On continue notre série sur les élections en France et la mobilisation au tour du Front de Gauche. Voici une contribution au débat de nos camarades de La Riposte.
L’ ampleur de la mobilisation suscitée par la campagne électorale du Front de Gauche pose de nombreuses questions organisationnelles qui recoupent, en fin de compte, des questions politiques. Parmi les thèmes qui occuperont une place importante dans la phase préparatoire du prochain Congrès national du PCF, il y a celui de la transformation du Front de Gauche en une organisation. Il y a de grandes réticences au sein du PCF à cet égard, car la structuration du Front de Gauche reviendrait à le transformer de facto en un nouveau parti politique.

Pour la direction du PCF, le Front de Gauche n’était à l’origine qu’une nouvelle opportunité de mettre le PCF en arrière-plan, comme elle avait voulu le faire avec les « comités anti-libéraux », dans la foulée du référendum de 2005. L’une des raisons du mauvais score de Marie-Georges Buffet en 2007 était que la direction du parti avait longtemps laissé planer la possibilité de mettre le PCF à la remorque d’une candidature de José Bové, dont les positions « décroissantes » réactionnaires – contre l’industrie et la technologie – sont désormais bien connues. Bové a trouvé une niche très bien rémunérée au Parlement européen et, depuis, on ne l’entend plus. Quant à la décroissance, le capitalisme s’en charge admirablement.

Après avoir abandonné l’option José Bové, la direction du parti a imaginé que Mélenchon serait une simple figure de proue sur un navire dont elle conserverait le commandement – et qu’à terme le Front de Gauche pourrait être transformé en un parti politique sur le modèle de Die Linke, en Allemagne, lui permettant enfin de consommer sa rupture avec les idées du communisme.

Phénomène de masse

Mais les événements ont suivi un autre cours. Ce qui a commencé comme une manœuvre est devenu un phénomène de masse qui n’est plus entièrement sous le contrôle de la place du Colonel Fabien. Mélenchon a mené une campagne bien plus marquée à gauche que la politique de la direction du PCF. La question de la nationalisation des banques et de certaines industries, jusqu’alors rejetée catégoriquement par la plupart des dirigeants du parti, a occupé une place importante dans la campagne. Cette approche a permis de renouer avec de larges masses de militants syndicaux et d’anciens membres du PCF qui s’étaient détournés du parti – non pas, comme le prétendait sa direction, parce que la classe ouvrière « glissait vers la droite », mais à cause de ses propres renoncements et trahisons, comme par exemple son soutien honteux aux privatisations. Le parti n’avait à leurs yeux plus rien de révolutionnaire, plus rien de communiste.

Qu’on le veuille ou non, la question se pose, aujourd’hui, de l’organisation politique de la base sociale considérable du Front de Gauche. Cette question trouvera une réponse quoiqu’il arrive, d’une façon ou d’une autre, car sans organisation politique, la lutte contre le capitalisme ne peut aboutir.

Il faut reconnaître que la situation créée par le succès même du Front de Gauche est très particulière. Elle aura sa logique propre, car, en somme, nous nous trouvons avec deux partis – le PCF et le PG – qui défendent un seul programme, celui de la brochure L’Humain d’abord. Si cette situation perdure, l’existence de deux partis distincts n’aurait plus aucune justification objective. A terme, soit les deux partis seront amenés à fusionner pour n’en faire plus qu’un, soit l’un des deux, en se montrant plus réceptifs aux revendications et aux impératifs de la lutte, finira par occuper le terrain et réduire l’autre à une position marginale.

On pourrait objecter que L’Humain d’abord n’est pas, à strictement parler, le programme du PCF, mais un compromis négocié avec le PG. Mais dans ce cas, quel est, au juste, le programme spécifique du PCF ? Tout ce que nous pouvons dire est que les textes programmatiques du PCF dont nous disposons ne sont certainement pas plus à gauche que L’Humain d’abord. Ils défendent une politique fondée essentiellement sur une réforme fiscale, avec par exemple des « bonus » versés aux capitalistes qui embauchent et des pénalités imposées à ceux qui n’embauchent pas.

Maintenant, si on se place dans l’optique de la structuration du Front de Gauche, dans le but d’offrir un cadre organisationnel à sa base sociale, cela créerait au moins autant de problèmes que ça n’en résoudrait. Pour commencer, au lieu de deux partis autour d’un seul programme, nous en aurions trois ! Ce serait un casse-tête organisationnel qui, par la force des choses, rendrait deux des trois partis redondants, dans la mesure où ils reposeraient sur le même programme politique.

Programme et démocratie interne

A l’époque de la création du Front de Gauche, La Riposte n’y était favorable que sous la forme d’une alliance entre partis. Nous avions pris position contre sa transformation en une organisation politique. Notre point de vue était – et demeure – que le PCF, comme principale force politique du Front de Gauche, devait non seulement être maintenu, mais aussi impérativement se doter d’un programme communiste capable d’attirer dans ses rangs les éléments les plus conscients et les plus combatifs de la jeunesse et de la classe ouvrière. En même temps, la lutte pour le rétablissement des idées communistes – c’est-à-dire marxistes – dans le parti implique nécessairement une démocratisation radicale de ses structures internes.

Les camarades qui voient dans le Front de Gauche, le PG ou « Mélenchon » une menace pour l’existence même du PCF se trompent. Mélenchon et son parti ne menacent en rien l’existence du PCF. Ce danger existe, mais il vient de l’intérieur du parti, et plus précisément de l’adaptation réformiste au capitalisme de sa direction – et du manque de démocratie interne. Les deux problèmes vont de pair. Une direction qui serait confiante dans ses idées n’aurait pas besoin de pouvoirs arbitraires et anti-démocratiques. Elle n’aurait pas besoin de se protéger derrière ces lignes de barrages filtrants que sont les « commissions », dont le mode de fonctionnement permet d’écarter arbitrairement les idées et les candidatures que les dirigeants jugent inconvenantes.

La majorité des communistes sont très attachés à leur parti. C’est ce qui a empêché sa liquidation par Robert Hue et son équipe. C’est aussi ce qui a poussé d’autres « liquidateurs » (Braouezec, Zarka, Martelli) à le quitter. Nous sommes, comme toujours, pour le maintien et le renforcement du PCF. Mais il faut se dire les choses franchement : compte tenu des perspectives économiques et sociales qui s’annoncent, si ces questions de la démocratisation et du programme du PCF ne sont pas résolues à relativement court terme, la capacité du parti à se mettre à la hauteur des défis révolutionnaires de notre époque sera sérieusement compromise. L’histoire ne nous attendra pas. Les besoins sont pressants. Les événements nous dépasseront. En s’approfondissant, la crise sociale jettera des millions de jeunes et de travailleurs dans l’action contre le système capitaliste et tout ce qu’il représente. Et s’ils ne trouvent pas une voie d’expression dans le PCF, ils le trouveront dans une autre formation – dans le PG, dans une structuration du Front de Gauche ou ailleurs.

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