"La crise sociale est trop profonde, trop grave, pour être résolue par des mesures superficielles, par de petites « réformes ». Les grands problèmes exigent, pour les résoudre, de grands moyens. La seule politique pouvant vraiment combattre le racisme est une politique révolutionnaire, qui montre concrètement aux travailleurs de toutes les origines comment en finir avec le système actuel."


 

Dix-huit mois après l’élection de François Hollande, son slogan de campagne, « Le changement, c’est maintenant ! », apparaît pour ce qu’il était : une immense escroquerie politique. Entre 5 et 6 millions de personnes sont demandeurs d’emploi. Mais ces emplois n’existent pas. Ce n’est pas qu’il n’y a pas de besoins à satisfaire ; c’est que les capitalistes ne voient pas l’intérêt de les satisfaire. Ils ont ruiné l’Etat qui — à force de pallier les défauts du système, subventionnant les entreprises, décaissant des milliards pour les pauvres et les chômeurs engendrés par le capitalisme et payant, année après année, des centaines de milliards en intérêts aux banques – se dirige vers une crise de solvabilité. Ils sont aussi en train de ruiner la société tout entière. Parler du « changement » sans toucher à la dictature de la Bourse n’est qu’une imposture cynique.

On pourrait s’attendre à ce que le recul du Parti Socialiste profite, sur le plan électoral, au Front de Gauche et à la droite. Or pour l’heure, nous n’avons pratiquement aucune indication tangible d’une progression du PCF et de ses alliés. Des résultats électoraux et des sondages indiquent qu’à ce stade la désillusion profite principalement à l’abstention et la droite – et surtout au Front National.

Il est vrai que le Front National et son message de haine raciale figurent en bonne place dans les grands médias. Mais ceci n’explique pas tout. Les causes de la progression du Front National sont bien plus profondes. Le chômage de masse pousse des millions de personnes dans le désespoir. Une énorme colère contre « le système » s’accumule. Le nombre de familles mal nourries augmente. L’humeur de cette population « oubliée » est contagieuse, parce que des millions de travailleurs qui ne sont pas aussi pauvres sentent, eux aussi, qu’il suffirait de peu pour qu’ils chutent à leur tour. La colère s’empare aussi des couches intermédiaires – petits commerçants, entrepreneurs, artisans, etc. – qui s’enlisent dans des difficultés. Alors que la misère se répand à la base de la société, les choses se passent tout autrement au sommet. Les riches s’enrichissent davantage.

Les institutions de l’Etat sont discréditées. Les étiquettes politiques changent de temps en temps, mais les problèmes sociaux et économiques demeurent et s’aggravent. Les gouvernements (de droite ou de « gauche ») ne sont que les masques temporaires d’un appareil d’Etat corrompu. Les « affaires » et scandales financiers éclatent et s’enchaînent les uns après les autres.

La devise de la République est Liberté, Egalité, Fraternité, mais c’est une République capitaliste, faisant partie intégrante d’un système fondé sur l’exploitation d’une classe par une autre. Il ne doit pas y avoir un seul des ces « gros contrats » qui rapportent des millions aux affairistes et spéculateurs, dans lesquels l’Etat « républicain » n’est pas impliqué d’une façon ou d’une autre. C’est le régime des grands possédants, l’Etat des riches.

Est-il vraiment étonnant, dans ce contexte, que les partis du statu quo – du maintien de l’ordre établi – se discréditent et s’affaiblissent ? Le soutien accordé au Front National s’explique par son image savamment entretenue d’un parti extérieur au « système », d’un parti proposant un changement radical. Le besoin d’un tel changement est profondément ressenti par une fraction grandissante et de plus en désespérée de la société française.

En réalité, le Front National est un parti au service de l’ordre établi. Le racisme qui sous-tend toute la politique du Front National sert directement les intérêts de la classe capitaliste. Si le Front National désigne les « immigrés » et les « étrangers » comme responsables de la crise, c’est précisément pour exonérer les vrais coupables. Le travailleur qui projette sa haine contre son voisin, dont la couleur ou les croyances religieuses sont différentes, ne voit pas que les capitalistes sont la véritable cause de ses malheurs.

Non au soi-disant « Front Républicain » !

