« Le secteur du commerce se situe dans les dix secteurs les plus mal rémunérés », nous explique Myriam Djegham, secrétaire nationale de la CNE Commerce. Elle nous brosse rapidement et efficacement la situation sociale dans le commerce.

« C’est ici qu’on trouve de plus en plus de contrats précaires et beaucoup de temps partiel. Plus de la moitié des travailleurs du commerce n’ont pas la possibilité de s’organiser parce que sans aucune protection et sans syndicat. Les multinationales se font passer pour les petits commerces du coin par la franchise. Le pouvoir d’achat diminue aussi, l’e-commerce se développe, les marges se réduisent. Pour maintenir les dividendes des actionnaires, la pression est donc maximale sur les travailleurs (dont une majorité de femmes) : moins d’emplois, moins de contrats stables, les conditions de travail déjà dures se dégradent : pénibilité physique, les clients deviennent agressifs, la pression à la productivité du management devient insoutenable. À cela s’ajoutent les horaires variables et les prestations le week-end. »

Nous voilà plongé tout de suite au cœur des défis syndicaux. À propos des six premiers mois de lutte contre l'Arizona, elle estime que la « mobilisation était réelle dans une partie du secteur, surtout du côté francophone, mais seulement dans les entreprises où il y a des syndicats (donc moins de la moitié). Il est plus difficile d’avoir beaucoup de monde mobilisé dans une partie du non alimentaire parce que plus de CDD. Mais il nous a manqué un plan d’actions clair après la grève de fin mars. »

À la mi-août, quand toute la Belgique somnole sous un dôme de chaleur, la CNE-Commerce sort un communiqué de presse annonçant un préavis de grève illimité. Qu’est-ce qui vous a piqué ?

« Après avoir appris que le texte sur les mesures diverses était passé en première lecture mi -juillet, nous avons été interpellé par des délégués sur la nécessité de ne pas attendre octobre pour réagir. Nous avons consulté nos instances et proposé aux autres organisations syndicales de déposer un préavis de grève. Les membres de notre bureau ont soutenu la proposition, les autres organisations syndicales n’ont pas voulu se joindre à cette démarche à ce stade. Nous avons envoyé le préavis vers COMEOS et l’UCM seuls début août. »

Le communiqué de presse dénonce l’impact catastrophique qu’auraient ces réformes pour les travailleurs et les travailleuses et met en garde les employeurs et les shoppings qui voudraient les appliquer. « Notamment les mesures contenues dans l’accord d’été qui visent à étendre les heures d’ouverture. L’élargissement des heures d’ouve-rture des magasins jusqu’à 21h, la suppression des 24h de fermeture obligatoire se traduirait par plus d’ouvertures le dimanche, et un projet de loi en discussion facilitant la mise en place de l’annualisation du temps de travail, à savoir : la possibilité de travailler jusqu'à 12 heures par jour et 50 heures par semaine sur base d'un simple accord entre l'employeur et le travailleur. À travers ces modifications législatives, le gouvernement attaque brutalement les droits des travailleurs et des travailleuses du commerce, déjà fortement mis à mal par la précarisation croissante des conditions de travail dans le secteur. Ouvrir une journée de plus et prolonger les horaires ne créera aucun emploi de qualité et accentuera encore la charge de travail déjà forte en magasin. De plus, cela constituera une atteinte grave à la vie privée et familiale des salariés, tout comme le fait qu’ils devraient être disponibles pour prester beaucoup plus d’heures par semaine que ce que leur contrat et leur salaire prévoient. La majorité des travailleurs et travailleuses du commerce, pour qui concilier vie professionnelle et vie privée est déjà difficile, sont opposés à ces mesures. »

« La CNE Commerce dépose un préavis de grève illimité. Ce préavis vise à couvrir les actions des travailleurs et travailleuses du secteur contre les mesures anti-sociales qui les visent. Elle lance ainsi un avertissement clair à COMEOS et l’UCM qui se réjouissent de l’accord d’été et empêchent les progrès pour les travailleurs et travailleuses de tout le commerce. Ce préavis est également une mise en garde aux entreprises et aux centres commerciaux. S’ils décident de passer en force, en ne respectant pas les accords existants et sans avancées pour les travailleurs et travailleuses, la riposte sera forte et immédiate. »

Comment vois-tu la rentrée au niveau interpro ? Comment penses-tu articuler la lutte sectorielle avec le combat avec les autres travailleurs ?

« Il y a déjà deux dates : le 24 septembre à Namur et le 14 octobre. S’il doit y avoir des actions commerce, elles renforceront ces deux moments. »

Est-ce que tu penses que ce gouvernement peut reculer et accepter des « mesures équilibrées » comme le demande le Front Commun syndical ?

« Il peut peut-être reculer à la marge mais certainement pas assez pour éviter la destruction des droits sociaux. »

Penses-tu que l’Arizona doit tomber?

« Oui c’est la première étape »

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