La contre-réforme des retraites annoncée par le gouvernement « socialiste » prolonge et aggrave celle qui avait été imposée par le gouvernement Fillon en 2010.

A l’époque, les dirigeants du PS s’y opposaient et disaient aux manifestants : « votez pour nous en 2012 et nous abrogerons cette réforme inique ». A présent qu’ils sont au pouvoir, non seulement ils n’abrogent rien, mais ils en rajoutent dans la régression sociale. Leur cynisme et leur soumission aux intérêts du patronat n’ont décidément pas de limites.

Tout a été dit, notamment par L’Humanité et la CGT, sur les conséquences sociales catastrophiques des contre-réformes qui se sont succédé depuis 1993, lorsque Balladur engageait la destruction des conquêtes de 1981. Ces reculs ont tous entraîné une baisse importante du niveau des pensions. Résultat : la moitié des retraités touchent une pension inférieure au SMIC. Et plus de 4 millions d’entre eux perçoivent le minimum contributif (621 euros par mois).

Messieurs-dames les ministres « socialistes » ont-ils une vague idée de ce que signifie, de nos jours, vivre avec 621 euros par mois ? Non ? Qu’ils délaissent un instant les dorures et velours de leurs vastes bureaux et daignent observer, dans les rues de Paris, le flot montant de la misère qui pousse tant de personnes âgées – entre autres – à se nourrir dans les poubelles. Les mesures annoncées par Jean-Marc Ayrault ne feront qu’aggraver ce phénomène. Par ailleurs, l’augmentation des cotisations retraite se traduira par une baisse des salaires nets.

En plus de la baisse mécanique des pensions du fait de l’allongement de la durée de cotisation, le gouvernement a ajouté une petite abjection de son cru, à laquelle même la droite n’avait pas songé : il prévoit de soumettre à l’impôt la majoration de 10 % dont bénéficient les retraités qui ont au moins trois enfants – puis, à partir de 2020, de supprimer cette majoration. Il précise que les économies ainsi réalisées profiteraient aux retraites des femmes – à condition qu’elles n’aient pas trop d’enfants !

« Ah ! Mais nous sommes socialistes ! », clamaient depuis des mois Hollande et ses ministres. « Et donc nous, à la différence de la droite, nous allons faire une réforme JUSTE ! » Par « juste », ils entendent : qui ponctionne non seulement les salariés et retraités qui peinent à joindre les deux bouts, mais aussi les capitalistes richissimes qui saccagent l’économie et pillent les caisses de l’Etat. Or, même cet idéal de justice extrêmement modeste a fait long feu. Il a suffi d’un froncement de sourcil de Mr Gattaz, le patron du MEDEF, pour que Pierre Moscovici se précipite aux Universités d’été des patrons et y annonce que le gouvernement allait « intégralement compenser » la hausse des cotisations retraite par une baisse des cotisations famille, dès 2014 et au moins jusqu’en 2017.

Pour qu’on comprenne bien qui décide dans ce pays, Mr Gattaz n’a pas remercié le ministre pour ce nouveau cadeau fiscal. Il l’a froidement accueilli comme on empoche un dû – puis, impassible, a réclamé l’abrogation de l’ISF et de la « taxe à 75 % ».

La stratégie syndicale

A l’exception des dirigeants du PS, de la CFDT et d’autres syndicats minoritaires, toutes les forces du mouvement ouvrier sont opposées à cette contre-réforme. Leur capacité de mobilisation est colossale, comme l’ont prouvé les mouvements de 2003 et 2010. Cependant, ces deux grandes luttes se sont soldées par des défaites. Quelles leçons peut-on en tirer pour la bataille qui s’engage ?

Eric Aubin, secrétaire confédéral de la CGT en charge des retraites, abordait ce thème dans L’Humanité Dimanche du 22 août dernier : « [Depuis 2010] le contexte politique a changé. La gauche au pouvoir a combattu à l’époque [la] contre-réforme [Fillon]. Ils vont avoir du mal à faire l’inverse aujourd’hui en poursuivant le même type de réforme que celle engagée par les gouvernements précédents. La gauche ne peut pas ne pas prendre en compte la situation liée à la crise et celle de l’emploi vécues par les salariés, même si l’Europe, les marchés financiers et les agences de notation font pression pour imposer une réforme répressive. »

Cinq jours plus tard, le gouvernement décevait les espoirs d’Eric Aubin et présentait une contre-réforme dans la droite ligne des gouvernements précédents. Le dirigeant de la CGT compte sur la bonne volonté du gouvernement socialiste pour créer des conditions plus favorables qu’en 2010 à la défense de nos retraites. Mais en même temps, il ajoute à juste titre que les capitalistes « font pression pour imposer » une contre-réforme. Sur qui cette « pression » va-t-elle s’exercer ? Sur le gouvernement. Et donc ? Et donc ce que nous dit Eric Aubin, c’est que les dirigeants du PS seraient heureux de nous épargner cette contre-réforme, mais que la classe capitaliste n’est pas du même avis. Cela ne nous éclaire pas beaucoup.

