PODEMOS est devenu le point focal de la politique espagnole. Aucun parti du régime ne cache sa panique face au danger du « populisme ». Plus significatif encore, les derniers mots du grand banquier espagnol Emilio Botín, communiqués à un groupe choisi de journalistes quelques jours avant sa mort, exprimaient sa préoccupation face à l’irruption de PODEMOS.

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Depuis que PODEMOS a commencé sa campagne d’adhésion en ligne, en juillet, près de 200 000 personnes ont adhéré. Il faut remonter à 1977, juste après la chute de la dictature, pour trouver un phénomène politique semblable en termes d’enthousiasme, d’espoir et d’organisation massive.

L’indignation contre ce système d’exploitation, d’abus et d’injustices sociales, se transforme en militantisme politique, en lutte consciente pour transformer la société. Les mobilisations sociales ont contribué à miner la confiance de millions de personnes dans ce régime pourri et à accroître leur conscience et détermination. Mais la lutte sociale en elle-même est insuffisante pour changer l’état des choses. La profonde crise économique qui frappe le système capitaliste laisse très peu de marge pour bloquer les attaques du gouvernement et maintenir les conquêtes sociales du passé. Cela ouvre la voie à l’idée que nous avons besoin de prendre le pouvoir politique et économique entre nos mains.

Panique dans la classe dominante

Du côté de notre classe, la peur de l’avenir s’est transformée en enthousiasme et en défi. Au sommet de la société, l’arrogance et le mépris ont cédé la place à l’inquiétude, voire la panique. Cela s’est illustré par le retrait de certains projets de réformes réactionnaires, comme la loi contre l’avortement et la réforme des élections locales. La démission de Gallardón du gouvernement et la campagne lancée contre la corruption n’y sont pas non plus étrangères. Une multitude de politiciens impliqués dans des fraudes et des délits fiscaux ont été arrêtés.

Dans un récent éditorial intitulé Le système menacé, le journal El País offrait une excellente illustration de la panique qui gagne la classe dominante : « La corruption exige l’assainissement urgent des institutions pour éviter de plus grands maux ». A quels « maux » fait référence El País ? A la pauvreté, au chômage, aux bas salaires, aux expulsions, à la dégradation des services publics ? Non : à rien de tout cela. Sa préoccupation est la suivante : « Le caractère systémique de la corruption facilite le recours à des arguments simplistes et démagogiques par ceux qui proposent une rupture, non avec le système corrompu, mais avec l’ordre constitutionnel, y compris par des moyens contraires à la démocratie ». La démocratie, selon El País, consiste à faire voter le peuple tous les quatre ans, pendant que les grandes multinationales dictent leurs politiques aux gouvernements. C’est justement contre cette « démocratie » en faillite que nous luttons. El País est effrayé à l’idée d’un peuple s’organisant pour renverser cette société.

A présent que commencent à souffler les premières brises de la révolution, la bourgeoisie espagnole se trouve dépourvue de dirigeants ouvriers jouissant d’une quelconque autorité pour faire avorter les aspirations de millions de personnes à une transformation radicale de société.

Les dirigeants du PSOE, de l’UGT et de CCOO n’ont plus d’autorité. Des scandales tels que celui des cartes de Bankia, entre autres, ont révélé comment les directions politiques et syndicales, qui se vantaient de représenter la gauche et le mouvement ouvrier, ont été complètement intégrées au système, qui les a corrompues.

De son côté, Izquierda Unida (IU) fait face à un défi historique. Les éléments critiques, avec Alberto Garzón à leur tête, ne peuvent plus se contenter de se plaindre ; ils doivent mener la bataille et exiger une assemblée extraordinaire pour élire une nouvelle direction qui rompe tout lien avec l’« Establishment ». Cela galvaniserait les militants et les sympathisants qui, désormais, tournent leurs regards vers PODEMOS. A défaut, le scepticisme envers IU s’approfondira.

L’Assemblée citoyenne de PODEMOS

La vérité est que PODEMOS est en train de concentrer les espoirs de la majorité de la classe ouvrière et d’autres secteurs populaires. Nous devons reconnaître l’immense travail accompli par le camarade Pablo Iglesias et les militants de ce mouvement, qui font face à d’énormes responsabilités.

Il y a quelques semaines, PODEMOS a tenu son congrès constituant (Assemblée citoyenne). Ce fut un événement extraordinaire, auquel ont participé 8000 personnes enthousiastes : des jeunes, des militants vétérans des années 70, des travailleurs, des chômeurs, des femmes au foyer et des retraités. Des résolutions ont été approuvées en faveur de la santé et de l’éducation publiques, contre les expulsions et la corruption, ou encore en faveur d’un audit de la dette.

Il y a eu un débat animé au cours duquel la majorité des intervenants ont pris position pour une démocratie plus ample dans la société et à l’intérieur de PODEMOS, contre les banques et le capitalisme, en faveur de la nationalisation des secteurs stratégiques de l’économie. Les références à la classe ouvrière ont suscité de vifs applaudissements, ce qui dément l’idée que les militants de PODEMOS n’auraient « pas d’idéologie ».

Pour autant, il manque toujours à PODEMOS un programme socialiste basé sur l’expropriation du grand capital, placé sous contrôle ouvrier, seule façon de mener à bien, dans la pratique, les réformes présentées dans le programme du mouvement. Il doit aussi se doter d’une structure interne cohérente qui garantisse un contrôle maximal de la direction par la base.

La façon dont a été organisé le débat en amont du congrès ne semble pas être la plus adéquate : pas d’assemblées locales, provinciales et régionales, ni de délégués élus par la base. Les militants ont dû lire et débattre, au sein d’une circonscription nationale unique, tous les documents et amendements provenant de chaque section locale (ou cercle), via internet. Cela a conduit à ce que seule la minorité des membres qui avaient suffisamment de temps participe pleinement aux débats et aux décisions.

Le système de vote des documents politiques, organisationnels et éthiques a aussi provoqué une grande controverse, car il impliquait soit de voter « pour », soit d’écarter en bloc les documents présentés par une même équipe, au lieu de permettre à chaque militant de voter individuellement chaque document selon son choix. Ceci favorisa l’équipe dirigeante de Pablo Iglesias, dont les documents furent votés en bloc par une majorité des militants, et plus encore quand il lia son maintien dans la direction au vote de ses documents.

Quoi qu'il en soit, le mouvement est jeune, et il faut avoir confiance dans le fait que l’expérience créera les conditions pour dépasser ces faiblesses tant politiques qu’organisationnelles.

La lutte électorale et la mobilisation sociale

Un des résultats les plus positifs de l’Assemblée citoyenne fut de promouvoir, pour les élections municipales à venir, la convergence entre les candidatures de GANEMOS (« Gagnons ») et celles des mouvements sociaux, des organisations de quartiers et d’IU (entre autres).

A présent, les dirigeants de PODEMOS doivent développer la mobilisation sociale, véritable moteur du changement politique qui s’est produit dans le pays. Il faudrait impliquer l’organisation dans toutes les luttes sociales et mobilisations dans la rue. Ces mobilisations serviront à maintenir l’esprit de lutte populaire et devront être utilisées comme porte-voix pour dénoncer les injustices sociales et montrer que la gauche et le mouvement populaire opposés au régime (GANEMOS, mouvements sociaux, syndicats, etc.) sont à la tête du peuple mobilisé, de façon à gagner la rue, prendre le pouvoir et jeter dehors tous les représentants du système capitaliste.

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