Pourquoi une entreprise qui dégage des milliards de bénéfices annuellement réclame-t-elle que l’ensemble de ses magasins soient franchisés ? La réponse est simple, pour dégager encore plus de profit sur le dos de ses salariés et des consommateurs.

Tous perdants sauf les actionnaires

L’ouverture à la concurrence que les politiciens néolibéraux nous vendent comme un gage de baisse des prix, et donc d’augmentation du pouvoir d’achat, est en fait la cause principale de cette volonté de franchisation. En effet, le secteur de la grande distribution alimentaire est très juteux et de nouveaux magasins s’ouvrent chaque année pour s’octroyer une part de l’argent que nous dépensons pour manger (rien que l’an dernier 75 magasins de ce secteur ont ouvert). À cela il faut rajouter l’implantation de nouvelles chaînes comme Albert Heijn et Jumbo par exemple, qui, par le fait qu’ils refusent des conditions décentes à leurs travailleurs, tirent encore un peu plus l’ensemble des conditions de travail du secteur vers le bas.

C’est pour cette raison que le groupe Ahold-Delhaize décide de cette nouvelle politique de gestion de ses magasins. Mais il va sans dire que les travailleurs y perdront grandement. Voici un tableau comparatif des conditions de travail dans les deux commissions paritaires.

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On comprend maintenant mieux d’où vient l’argument préféré de la direction du groupe qui explique que les franchisés seraient plus « rentables ». Forcément, si les conditions de travail sont plus « flexibles » et les salaires moins élevés … Mais nous, travailleurs et consommateurs de ces grandes surfaces, y perdront tous à coup sûr.

Alors même que le patron de Delhaize a récemment vu son salaire augmenter de quasiment 1 million d’euros supplémentaires (le chiffrant maintenant à 6,5 millions à l’année) et que les actionnaires de Delhaize se gavent littéralement plusieurs milliards chaque année.

De plus, les exemples ne manquent pas pour appuyer la thèse des patrons qui profitent des commissions paritaires et du manque de présence syndicale dans les magasins franchisés. Le dernier en date ? Le magasin AD Delhaize du boulevard Anspach à Bruxelles qui a été placé sous scellés suite à un contrôle qui a mis au jour l’emploi de 8 travailleurs non déclarés à la Dimona (travail au noir donc) sur les 20 travailleurs qui forment l’ensemble du personnel. Même si ce genre de cas n’est pas la norme, il est évident que le risque pour que ces pratiques de patrons voyous soit bien plus grand avec les franchisés.

Les chiens de garde du capital

Même si la presse bourgeoise, gagnée au patronat depuis sa création, nous explique que les travailleurs de Delhaize vont « perdre la grève » (cf. article du soir du 7/04 : « Pourquoi le personnel et les syndicats de Delhaize risquent de perdre la guerre »), nous pouvons déjà lui opposer quelques arguments pertinents. Par exemple, si les actionnaires et patrons de Delhaize étaient si sûrs de gagner cette bataille, pourquoi alors dépensent-ils tant d’énergie dans les recours à la force publique pour briser la grève et la solidarité ?

Comme durant la nuit du 6 avril, lorsqu’ils ont demandé à la police d’éjecter manu militari les grévistes du piquet qui bloquait le dépôt à Zellik pour faire sortir 5 malheureux camions. Ou encore plus récemment, le 1er avril et la veille, lorsque la direction de certains magasins Delhaize a fait appel à des huissiers pour menacer les représentants syndicaux d’astreinte de mille euros par client empêché de rentrer dans le magasin.

Certains huissiers, comme celui qui est venu à Hornu, sont même allés jusqu’à intimider les travailleurs présents sur le piquet en expliquant aux grévistes que même s’ils laissent rentrer les clients dans le magasin, le simple fait d’aller leur parler pour les encourager à être solidaire des grévistes constituait en soi un « empêchement », passible d’une astreinte sur décision du magistrat.

De mémoire de militant, ces actions et ces paroles venant d’un représentant de l’Etat constituent des attaques sans précédent contre des travailleurs qui exercent leur droit de grève. Ce même droit qui nous a amené des choses comme les congés payés, la sécurité sociale et tant d’autres qui font que la vie sous le capitalisme est parfois soutenable – grâce à toutes ces luttes du passé !

Les travailleurs peuvent gagner cette bataille !

Jusqu’ici les travailleurs et les travailleuses de Delhaize ont mené ensemble une lutte exemplaire. Le soutien dans la population (et même en Flandres) est grand – 70% des personnes interrogées soutiennent les grévistes selon un sondage réalisé par Het Laatste Nieuws. Les syndicats, dans leur ensemble, doivent saisir ce sondage au bond et pousser pour étendre la solidarité aux autres chaînes de magasins du secteur ! La CNE (syndicat chrétien du commerce) agit déjà dans ce sens. Plus que la solidarité il s’agit de développer la conscience d’une lutte commune nécessaire autour d’intérêts communs.

Si Delhaize n’est pas la première chaîne à subir cette politique de franchisation (souvenons-nous de ce que fait le groupe Carrefour avec ses magasins Mestdagh), il y a de fortes chances pour ce que ce ne soit pas non plus la dernière ! Puisque les autres grands groupes accusent déjà Delhaize de concurrence déloyale et pourraient certainement lui emboîter le pas en cas de victoire des patrons et actionnaires de Delhaize… Ainsi, c’est l’ensemble du secteur qui est concerné et qui pourrait (et devrait) donc se mobiliser pour rejoindre ce mouvement de grève et de protestation. Les travailleurs n’ont rien à perdre de plus de ce qu’on leur enlève déjà ! Au contraire, ils ont un monde à gagner !

Si nous le voulons, nous, travailleurs et travailleuses, pourrions facilement obtenir ou bien le maintien des intégrés ou bien un plan Renault 2.0. Mais c’est bien peu en comparaison de ce que nous mériterions pour avoir fait tourner et pour faire tourner ET les magasins de grande distribution ET la société dans son ensemble ! Ainsi, nous pouvons légitimement nous poser la question suivante : quel serait le monde si ces grandes chaînes de distribution étaient gérées démocratiquement par leurs travailleurs et si elles étaient propriété publique d’un Etat au service de la majorité ? Que pourrions-nous faire avec tous les bénéfices provenant de l’argent que nous dépensons chaque jour pour nous nourrir ? Au lieu d’aller enrichir une minorité de nantis qui ne vit que pour nous exploiter davantage et nous écraser avec sa police et ses huissiers, cet argent irait dans les caisses de dépenses publiques pour améliorer des services dont nous profitons toutes et tous, comme l’enseignement, les soins de santé, le logement, etc. Cette société nous l’appelons le socialisme et nous n’aurons de cesse de lutter pour l’obtenir !



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