En réalité, la fermeté des gouvernements Fillon, en 2003 et 2010, ne reposait pas – ou du moins pas principalement – sur la mentalité réactionnaire des responsables de l’UMP. Cette fermeté avait une base matérielle implacable : la crise du système capitaliste, qui non seulement ne peut plus concéder des avancées sociales, mais ne peut même plus tolérer les conquêtes sociales du passé. La classe dirigeante doit les détruire une à une.

Depuis 2010, François Hollande a été élu, certes, mais par ailleurs la crise du capitalisme français s’est encore aggravée, comme en témoigne l’état du PIB, des déficits publics et de la balance commerciale. Or les dirigeants socialistes sont complètement soumis à « l’économie de marché », à ses lois et donc à ses exigences. Il ne fait donc aucun doute que François Hollande se montrera aussi peu disposé à céder aux pressions de la rue que l’était Fillon, si ce n’est moins. C’est Mr Gattaz et ses amis qui dictent au gouvernement sa politique, tout comme les patronats grec, portugais et espagnol ont exigé des dirigeants « socialistes » de ces pays qu’ils mènent une politique de rigueur sévère, lorsqu’ils étaient au pouvoir. Et c’est ce qu’ils ont fait.

Grève reconductible

Cela ne signifie pas, bien sûr, qu’une victoire de notre camp est impossible. Mais il faut une stratégie et un programme à la hauteur de la situation. Une première mobilisation est prévue pour le 10 septembre ; La Riposte appelle à y participer massivement. Mais soyons clairs : si, comme en 2003 et en 2010, les directions confédérales s’efforcent de limiter le mouvement à une succession de « journées d’action » sans lendemain, aussi massives soient-elles, une nouvelle défaite est inévitable. Dans le contexte que nous venons de décrire, des mobilisations ponctuelles ne peuvent pas entamer la détermination du patronat et du gouvernement – fût-il « de gauche » – à remettre en cause nos conquêtes sociales. Seul le développement d’un mouvement de grève reconductible impliquant des secteurs décisifs du public et du privé est susceptible de les faire reculer.

Les travailleurs sont-ils prêts à un mouvement de cette envergure ? Souvenons-nous qu’en 2010 une grève reconductible avait démarré dans les secteurs du pétrole et des transports, entre autres. Les directions confédérales, cependant, ne cherchaient pas à étendre ce mouvement de grève – et à vrai dire, s’en dissociaient. Ce qui faisait défaut, ce n’était donc pas la volonté de lutter des travailleurs ; c’était des directions syndicales déterminées à vaincre.

Comme nous l’écrivons dans le dernier éditorial de La Riposte, « il ne s’agit pas de “décréter” la grève générale, mais de la préparer consciemment et sérieusement. […] Nul ne peut connaître à priori l’attitude des travailleurs sur cette question. On ne pourrait la déterminer que sur la base d’une vaste campagne d’agitation. Encore faut-il l’engager. »

Passer à l’offensive

Les grands médias répètent en boucle que cette contre-réforme est simplement « technique » et d’une ampleur « limitée ». Ce faisant, ils cherchent évidemment à désamorcer le combat. On ne doit pas tomber dans ce piège ! Les effets cumulés des réformes Fillon et Ayrault se traduiront par une baisse continue des pensions, alors que des millions de retraités subissent déjà des conditions de vie misérables. Telle est la réalité de la situation, face à laquelle on ne peut pas se contenter de s’opposer aux mesures annoncées par le gouvernement. Il faut passer à l’offensive sur la base d’un programme qui vise à garantir à tous les travailleurs une retraite digne. Concrètement, cela signifie :

1) L’abrogation de toutes les contre-réformes mises en œuvre depuis 1993.
2) La retraite à 60 ans maximum, selon des critères de pénibilité, sans aucune pension inférieure au SMIC et indépendamment du nombre d’années de cotisations.
3) La fin des exonérations des cotisations patronales et leur relèvement au niveau des besoins de financement des assurances vieillesse, famille et maladie.
4) L’intégration dans le secteur public des maisons de retraite privées et l’embauche massive de personnels dans ce secteur.
5) La nationalisation de toutes les banques privées pour financer des programmes sociaux, construire des hôpitaux, des maisons de retraite, des logements, etc., avec les embauches correspondantes.
6) L’expropriation de tous les capitalistes qui, d’une façon ou d’une autre, feraient obstacle à ces mesures.

Un programme de cette nature, large et offensif, donnerait aux travailleurs le sentiment que la lutte en vaut la peine, que la victoire mérite des sacrifices. C’est la clé de cette nouvelle bataille des retraites.

Notre revue

 
 

 Révolution 50 1 page 001

Facebook