Le 16 septembre dernier, la droite au pouvoir, en Grèce, a gagné les élections législatives avec une courte majorité. Nouvelle-Démocratie (ND), le parti du Premier Ministre Costas Caramanlis, a remporté 152 des 300 sièges du Parlement.
Il y a des similitudes et des différences intéressantes entre ces résultats et ceux des dernières élections, en France. Comme en France, cette nouvelle défaite de la gauche, en Grèce, intervient après des années de mobilisations du mouvement ouvrier contre le gouvernement de droite, qui s’est brutalement attaqué aux conditions de vie et de travail de la majorité de la population. Autrement dit, l’opposition à la politique pro-capitaliste du parti gouvernemental n’a pas trouvé, à gauche, de canal permettant d’infliger une défaite électorale à la droite. Et exactement comme en France, la responsabilité de cette situation retombe principalement sur la direction du PASOK, le Parti Socialiste grec, qui s’est engagé depuis la moitié des années 90 dans une dérive droitière ininterrompue.
Au lieu de s’adresser à la classe ouvrière et d’avancer une programme crédible, comportant des mesures offensives contre le pouvoir économique des capitalistes grecs, les dirigeants du PASOK ont tenté de convaincre les capitalistes et l’électorat de droite qu’ils étaient capables de gérer le pays de façon plus « efficace » et de « renforcer les entreprises grecques. » En conséquence, non seulement le PASOK a perdu ces élections, mais il a même reculé, par rapport à 2004, de 2,45%, ne recueillant au total que 38,1% des voix.
La droite grecque l’a emporté en reculant de 3,53% par rapport à 2004 (41,84% contre 45,37%). Sa gestion calamiteuse des incendies qui ont meurtri le pays et tué 66 personnes, cet été, lui a sans doute coûté de nombreuses voix. D’entrée de jeu, le gouvernement grec apparaît donc comme ce qu’il est : un gouvernement fragile, qui ne doit sa courte victoire qu’à la faillite politique des dirigeants du PASOK. En France, également, le deuxième tour des législatives a marqué un recul de la majorité de droite par rapport à 2002. Et l’apparente solidité du gouvernement de Sarkozy n’est qu’un leurre provisoire. Les incendies qui feront chuter sa côte de popularité ne tarderont pas à éclater – non sous la forme de millions d’hectares de végétation partant en fumée, mais sous celle de mobilisations massives contre la politique ultra-réactionnaire de Sarkozy.
En fait, tous les pays européens connaissent – à des rythmes et sous des formes forcément divers – le même processus de polarisation croissante de la société. Le gouffre, entre les classes sociales, ne cesse de s’élargir. En Grèce, lors des élections de septembre, l’une des manifestations les plus évidentes de ce processus fut la progression des deux formations se situant à la gauche du PASOK. Le Parti Communiste Grec (KKE) et la « Coalition de la gauche radicale » (Syriza) on recueilli respectivement 8,15% et 5,04% des voix, contre 5,89% et 3,26% en 2004. Leur progression a été plus nette encore dans les zones ouvrières d’Athènes et d’autres grandes villes telles que Thessalonique et Patras.
Pour la première fois depuis 1974, la gauche non-socialiste grecque aura 36 députés au Parlement : 22 pour le KKE et 14 pour Syriza. Des sondages réalisés dans la foulée des élections montrent que la majorité de leurs voix est venue de la jeunesse ouvrière et des étudiants. Ces derniers se sont massivement mobilisés, l’an passé, contre le gouvernement de Costas Caramanlis. Les grèves militantes des employés municipaux, des enseignants, des dockers, des marins, des travailleurs du secteur bancaire et du textile, entre autres, ont également trouvé une réflexion électorale dans le soutien à la gauche non-socialiste.
En France, ce dernier élément mérite d’être sérieusement médité par les militants et sympathisants communistes. Alors que certains dirigeants du PCF expliquent le dernier échec électoral du parti par le fait de ne pas avoir assez nettement rompu avec le « communisme », le score du KKE, en particulier, montre que c’est exactement l’inverse qui est vrai. En dépit de tous ses défauts, le KKE a fait campagne sur un programme plus combatif et plus clairement anticapitaliste que celui du PCF. Le KKE se prononce ouvertement – du moins en parole – pour le remplacement du capitalisme par une société socialiste. Il apparaît donc plus clairement, aux millions de jeunes et de travailleurs qui cherchent une alternative au capitalisme, comme une option révolutionnaire. Surtout, il n’est pas empêtré, comme l’est le PCF, dans ce charabia « anti-libéral » et « altermondialiste » auquel les jeunes et des travailleurs de France ne comprennent rien – et auquel il n’y a, de fait, rien de sérieux à comprendre.
Nous ne voulons pas idéaliser la politique des dirigeants du KKE, dont les idées et les méthodes sont, bien plus qu’au PCF, marquées par l’héritage du stalinisme. Mais le fait est que le score électoral du KKE est un démenti, dans les faits, des « analyses sociologiques » qui ne cessent d’affluer sous la plume des dirigeants du PCF qui veulent pousser le parti encore plus vers la droite, quand ils ne veulent pas purement et simplement le liquider.