappelant que nous respirons ensemble. Et, si les conséquences du réchauffement climatique changent en fonction du lieu, de chaque acte de production découle ce que sera le climat pour tous. Le climat, en tant que bien commun global transcende les frontières, les cultures et les intérêts individuels. Chaque action, qu'elle soit locale ou globale, a des répercussions sur cet équilibre collectif. Cette universalité implique qu'une économie écologique ne peut être qu’organisée internationalement.
Démanteler des siècles d'infrastructure fossile exige un effort titanesque. Seul le socialisme – via une économie internationalement et démocratiquement planifiée – en a la capacité. Cette révolution écologique et sociale est l'œuvre du prolétariat : seule force possédant l'intérêt, la capacité potentielle et la volonté de briser le capitalisme. L'OCR s'y engage pleinement, luttant pour la révolution socialiste.
sources :
[1]:https://dieselnet.com/news/2024/06energyreview.php
[2]:https://www.rtbf.be/article/trump-2-0-censurer-pour-controler-la-pensee-11519094
[3]: https://www.ipcc.ch/report/ar6/syr/downloads/report/IPCC_AR6_SYR_LongerReport.pdf
graphiques : https://elucid.media/environnement/crise-climatique-et-energetique-regarder-la-verite-en-face-fressoz