Un petit bilan du nouveau plan d'action syndical à la veille de la grève générale de la CGSP.
La mobilisation syndicale contre le gouvernement a repris, trois mois après la grève générale du 15 décembre. A Bruxelles, 8000 militants du Front Commun se sont retrouvés sur une Place de la Monnaie trop petite pour accueillir tout ce monde. Une semaine après les syndicats des services publics remettent cela. La Place de la Monnaie est encore trop petite. Puis c’est à Anvers que marchent quelques milliers de militants à l’appel de l’ACOD. Puis le relais était pris avec des journées d’action provinciale le 30 mars et le 1er avril. On était près de 35.000 dans tout le pays. Ces journées d’action ont été ponctuées par plusieurs grèves. A plusieurs reprises les chauffeurs de la TEC ont arrêté le travail. A Bruxelles les transports publics ont été perturbés aussi par une grève. La CSC estime que 80% de ces affiliés n’est pas allé travailler ce jour-là. A Anvers et Malines, mais aussi à Gent et à Genk les chauffeurs du Lijn ne sont pas montés dans leur véhicule. A l’aéroport national, les bagagistes de Swissport ont créé la surprise en ne commençant pas le travail.
Quelques jours avant la journée provinciale à Liège, plusieurs entreprises du zoning industriel de Herstal ont interrompu le travail et bloqué le pont de Wandre. Les travailleurs en grève exigeaient la convocation d’une ‘grève générale’. L’activité normale dans de nombreuses entreprises wallonnes a aussi été perturbée lors des journées d’action. Cela saute aux yeux : d’en bas, avec l’appui et à l’initiative d’une partie des cadres syndicaux intermédiaires il y a une volonté de dépasser les limites imposées pour les actions syndicales. Cette pression n’est pas encore généralisée tant s'en faut. Mais elle est bien présente. Là où en novembre-décembre les dirigeants syndicaux semblaient agir comme ils devaient le faire, maintenant leur attitude est loin de faire l’unanimité parmi les délégués ou les permanents. Il faut aussi signaler la manifestation surprise et non autorisée de 500 délégués de la Centrale Générale et de l’Alimentation de la FGTB d’Anvers dans les rues de la métropole. Bravant l’interdiction de fait de ce genre de manifestation, ils se sont rendus sous le balcon du véritable pilote de ce gouvernement, le bourgmestre Bart De Wever. Là où d’autres syndicats acceptent le dictat de De Wever, ces centrales ont défié avec succès sa ‘dictature’.
Et puis il y a eu la Grande Parade de Tout Autre Chose/Hart boven Hard. Rassembler 20.000 personnes un dimanche, sans indemnité de repas et à leur propre frais, sous une pluie battante dans les boulevards de la capitale est un vrai exploit. Sans ‘drache’ et avec un peu de soleil, deux fois plus de monde se serait retrouvé à la Parade. Les manifestants ne s’en prenaient pas seulement aux mesures gouvernementales, c’est toute la société qui était remise en cause. C’est une des forces de Tout Autre Chose.
Et maintenant ? Une première conclusion s’impose. Le gouvernement et les médias n’ont pas réussi à mettre fin aux protestations. C’est avec un nouveau souffle que les actions ont repris. Mais il y a une différence avec le mouvement de novembre-décembre. Prenons par exemple le nombre total de manifestants. Il est largement inférieur aux 120.000 qui sont descendus dans les rues de Bruxelles le 6 novembre. Comment l’expliquer ? Essentiellement par la ‘pause’ de presque trois mois entre la grève générale du 15 décembre et la reprise des nouvelles actions. La motivation d’une partie de la base s’est émoussée. Un mouvement de masse a sa propre dynamique et ne s’allume pas simplement après l’avoir éteint comme on utilise un interrupteur pour la lumière. La ‘pause’ pour ‘donner une chance à la concertation’ rime avec démobilisation. Le nouveau plan d’action n’inspire pas trop confiance non plus. Quelques manifestations ou même une nouvelle journée de grève ne vont rien changer à l’attitude du gouvernement. Nombreux sont les travailleurs qui ont déjà fait plusieurs journées de grève depuis novembre de l’année passée. Beaucoup se demandent aussi si nos dirigeants syndicaux sont vraiment motivés à empêcher les mesures du gouvernement. La concertation avec le gouvernement et le patronat n’empêche pas les ministres de mettre en œuvre leurs plans. C’est dû à la nature même de cette concertation, une concertation bidon, qui vise à impliquer les syndicats dans les modalités d’application des mesures contre lesquelles on se bat. Les délégués l’attestent : ils ont eu plus durs à motiver les travailleurs à participer aux actions. Malgré ces difficultés le mouvement ne s’est pas éteint.
Que faire maintenant? ‘Continuer la lutte?’ Naturellement. Mais comment et avec quels objectifs ? Penser arrêter l’austérité sans faire tomber le gouvernement est une chimère. Nos actions doivent donc à tendre vers cet objectif : faire tomber le gouvernement.
La CGSP organise une grève générale de 24h le 22 avril. Voilà le chemin à prendre pour les autres syndicats. Malheureusement, la CSC et les libéraux ont abandonné la CGSP dans cette grève, afin de ‘donner une opportunité à la concertation’. Les syndicats du secteur privé auraient dû emboiter le pas à la CGSP. Car sans une vraie grève générale, le printemps chaud ou social dont certains se gargarisent n’aura fait qu’augmenter un peu la température sociale, mais rien d’autre. Sans une grève générale, ce plan d’action est incomplet. Le patronat et le gouvernement ne sont pas vraiment impressionnés par des manifestations ou des actions ludiques. Des grèves par contre cela fait mal, car cela touche à leurs profits. L’organisation patronale flamande, UNIZO publiait à l’occasion des grèves de la société de transport De Lijn un communiqué très révélateur. ‘UNIZO n’accepte pas que le syndicat vise encore une fois l’économie. Nous n’avons pas de problème avec l’expression d’un mécontentement par des actions ludiques ou des manifestations pacifiques. Mais des actions comme celles d’aujourd’hui qui perturbent la vie des entreprises et la vie publique sont inadmissibles’. C’est convaincant, n’est-ce pas ?
Mais au sommet de nos syndicats il est surtout question de concertation, concertation et encore de concertation. La concertation est devenue un objectif en soi pour le mouvement syndical. En entrant dans le jeu du gouvernement, nos dirigeants affaiblissent en divisent le mouvement. Nous avons besoin de dirigeants syndicaux qui misent sur la lutte, sur le pouvoir d’un mouvement organisé et conscientisé dans les entreprises et dans les quartiers. C’est urgent !