Après 5 jours exaltants à Brighton, la conférence du Parti Travailliste (Labour) se termine. En réalité, ce fut un rassemblement pré-électoral avec des enchaînements de promesses radicales qui ont enthousiasmé les membres et les électeurs. Il faut maintenant lancer le combat contre les Tories [Parti Conservateur, NDT] !
Quelle semaine ! Les cinq derniers jours de la conférence annuelle du Parti Travailliste ont tout eu du circuit de montagnes russes. Malgré les tentatives de la presse conservatrice de pourrir l’humeur générale, ceux qui quittent Brighton aujourd’hui seront sans le moindre doute remplis d’optimisme et de confiance dans notre mouvement.
Alors que le gouvernement est en crise, que les Blairistes [aile droite du Parti Travailliste, NDT] battent en retraite et que nous disposons d’un arsenal étoffé de politiques radicales, les membres de la base sont prêts à se lancer dans le combat contre Boris Johnson et les Conservateurs. Le message qui ressort de la conférence est clair : « Allez-y ! Nous sommes prêts pour une élection ! ».
Les Blairistes ont été éclipsés
On dit qu’une semaine est une longue période en politique. En ce moment, les événements changent plutôt en un jour, voire en une heure ! Au début de cette semaine, lors de l’arrivée des délégués le samedi matin, les journaux étaient remplis de rumeurs de scissions, de complots, de manœuvres, à l’instar de celles du député machiavélique Tom Watson, qui a contrecarré les plans de Jon Lansman, un des membres fondateurs de Momentum, qui tentait de l’évincer.
Ce petit épisode a été l’excuse parfaite pour que les médias des millionnaires se détournent des débats ayant lieu à l’intérieur de la salle de conférence.
Pendant ce temps, Watson se frottait les mains et fanfaronnait sur « un coup dans le dos » avec un « spectaculaire retour de flamme », accusant avec hypocrisie la gauche d’être plus intéressée par des attaques internes que par la lutte contre les Conservateurs.
Mais à la fin, les tentatives cyniques des Blairistes et de leurs copains de la presse de détourner l’attention de la conférence qui se déroulait n’a pas fait le poids face au grondement assourdissant qui s’élevait du centre de conférence de Brighton.
Un état d’esprit combatif
Après un début laborieux, les esprits se sont échauffés lors du débat sur la restauration de la Clause 4, samedi après-midi. Cette clause, effacée des statuts sous le règne de Tony Blair, décrit les objectifs socialistes du parti, dont la prise de contrôle publique des moyens de production. Les discours inspirants et passionnés des porteurs de cette proposition ont permis de modifier les motions pour rétablir la clause socialiste initiale et ont certainement fait s’emballer plus d’un cœur.
Ces contributions ont reçu des ovations de la salle, pour récolter plus tard 62% des votes des délégués des sections locales du parti en soutien à la Clause 4.
Ce splendide résultat a donné le ton au restant de la semaine, des discours principaux jusqu’aux contributions du panel. Jour après jour, la combativité des discours tenus par les délégués a augmenté, tout comme la radicalité des engagements venant de la plateforme.
Et nous n’avons pas encore mentionné les politiques de gauche qui ont été adoptées (entre autres) : la semaine des 32h, l’abolition des écoles privées, l’établissement d’un système de santé national, la mise en œuvre du « Green New Deal » qui implique une large extension de la propriété publique et l’objectif d’émissions (nettes) de carbone nulles en 2030.
John McDonnell, en particulier, a prononcé un discours puissant le mardi, et a détaillé le programme économique du Labour, qui inclut un nombre important de réformes dont la promesse qu’un gouvernement travailliste étendrait et assurerait des « services universels de base », ce qui revient à une extension massive de la propriété publique.
De nombreux discours ardents ont dénoncé le capitalisme, revendiquant des nationalisations et des politiques socialistes. Par exemple, Matt Wrack, le secrétaire général du syndicat des pompiers (FBU), a évoqué le contexte du « Green New Deal » dans les termes suivants : « le capitalisme est en train de détruire la planète… Il nous faut mette la propriété publique au centre de ce problème. »
Ce recours à des discours francs et à un langage de classe de la part des délégués est particulièrement frappant. L’un après l’autre, les orateurs ont clairement évoqué la mobilisation et l’organisation des travailleurs, les campagnes autour de problématiques de classe, et le combat pour un gouvernement travailliste socialiste.
