Dans les semaines à venir, nous assisterons à un débat croissant, au niveau national et européen, sur la nécessité de réduire la dette publique ainsi que les dépenses publiques pour « respecter les critères de Maastricht ». Le résultat est connu d’avance : le retour annoncé de l'austérité en Belgique, suspendue en 2020 au début de la pandémie.
L’Union européenne s’accorde maintenant sur un nouvel ensemble de règles budgétaires pour ses États membres, destinées à remplacer l’ancien « Pacte de stabilité et de croissance », les fameux critères de Maastricht.
Le processus ne sera pas évident à mettre en place. Les règles seront plus flexibles en amont, et permettront de définir des plans et des échéances à l’avance ; cependant, il y aura une plus grande rigueur dans le suivi des engagements pris.
Les syndicats ont d’ores et déjà annoncé leur opposition et ont organisé deux manifestations (une à Paris et une deuxième à Bruxelles le 12 décembre où étaient présents à chaque fois environ 20 000 travailleurs. Un bilan assez maigre au regard des enjeux. Selon la Confédération Européenne des Syndicats si la nouvelle législation s’impose : « elle se traduirait par moins d’emplois, des salaires en baisse et des services publics surchargés et ferait que la plupart des pays seraient incapables de supporter les investissements nécessaires pour atteindre leurs propres objectifs sociaux et les objectifs climatiques de l’UE ». Pour la Belgique, la réduction budgétaire s’élèverait à 2,7 milliards d’euros. Cette somme pourrait par exemple financer 82 500 professeurs ou 37 200 infirmières.
Deux poids, deux mesures
En Belgique, mais aussi pour de nombreux pays du sud de l’Europe, ces nouvelles règles peuvent sembler plus souples à première vue, mais elles auront des conséquences importantes.
A côté de ces mesures qui auront un impact énorme sur les services publics et les aides sociales (budgets pour le CPAS, allocations de chômage, etc.), les gouvernements prévoient des plans pour augmenter les profits et la rentabilité de certains secteurs. Par exemple, le 8 janvier, la même Commission Européenne a approuvé le crédit d'impôt de 2,9 milliards d'euros proposé par la France pour stimuler la production de panneaux solaires, de batteries, d'éoliennes et de pompes à chaleur.
Margrethe Vestager, commissaire européenne à la concurrence, a déclaré que ce programme s'ajoutait aux programmes similaires mis en place par l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et d'autres pays. Il s’agit d’une aide de 9,1 milliards d'euros pour accélérer les investissements « zéro-net », en ce moment critiques. D’autres projets similaires sont en cours d'élaboration.
Le lendemain, le commissaire chargé du marché intérieur, Thierry Breton, a annoncé la création d’un fonds alloué à la défense militaire européenne de 100 milliards d'euros.
Pour résumer : des milliards pour les entreprises, pour la défense, et des coupes budgétaires pour le personnel soignant, les éboueurs, les sapeurs-pompiers… Pourtant il y a trois ans ceux-ci étaient encore applaudis comme des « héros » par les hauts dignitaires européens.
Nouvelles règles
À partir de l’année prochaine, ces règles budgétaires seront réinstaurées, mais sous une forme révisée. En effet, les États-membres cherchaient depuis longtemps à se défaire de l’ancien système.
L’Allemagne insiste pour que ces règles soient réellement respectées cette fois-ci. La dette ne pourra pas dépasser 90 % du PIB et elle devra baisser de 1 % par an. Le déficit budgétaire de 3 % devra être ramené à 1,5 %. Ceci aura un impact significatif sur les finances publiques belges. En contrepartie, les évaluations ne se baseront plus sur une année, mais s’étendront sur quatre ou sept ans, en prenant également en compte les investissements. C’est le fruit d’un compromis franco-allemand, finalement adopté par les autres États membres sous l’impulsion de la présidence espagnole du Conseil.
Avec un budget fédéral gravement déséquilibré, tout comme celui des gouvernements wallon, bruxellois et de la communauté française, le débat sur l’application des nouvelles règles risque de déborder pendant la campagne électorale ce printemps.
Le déficit pour toute la Belgique atteint 4,9 % du PIB en 2023. De même, la dette totale de l’État belge, historiquement élevée, a continué de croître, dépassant les 105 %. En 2026, le niveau de la dette de l’Etat devrait se situer juste en dessous des 110% du PIB. Ces chiffres redeviennent soudainement cruciaux.
Les classes dirigeantes européennes sont déterminées à couper la dette publique en dépit des contestations et des conséquences sur le quotidien des travailleurs. Et pourquoi ? Ils n’ont rien à craindre de la timide riposte syndicale officielle. Et cela les rassure.
Après la Grèce, l’Italie, le Portugal, la France et l’Espagne, la Belgique se retrouve aussi dans ce groupe de mauvais élèves, avec une dette supérieure à 100 %. La Banque nationale belge a parlé d’un effort de 2 milliards par an sur les 5 prochaines années pour le gouvernement suivant, juste pour stopper l’hémorragie.
Donc, les prochaines semaines vont ainsi annoncer le retour aux plans d’austérité et aux coupes budgétaires. Comme lors de 2013 et 2014, le mouvement ouvrier doit se préparer à la riposte, à la lutte collective. Mais cette fois, il lui faudra faire davantage que de lutter pour des « compromis », systématiquement en notre défaveur, mais au contraire il devra se préparer à lutter correctement pour une victoire contre l’austérité et sur le capital. Pour cela, il faudra aux travailleurs des organisations capables de relever ces défis majeurs.