La fermeture de l'entreprise automobile Audi à Bruxelles a été annoncée aujourd'hui par la direction. 4 000 personnes risquent de perdre leur emploi. Les syndicats appellent à une manifestation nationale et interprofessionnelle le 16 mai sous le slogan « L'industrie est à nous ». Dans cet article, nous analysons la crise de l'économie manufacturière et traçons les grandes lignes d'une stratégie syndicale et politique.

L’industrie en Belgique va mal. Des faillites se suivent, des licenciements tombent et les capacités de production sont revues à la baisse. En effet, la production manufacturière est franchement en récession depuis plus d’un an. Déjà en 2022 la croissance s’est repliée, mais la contraction s’est amplifiée en 2023 en s’affichant à -7,3%. Le dernier trimestre de 2023 a même connu une baisse de 9,9%. (1) En 2024, l’industrie a continué à reculer.(2) En témoigne aussi l’activité dans divers ports. Ainsi le port d’Anvers à connu l’année passée sa plus forte baisse de production industrielle en quarante ans. (3) La fermeture du fleuron industriel flamand Van Hool illustre bien cette débandade. Les licenciements de 1500 ouvriers chez Audi Bruxelles en octobre et 1000 de plus l’année prochaine font planer la menace d’une fermeture pure et simple du dernier constructeur automobile dans la capitale. D’autres entreprises industrielles fonctionnent avec des capacités réduites. En attente d’un retournement de la conjoncture ou … d’une fermeture.

Le capitalisme destructeur

On pourrait invoquer toute une série de raisons pour expliquer ce net recul: la réaction tardive de certaines entreprises à se saisir des nouvelles technologies, peu d’innovation, les disruptions dans les chaînes logistiques d'approvisionnement, les prix de l’énergie etc. Mais ces facteurs sont en réalité d’ordre secondaire. Le capitalisme est en essence un système économique qui est très destructeur de capacité productive, car non planifié et basé sur la concurrence (entre nations et entreprises). Les économistes bourgeois parlent alors de ‘destruction créative’. Le capitalisme connaît aussi régulièrement des crises de surproduction, qui lui sont propres.

Concurrence

L’élimination de concurrents (la loi de la jungle capitaliste) n’est pas une aberration de l’économie mais une nécessité à la survie du capitalisme. L’exacerbation de la concurrence avec la Chine est un facteur important dans les déboires dans l’automobile en ce moment. Mais c’est aussi entre les pays européens que la compétition fait rage. Les entreprises et les pays les plus faibles en font les frais. Au même moment que le gouvernement allemand annonce une aide publique de 5 milliards d’euros pour la construction d’une usine de semi-conducteurs (4), une entreprise similaire à Oudenaarde (Belgique) met la clé sous le paillasson. BelGaN, créée en 2022 se voulait le pivot d’une industrie belge des semi-conducteurs.

Ce sont des milliers de familles de travailleurs qui basculent ainsi dans l’insécurité. Les actionnaires, eux, ne sont jamais licenciés. Une faillite ou une restructuration représentent souvent une aubaine pour ces « coupeurs de coupons ». L'entreprise s'assainit par de telles mesures.

Lutte des classes vs concertation

Nos syndicats ne sont pas préparés à ce qui nous tombe dessus. Tout d’abord, ils sous-estiment fortement la crise du capitalisme. Ils s’imaginent que l’économie de marché retrouvera rapidement son équilibre, espérant que les travailleurs licenciés retrouvent assez vite un nouvel emploi dans un marché en pénurie (partielle) de main d’œuvre.. Ensuite, trop de responsables syndicaux ne jurent que par la concertation, c'est-à-dire la croyance en une conciliation entre les classes sociales opposées. Un manuel publié par la ABVV Metaal (syndicat socialiste flamand de la métallurgie) est révélateur de cette attitude.(5) Il s’agit d’un guide pour les délégués en cas de restructuration. Bien conçu du point de vue technique, ce document mise totalement sur « les règles du jeu » existant entre patrons et syndicats pour « limiter les dégâts ». Ce qui manque surtout dans ce document est une stratégie de lutte. Les mots « grève », « lutte », « rapport de force » (et donc aussi « changement des rapports de force »), « assemblée générale », « contrôle ouvrier » et autres concepts de base de la lutte de classe n’y apparaissent jamais.

Les actionnaires doivent payer

La premier principe qu’il faut établir, c’est que les travailleurs ne doivent pas payer la facture. Cela nécessitera une attitude offensive et non défensive de la part des syndicats, aussi bien dans les revendications que dans les méthodes de lutte. La réduction immédiate des heures de travail à 32 voire 30 heures par semaine et sans perte de salaire pour contrer les pertes d’emploi doit figurer en première place. Si les patrons prétendent ne pas avoir assez d’argent, exigeons d’accéder à leur vraie comptabilité. On pourra découvrir ce qu’ils ont fait pendant des années avec les profits amassés avec notre travail. Si une entreprise menace de fermer, exigeons sa nationalisation sous contrôle ouvrier. Parmi les méthodes de luttes, c’est la grève et l’occupation qui doivent être réhabilitées. Le mouvement syndical doit élargir son horizon de lutte. La bonne initiative des syndicats du constructeur automobile Audi à Bruxelles, visant à organiser une manifestation nationale « pour l’avenir de l’industrie » est un premier pas dans cette direction. D’autres seront nécessaires.

1) https://economie.fgov.be/fr/themes/entreprises/analyses-economiques/conjoncture-en-belgique/apercu-de-lactivite-economique

2) https://statbel.fgov.be/fr/themes/indicateurs-conjoncturels/production/production-dans-lindustrie

3) https://www.rtbf.be/article/l-industrie-belge-est-elle-en-train-de-disparaitre-en-silence-11351639

4) https://www.eureporter.co/politics/european-commission/2024/08/21/commission-approves-e5-billion-german-state-aid-measure-to-support-esmc-in-setting-up-a-new-semiconductor-manufacturing-facility/

5) https://www.abvv.be/herstructureringen-handleiding-voor-delegees



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