C’est exactement ce type d’approche combative qui est nécessaire pour mobiliser les travailleurs et la jeunesse lors d’une campagne pour des élections générales.
Corbyn sort renforcé
Par-dessus tout, la conférence a été marquée par le ralliement de la base militante derrière Corbyn.
Les Blairistes, en revanche, ont été invisibles ; aucune trace d’eux à la fin de la semaine. Face à la perspective de s’adresser à une salle presque vide lors du dernier jour de la conférence, Tom Watson a choisi d’abandonner complètement son discours et est rentré plus tôt que prévu à Londres. Cela constitue un final humiliant pour les Blairistes, qui ont quitté Brighton la queue entre les jambes.
Durant toute la semaine, l’aile droite du Parti Travailliste a fait de son mieux pour diviser les membres, en particulier sur la question du Brexit. Ceux qui souhaitent rester dans l’Union Européenne ont envahi les rues avec leurs drapeaux européens. Une bruyante manifestation « le vote du peuple » a tenté de faire monter la pression. Et des orateurs comme Emily Thornberry et Keir Starmer ont saisi cette opportunité pour appeler le parti à adopter une position pro UE ferme.
Mais tous ces efforts n’ont abouti à rien. Au contraire, la conférence a apporté la preuve que les membres du Labour soutiennent fermement Corbyn.
Une position de classe
A la fin, c’est la position de classe de Corbyn qui l’a emporté sur la question du Brexit : le dirigeant du Labour a affirmé, avec justesse, que notre parti ne doit être ni celui des « 52%, ni des 48%, mais celui des 99% ».
Il est donc clair que le Labour va aborder les prochaines élections sur des questions de classe. Cela a également été souligné lors du discours de Corbyn, lorsqu’il a déclaré qu’un gouvernement travailliste « prendrait à ceux qui mènent le pays : les spéculateurs financiers, les fraudeurs fiscaux et les grands pollueurs. »
On peut déjà ajouter à cette liste les patrons des grandes entreprises pharmaceutiques, qui, selon Corbyn, seront dans la ligne de mire d’un prochain gouvernement Labour, puisqu’il a promis d’établir un établissement public de médicaments génériques bon marché.
Si cela est mis en œuvre, ce mécanisme sauverait à la fois de l’argent et des vies, puisque le système de santé actuel – et les patients vulnérables – ne peut plus compter pour son approvisionnement sur les monopoles pharmaceutiques avides de profit.
« Nous leur reprendrons » a déclaré Corbyn sous un tonnerre d’applaudissements, « pour que les véritables créateurs de richesses, les habitants de ce pays, puissent avoir les emplois, les services et le futur qu’ils méritent. »
Que la bataille commence
De ce discours, il est clair que le dirigeant du Labour a trouvé un nouvel élan. Après des semaines de frustrantes querelles parlementaires, la conférence de cette semaine a permis à Corbyn de faire ce pour lequel il excelle : mobiliser un mouvement de masse autour de politiques de classe.
Porté par l’annonce de la Cour Suprême, selon laquelle la suspension du Parlement par Boris Johnson est illégale, Corbyn a encore plus animé les esprits en déclarant que Johnson « n’est pas à la hauteur de sa tâche de premier ministre ».
« Cette crise ne peut être résolue que par une élection générale », a affirmé Corbyn à une audience exaltée. Stimulé par les demandes radicales contenues dans le programme adopté à la conférence, les militants de base n’attendent plus que de descendre dans les rues et de mener une campagne victorieuse pour le Labour.
Avec la scission des Tories et Johnson pris au piège, il est évident que cette opportunité se présentera tôt ou tard. Une élection générale est imminente.
La conférence du Parti travailliste de cette année était exactement ce qu’il fallait : de l’air frais qui a balayé toutes les manigances de Westminster de ces derniers mois ; un rappel de l’origine des véritables forces de notre mouvement ; et un avant-goût enthousiaste de ce qui est à venir.
Ce fut un rassemblement de masse pré-électoral, une opportunité pour bander nos muscles en prévision de la bataille à venir… qu’elle commence !