En Grèce, les sondages annoncent la victoire du parti de la « gauche radicale », Syriza, lors des élections législatives de fin janvier. Pour dissuader le peuple grec de s’engager dans cette voie, un chœur de politiciens, de banquiers et de journalistes répète chaque jour qu’elle mène au « chaos ». Et pour joindre l’acte à la parole, les capitaux commencent à quitter le pays, la Bourse d’Athènes s’affole et les taux d’intérêts sur la dette augmentent.

marx syriza logo

Le « chaos » ? Proférée par les partisans de l’austérité qui saigne le peuple grec depuis 2008, cette menace aura un impact limité sur l’électorat. « Mais c’est déjà le chaos ! », répondent des millions de Grecs brutalisés par la crise et les plans de rigueur. C’est d’ailleurs pour cela que Syriza est aux portes du pouvoir. En l’espace de six ans, le taux de chômage (officiel) a bondi de 8 à 28 %. Il est de 60 % chez les jeunes. Le PIB a chuté de 26 %, les revenus disponibles de 35 %. Le nombre de fonctionnaires est passé de plus de 900 000 à 650 000. Ce que ces chiffres expriment froidement se traduit, dans la chair d’un peuple martyrisé, par une explosion de la mendicité, de l’alcoolisme, de la toxicomanie, de la délinquance et des suicides.

Est-ce qu’au moins les politiques d’austérité ont permis de réduire la dette publique grecque ? Au contraire : elle est passée de 113 % du PIB en 2008 à 177 % en 2014. De ce point de vue, tous les sacrifices ont été imposés en vain. Mais pas à tout le monde. Les vautours de la finance ont continué de se nourrir sur la bête. La Grèce consacre 5 % de son PIB au remboursement des intérêts, contre une moyenne européenne de 2 %. Tel était bien l’objectif réel des « plans de sauvetage » : sauver les profits des banquiers.

Alexis Tsipras, le dirigeant de Syriza, annonce vouloir en finir avec ce scandale. Il promet, entre autres, l’augmentation des salaires et des pensions, l’embauche massive de fonctionnaires et la gratuité de l’électricité pour les foyers les plus pauvres. Au fond, c’est un programme assez modéré, puisqu’il propose essentiellement de revenir sur les contre-réformes et coupes budgétaires des six dernières années. Mais c’est déjà beaucoup trop pour les classes dirigeantes européennes. Avant même d’accéder au pouvoir, les chefs de Syriza subissent d’énormes pressions – sonnantes et trébuchantes – pour que le pillage des masses continue. Au fil des semaines, ces pressions s’intensifieront. Les capitalistes se livreront au chantage suivant : si vous ne renoncez pas à vos réformes, on mettra le pays à genoux par une grève des investissements et une fuite des capitaux. L’UE et le FMI couperont le robinet du crédit. Sur les marchés financiers, les taux d’intérêt des emprunts grecs flamberont.

« Nous voulons négocier un allègement de la charge de la dette avec les autorités européennes afin de la rendre soutenable », explique à Libération George Stathakis, député de Syriza. C’est complètement illusoire. Si les autorités européennes n’ont pas accordé d’« allègement » au gouvernement de droite sortant, elles ne vont certainement pas se montrer plus généreuses avec un gouvernement de gauche qui annonce vouloir en finir avec l’austérité. Le bras de fer qui a commencé ne peut se terminer que de deux manières : soit le gouvernement de Syriza capitule sous la pression, renonce à l’essentiel de ses réformes et sombre dans la « gestion » de la crise ; soit il échappe au chantage en contre-attaquant de la seule façon possible, en nationalisant les banques et les grands groupes du pays, c’est-à-dire en mettant le socialisme à l’ordre du jour en Grèce.

Pour les masses grecques, il n’y a aucune issue à l’enfer actuel sur la base du capitalisme. Les prochains mois en feront la démonstration. Les travailleurs exerceront une énorme pression sur la direction de Syriza dans un sens, les capitalistes dans l’autre sens. La position actuelle de Tsipras – la recherche d’un compromis satisfaisant tout le monde – s’avèrera intenable. Le mouvement ouvrier international devra soutenir de toutes ses forces l’effort des travailleurs grecs pour prendre leur destin en main. Et en Belgique comme ailleurs, la gauche et le mouvement syndical devront aussi tirer pour eux-mêmes les leçons de l’expérience grecque en matière de programme et de stratégie.

Notre revue

 
 

 couvertureRévolution53

Facebook