Depuis le 13 juin, l’Equateur est balayé par une mobilisation révolutionnaire. Des dizaines de milliers de personnes se mobilisent à travers tout le pays, de la région côtière à l’Amazonie en passant par les Andes, à l’appel de la Confédération des Nationalités Indigènes de l’Equateur (CONAIE). Alors que des grèves ont éclaté dans les transports ou encore dans l’industrie pétrolière, des masses d’Equatoriens, indigènes ou non, ont répondu à l’appel de la CONAIE et ont marché sur la capitale Quito.
Le gouvernement du millionnaire Guillermo Lasso a refusé toute discussion sur les revendications de la CONAIE. Celle-ci demande notamment que les prix soient régulés ou encore que les dettes privées soient soumises à un moratoire. Alors que l’Equateur a été durement frappé par la crise économique et par la pandémie, Lasso applique au contraire fidèlement les recommandations du FMI et multiplie les mesures d’austérité et les privatisations. En septembre dernier, il a par exemple annoncé une « Loi de création d’opportunités » qui prévoit la réduction des impôts sur la succession, l’« assouplissement » du code du travail et des zones franches pour les investissements étrangers.
En 2019, une mobilisation de masse avait abouti au retrait d’un précédent décret d’austérité que le gouvernement de l’époque voulait imposer. Malheureusement, la mobilisation s’était arrêtée là. Un nouveau gouvernement de droite est ensuite arrivé au pouvoir et tente d’appliquer la même politique que son prédécesseur, la seule qui convienne aux intérêts de la bourgeoisie et des impérialistes.
Une mobilisation fulgurante
Dès le 14 juin, les premiers groupes d’indigènes sont arrivés à Quito, où ils ont été confrontés à une répression féroce. Le principal dirigeant de la CONAIE, Leonidas Iza a été arrêté dès son arrivée dans la capitale, en même temps que de nombreux autres militants. Lasso a affirmé vouloir interpeller tous les « auteurs intellectuels et matériels d’actes violents », une définition si large qu’elle légitime toute répression. Et ce d’autant plus que le gouvernement a assimilé les manifestations à du « terrorisme ».
L’armée a été mobilisée et déployée dans le centre historique de la capitale. Des locaux associatifs et militants, mais aussi des lieux publics ont été occupés par les soldats pour empêcher qu’ils ne servent de lieux de rassemblement pour le mouvement. C’est le cas par exemple du parc Arbolito ou de la Maison de la culture. Le 17 juin, le gouvernement a proclamé l’état d’urgence et a instauré un couvre-feu ainsi que la censure des médias.
Le mouvement n’a malgré tout pas reculé. Puisque le centre-ville était militarisé, les étudiants ont occupé l’université pour y accueillir les rassemblements. Des blocages ont été mis en place sur les routes pour empêcher l’arrivée de renforts de l’armée et certaines vidéos montrent même la police reculer face à des manifestants dans les rues de Quito. Le 15 juin, la mobilisation a finalement réussi à obtenir la libération de Leonidas Iza. Celui-ci a immédiatement appelé à continuer la lutte.
Les dirigeants de la CONAIE ont par ailleurs affirmé qu’ils refusaient toute discussion avec le gouvernement tant que la répression continuerait. Loin de se limiter aux seuls indigènes (qui représentent tout de même entre 25 et 40 % de la population du pays), le mouvement a été rejoint par les étudiants et les syndicats de travailleurs. Un appel à la grève générale a été lancé pour le mercredi 22 juin. Ce jour-là, les manifestants ont tenté d’occuper le parlement pour contraindre le gouvernement à reculer. La répression policière a été violente et un manifestant a été tué. C’est le quatrième depuis le début du mouvement, sans compter des centaines de blessés.
Quelles perspectives ?
La mobilisation en Equateur se trouve à la croisée des chemins : d’un côté, le gouvernement de Lasso, qui défend les intérêts de la bourgeoisie et ne semble pas prêt à reculer ; de l’autre, le mouvement de masse, qui commence à s’organiser. Une « Assemblée du peuple » s’est tenue à Quito ce jeudi et a pris la décision de continuer la mobilisation jusqu’à la victoire. C’est un pas dans la bonne direction. Des assemblées de ce type doivent s’organiser dans tout le pays, pour structurer le mouvement à l’échelle nationale et représenter fidèlement la volonté des masses et des travailleurs. Pour faire face à la répression, il faut aussi renouer avec l’expérience du mouvement de 2019. Une « garde indigène » avait alors été organisée pour protéger les manifestants. Il faut la remettre sur pied pour pouvoir repousser les attaques de l’armée et de la police.
Enfin, l’expérience accumulée depuis le mouvement de 2019 montre qu’aucun gouvernement bourgeois ne mettra en place une autre politique que celle de Lasso. Dans la situation actuelle de crise économique mondiale, le capitalisme ne peut plus offrir de concessions durables aux travailleurs, surtout dans un pays soumis à l’impérialisme comme l’Equateur. Si le mouvement actuel se contente d’obtenir des promesses du gouvernement, celui-ci tentera de gagner du temps pour revenir à la charge une fois la mobilisation retombée. Pour pouvoir véritablement satisfaire leurs revendications et obtenir une vie décente, les travailleurs et les indigènes d’Equateur doivent se préparer à prendre le pouvoir entre leurs mains.