Charles, militant à Révolution (France) s'est entretenu avec nous sur l'enjeu des élections présidentielles françaises.

Révolution: Le 10 avril auront lieu les présidentielles en France. Peux-tu nous faire le topo de la situation?

Charles : Le pays a été fortement touché par la pandémie. On compte quand même 130.000 morts en France mais cela n’a pas empêché le gouvernement de continuer à supprimer des lits d’hôpitaux, 5700 en 2020.

Au même temps, la classe capitaliste a pratiquement doublé sa fortune depuis le début de la pandémie. De l'autre côté les travailleurs ont vraiment été très impactéss par cette crise. Le chômage avance, la pauvreté augmente fortement. Huit millions de Français disent avoir besoin d'aide alimentaire. Le fossé entre les riches et les pauvres n'a jamais été aussi rapide et aussi fort en France. Cette situation est catastrophique pour la classe ouvrière, et politiquement dangereuse pour la classe dirigeante.

Les thèmes de campagne qui sont avancés dans les médias visent à détourner le regard de ces problèmes-là. Ils parlent d’identité, de l’immigration. Ce sont les vieux thèmes qui sont rabâchés par la bourgeoisie française depuis des années.

Est-ce que la remise en cause du système, exprimé par le mouvement des Gilets Jaunes trouve une expression dans cette élection ?

Si elle trouve une expression, elle n’est pas très claire. Il faut revenir à ce que ce que c'était les gilets jaunes. C'est un mouvement qui trouve ses racines dans les couches les plus profondes de la société française, dans les couches les plus opprimées. C'était un mouvement qui était idéologiquement très hétérogène au début. Au fur et à mesure que la lutte se développait, des revendications sociales et progressistes prenaient le dessus.

Le vote des gilets jaunes dans cette élection présidentielle sera cependant partagé entre la gauche radicale et l'extrême droite qui démagogiquement essaie de récupérer le mouvement. Mais surtout : je pense qu'une bonne partie de gilets jaune s'abstiendrait.

Le candidat le plus discutée dans les médias est le candidat de l’extrême droite Eric Zemmour. Comment ça se fait qu’un tel candidat ne fasse pas parti du Rassemblement National (RN), mais qu’il ait lancé sa propre plateforme ‘Reconquête’?

Eric Zemmour est une personnalité qui est assez connue depuis des années. C’est un polémiste qui est très présent dans les médias. Marine Le Pen avait essayé de démagogiquement récupérer le mécontentement social son programme pour essayer d'attirer justement les classes populaires. Zemmour n’est pas du tout sur ce créneau-là. Il se base sur une partie de l'électorat du RN qui soit déçu du tournant qu'elle a pris ces dernières années, surtout depuis l’échec à la présidentielle de 2017. Marine Le Pen essaye de rassurer la bourgeoisie, elle essaye de se montrer comme une personnalité responsable. Il y a aussi un autre processus au sein de la droite traditionnelle. C'est la perte d’intérêt parmi la population par leurs thèmes habituels. Eric Zemmour vient se placer entre la droite traditionnelle et le RN et il essaye de récupérer les deux suites des deux côtés.

La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon semble très absente dans les débats et les sondages. Que se passe-t-il ?

Si on regarde les sondages à la même période en 2017, LFI était aux alentours des 12%. Aujourd'hui elle est autour de 10%. En réalité il n’y a pas un retard aussi grand. Après c'est sûr que la direction de LFI a fait beaucoup d'erreurs depuis la dernière campagne. La première erreur était de ne pas capitaliser cette dynamique en se s’appuyant sur le gros score autour des 19% qu’a fait Mélenchon lors de la dernière campagne présidentielle. Les militants impliqués dans cette campagne dynamique étaient nombreux et il aurait pu structurer un parti qui pourrait s’ancrer au sein de la classe ouvrière. Cela n’a pas été fait. Mélenchon a maintenu la forme de mouvements gazeux.

Mais ce qui est le plus grave c'est une dérive un peu droitière qu’a connu la politique de LFI qui s'est illustrée notamment dans les élections européennes, régionales et municipales. LFI y a fait des alliances avec les Verts, avec le parti socialiste, alors que se sont tous des partis totalement décrédibilisés.

Et puis il y a aussi l'attitude de LFI envers le mouvement des gilets jaunes qui n’a pas été à la hauteur. La France Insoumise est à la remorque du mouvement, se contente de soutenir sans tenter de lui donner des perspectives, de donner une direction et un programme. LFI ne s'est pas appuyée sur le mouvement des gilets jaunes pour construire encore une fois une organisation qui soit ancrée dans les luttes de la classe ouvrière.

Comment estimes-tu la probabilité que Mélenchon passe au deuxième tour ?

La présidentielle est avant tout caractérisée par une grande instabilité et volatilité politique. Et malgré les erreurs droitières, il existe toujours un potentiel pour LFI. Un potentiel objectivement même plus fort en vue de la crise sanitaire et économique.

Si nous regardons les sondages, on s’aperçoit que la droite et l’extrême droite sont plus divisés qu’auparavant. Le PS est encore dans un pire état que la dernière fois. Ce qui veut dire qu’il ne faudrait pas avoir 20% des votes pour arriver au deuxième tour, mais plutôt 15%. Il n’est donc pas du tout exclu que LFI soit au deuxième tour. Mais concrètement, il paraît que ce sera Macron qui tirerait profit de la situation pour se faire réélire.

Comment est-ce que vous, en tant que marxistes approchez cette élection ?

En tant que marxistes nous apportons notre soutien à la candidature de Jean-Luc Mélenchon. Mais c’est un soutien critique. On soutient pour au moins deux bonnes raisons. La première étant que c'est le seul candidat de gauche qui est capable de battre la droite et l'extrême droite. Deuxièmement, il y a des millions de jeunes et de travailleurs qui s'apprêtent à voter pour lui. Nous l’avions de nouveau vu en participant au meeting de Montpellier qui titrait “Les riches sont des assistés”. Nous voulons être là où des milliers de travailleurs et de jeunes font leurs expériences politiques avec le réformisme.

Les réformes proposées par LFI sont progressistes comme la baisse du temps de travail, la baisse de de l'âge de départ à la retraite. Mais quand on regarde de plus près, programme ne se donne pas les moyens de les mettre en place. Principalement parce qu’elle n’attaque pas la propriété capitaliste. Imaginons que Mélenchon gagne les élections et qu’il va vouloir mettre en place son programme. Les réformes vont directement à l'encontre des intérêts économiques de la classe dirigeante qui ne va pas se laisser faire. Elle va effectivement utiliser son pouvoir économique pour organiser des grèves d’investissements, organiser la spéculation contre la monnaie.

Face à cela, il faut être prêt à exproprier ces capitalistes et nationaliser les grands leviers de l'économie dans le cadre d'une planification démocratique. C'est comme ça qu'on pourra répondre aux besoins de la population. C’est avec cette mise en garde sur les limites réformistes du programme de LFI que nous voulons grossir nos rangs. Parce que ce qui manque aujourd'hui en France et dans le monde, c'est avant tout un parti révolutionnaire.

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