Une grande manifestation contre le démantèlement du droit à la pension a clôturé l’année 2017. Une fois de plus, des dizaines de milliers de syndicalistes vêtus de gilets verts, rouges et bleus, ont manifesté dans les rues de Bruxelles. Ils ont été 40.000 à défier le froid, ce qui n’est pas rien pour une action organisée à toute vitesse.

pensioengeknoeiAprès des mois de silence autour des actions interprofessionnelles, cette manifestation a été un stimulant pour beaucoup. Les grèves dans les transports par tram et par bus ont également été impressionnantes, des deux côtés de la frontière linguistique. Aussi bien en Wallonie qu’en Flandre, beaucoup de chauffeurs ont décidé de ne pas rouler. Il y a maintenant l’espoir d’un nouveau mouvement de contestation et beaucoup ont remarqué que la participation était bien en dessous de son potentiel réel.  C’est la quatrième manifestation fédérale et interprofessionnelle depuis le début du gouvernement Michel. La plus grande participation que nous ayons enregistrée était celle de la manifestation du 6 novembre 2014 qui s’est déroulée un peu avant la grève générale du 15 décembre et suite à un crescendo de grèves régionales. Nous étions alors 120.000 à remettre en cause le gouvernement, une des plus grandes manifestations syndicales depuis les années 80. Depuis, aucune action syndicale n’a pu égaler ce record.

Pas de base sociale pour le plan de pension du gouvernement

Avant la manifestation nationale pour les pensions, des actions régionales ont eu lieu à Charleroi (10 000 participants), Liège (10 000) et Anvers (5 000). L’action du 19 décembre à Bruxelles a d’abord été conçue comme une action régionale mais la pression du mécontentement des bases syndicales a contraint les directions syndicales à agir rapidement au niveau national. Des dizaines de milliers de personnes ont en effet pu tester le site du ministère des pensions, Mypension.be. Ce site, conçu comme un site d’information gouvernemental, est très vite devenu un outil de sensibilisation pour les syndicats. Lorsqu’ils ont consulté leur dossier pension en ligne, salariés, fonctionnaires et indépendants ont pu avoir une idée concrète de leur date de pension et du montant qu’ils allaient recevoir. Beaucoup ont été choqués du résultat. Merci M. Bacquelaine !

Même au sein du gouvernement, le nouveau système de pension est une préoccupation omniprésente. « Je suis très inquiet au sujet de l’image donnée sur l’avenir des pensions », a déclaré le vice premier ministre Kris Peeters. « Savez-vous combien j’ai reçu de mails concernant la discussion des pensions ? 35.000 [fin septembre NDLR]. Les gens m’en parlent dans la rue. On n’est jamais venu me demander si les actions nominatives allaient être visées par les taxes. La responsabilité du gouvernement est d’éliminer les préoccupations des gens, pas d’en créer ». (1) Il n’y a tout simplement aucun soutien social concernant l’augmentation de l’âge de la retraite et la diminution de la pension. Les ministres les plus clairvoyants l’ont compris. Il semble également qu’il y ait de plus en plus de désaccords au sein du gouvernement concernant le système de points pour le calcul de la pension.

Selon Securex (2), seul un travailleur sur dix veut travailler jusqu’à 67 ans. Plus de quatre travailleurs sur cinq (84%) disent ne pas pouvoir travailler jusqu’à 67 ans et 63% indiquent même ne pas pouvoir travailler jusqu’à 65 ans. Ce sont surtout les femmes, les travailleurs de plus de 50 ans et les moins instruits qui ne se sentent physiquement et mentalement pas capables de travailler jusqu’à l’âge légal. Pour la plupart des gens, la limite est de 60 ans, pas plus.

La série d’interruptions de travail spontanées montre que les gens n’en peuvent plus des cadences infernales sur leur lieu de travail. Les grèves chez Volvo Trucks, Volvo Cars, Case New Holland, Audi et dans d’autres entreprises envoient un signal clair : Pas une charge de travail en plus ! Vu le niveau de stress, nous n’allons clairement pas dans la bonne direction : selon SD Works, 30 % des membres du personnel trouvent que la pression au travail est inacceptable.