L’appel des dirigeants du PCF à voter pour l’UMP, à Brignoles, était une grave erreur. Il ne peut qu’apporter du crédit au discours du FN qui présente le PCF comme un parti de l’ordre établi, et qui ne serait pas fondamentalement différent de tous les autres. L’idée que l’UMP est un « moindre mal » plutôt que le Front National est fausse. Le Front National se sert du racisme pour diviser les travailleurs, l’UMP aussi. Le Front National est un parti capitaliste et réactionnaire, l’UMP aussi. Qu’on nous explique en quoi l’UMP serait « meilleur » ou plus progressiste que le Front National ! Lorsque deux partis réactionnaires se trouvent face à face au deuxième tour, la partie électorale est déjà perdue. Il faut s’abstenir de voter et continuer la lutte contre les deux partis réactionnaires par d’autres moyens, par une campagne d’explication et d’action militante. En aucun cas les communistes ne devraient soutenir les partis capitalistes. Cette faute pourrait en appeler d’autres, aux conséquences politiques désastreuses pour le PCF. Par exemple, si le Front National et l’UMP sont au deuxième tour de la prochaine élection présidentielle, la direction du PCF va-t-elle soutenir un Sarkozy, un Fillon ou un Copé ?

Le racisme du Front National et de l’UMP est un poison. Le combat contre le racisme est l’un des aspects les plus importants de notre lutte contre le capitalisme. Mais il ne suffit pas de « dénoncer » le racisme, de s’indigner, ni même de seulement dire que les capitalistes sont les véritables responsables de la crise. Ce genre d’« antiracisme » n’a pratiquement aucun effet, parce qu’il ne répond pas aux problèmes concrets qui se posent et dont le racisme se nourrit. Parmi les travailleurs « contaminés » par le racisme, nous entendons souvent le discours suivant : « Vous dites que les capitalistes sont responsables du chômage. Je le comprends bien. Je sais qu’ils nous exploitent, qu’ils ne s’intéressent qu’au profit. Mais le monde est ainsi fait. La “gauche” prétend s’opposer au capitalisme, mais je constate que chaque fois qu’on lui donne l’occasion de faire quelque chose, elle ne touche pas au système. Le Front National ne veut pas renverser le capitalisme. Mais la “gauche” non plus. Je dois donc faire avec. Concrètement, s’il y a un emploi pour deux chômeurs, quelles qu’en soient les raisons, l’un d’eux va travailler et l’autre pas. Et si le Front National propose de donner la priorité aux Français, alors moi, comme Français, ça m’intéresse ».

Nous avons ici le cœur du problème. Au fond, le racisme, comme le nationalisme en général, est une question de pain quotidien. La crise sociale est trop profonde, trop grave, pour être résolue par des mesures superficielles, par de petites « réformes ». Les grands problèmes exigent, pour les résoudre, de grands moyens. La seule politique pouvant vraiment combattre le racisme est une politique révolutionnaire, qui montre concrètement aux travailleurs de toutes les origines comment en finir avec le système actuel.

Nous devons clairement expliquer aux travailleurs que pour sortir du capitalisme il est nécessaire de prendre possession — par des moyens révolutionnaires — des banques ainsi que de toutes les grandes entreprises, avec toutes leurs ressources productives et financières. Nous, les communistes, ne nous limitons pas à nous plaindre de la spéculation boursière. Nous voulons supprimer la Bourse, libérer l’économie et les travailleurs de l’emprise des capitalistes. Les richesses colossales – et les moyens de produire de nouvelles richesses – sont actuellement sous le contrôle des capitalistes. Il faut transformer ces moyens en propriété publique, remplaçant le critère de profit privé, qui est en train de dévaster l’économie, par celui du bien public.

Avec les moyens de production sous leur propre contrôle et direction, les travailleurs pourront exercer leur pouvoir pour les tourner vers la satisfaction de leurs propres besoins. Ils ne dépendront plus des capitalistes. Dans cette nouvelle société, ce sont les travailleurs eux-mêmes qui auront le pouvoir de décider des priorités : construire des hôpitaux, des écoles, des crèches, des bibliothèques, des logements spacieux et de bonne qualité, des quartiers propres et correctement équipés. Et de se donner, en somme, les moyens d’une existence et des perspectives dignes de l’humanité.

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