Pourquoi n’y avait-il donc pas plus de gens dans les rues le 19 décembre ? La première raison est que les dirigeants syndicaux se sont organisés dans la hâte et la précipitation. Certaines sections (comme par exemple la CSC Bruxelles) avaient prévu une journée de formation sur les pensions deux jours après la manifestation. La préparation laissait donc à désirer. Il aurait mieux valu laisser l’action régionale se dérouler à Bruxelles, et, ensuite, appeler à une grande manifestation nationale en janvier 2018.

Une autre raison réside dans le fait que les syndicalistes et les militants ne croient plus à l’efficacité de l’habituelle manifestation de Bruxelles Nord à Bruxelles Midi. Sur le lieu de travail, beaucoup de gens ne voient plus l’intérêt de telles actions, et nous le comprenons fort bien. Ce n’est pas un hasard si cette manifestation nationale a été la plus petite des quatre manifestations ayant eu lieu depuis 2014. Beaucoup de ceux qui ont manifesté ces deux ou trois dernières années ne veulent plus participer à des actions purement démonstratives sans aucun suivi. En l’absence d’un plan d’action décent capable de gagner contre ce gouvernement, beaucoup préfèrent travailler. Tout le monde ne peut pas se permettre financièrement de ne pas travailler sans perspective de changement.

Par « gagner » nous ne voulons pas dire que les instances dirigeantes syndicales retournent à la table des négociations pour y discuter faussement de la place des virgules. Discuter avec le patronat ou le gouvernement sur le « poids de nos chaînes » n’est pas une victoire. Par « gagner » nous entendons le RETRAIT de toutes les mesures antisociales du gouvernement. Cela ne peut se faire que par l’organisation d’une série de jours de grève qui aboutiront à une grève générale jusqu’à ce que nos exigences soient satisfaites. « Nos militants sont fatigués » a récemment déclaré Felipe Van Keirsbilck du syndicat francophone chrétien des employés. Ils en ont assez d’attendre un plan d’action solide qui leur est toujours promis.

Le manque de participation du 19 décembre n’est pas dû à l’indifférence des travailleurs pour les pensions. Bien au contraire, le débat est très vivant parmi les gens ; le gouvernement se trompe s’il pense que le mouvement de contestation a été étouffé dans l’œuf. Au sein des syndicats on discute d’autres actions et à la FGTB la perspective d’une grève de 24 heures est ouvertement débattue. De son côté, le syndicat des employés de la CNE veut un plan d’action de manifestations et de grèves (3). Ses délégués  réunis en comité national ont d’ailleurs voté une motion qui va dans ce sens. De même, la section gantoise de la CSC Alimentation et Services a voté une motion une semaine avant la manifestation qui déclarait que « les manifestations et les grèves ne pouvaient plus être évitées ». Les syndicalistes Gantois veulent « une nouvelle manifestation interprofessionnelle et d’autres actions plus punitives au printemps (…) un signal aussi positif et fort motivera encore plus notre base pour les actions futures. » (4)

Le dossier des pensions est le talon d’Achille de ce gouvernement. Les syndicats ont l’opportunité de donner un uppercut à Michel 1. A une seule condition : qu’ils appuient sur la pédale d’accélération de la mobilisation au printemps et qu’ils ne se laissent pas avoir par une concertation bidon.

1.            De Morgen, 29-09-2017

2.            https://press.securex.be/inzetbaarheidsbarometer-securex-amper-1-op-10-belgen-wil-werken-tot-zijn-67ste-of-langer

3.            https://www.facebook.com/jalil.bou.3/posts/10155431121897917?pnref=story

4.            https://www.facebook.com/ACVVoedingenDienstenGent/?hc_ref=ARRQh4Zgvk9o_faG6c5h_lDmQKv3XJFEvNJviAKPLN6IJVtHrhhIxm0Nd3kSQNGDRXk&fref=nf&pnref=story

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