Une fois de plus, les résultats du deuxième tour d’une élection législative s’écartent très nettement des « projections » publiées par les sondeurs, en amont du scrutin. Aucun n’avait anticipé un aussi mauvais résultat pour LREM, qui manque la majorité absolue de 43 sièges. Et pour cause : aucun n’avait anticipé le résultat du RN, qui entre en force à l’Assemblée nationale (89 sièges). Les deux faits sont liés : face au RN, les candidats de LREM ont perdu beaucoup plus de duels que « prévu ». Mais la NUPES, elle aussi, en a perdu davantage qu’anticipé, face au RN.
Pour LREM, le premier tour des législatives était un net revers ; le deuxième est une défaite, voire une débâcle. Macron tablait sur une majorité absolue ou, a minima, sur une majorité relative suffisamment forte pour lui permettre de faire voter ses textes en s’appuyant sur une fraction des députés Républicains, qui sont divisés sur l’attitude à adopter à l’égard du gouvernement. Mais à 43 sièges de la majorité absolue, et avec seulement 64 députés Républicains ou UDI, les choses s’annoncent beaucoup plus compliquées pour le chef de l’Etat.
Dans les jours qui viennent, les tractations vont aller bon train, depuis l’Elysée, pour tenter de dégager un semblant de majorité parlementaire. D’éclatantes promotions seront proposées aux uns et aux autres. Reste à savoir quels députés Républicains (notamment) auront le cœur de s’embarquer dans la galère d’un gouvernement qui, dès sa formation, sera très fragilisé – non seulement à l’Assemblée nationale, mais aussi et surtout dans la masse de la population.
L’abstention s’élève à 53,8 %, auxquels s’ajoutent 3,5 % de votes blancs ou nuls. Seuls 42,7 % des inscrits ont voté pour l’un des candidats en lice. Autrement dit, si le gouvernement est minoritaire à l’Assemblée nationale, il l’est bien plus encore dans la population, et surtout dans la masse de la jeunesse et du salariat. En retour, la fragilité du gouvernement, à l’Assemblée nationale, aura pour effet d’encourager la jeunesse et les travailleurs à se mobiliser contre la politique réactionnaire de Macron. Du point de vue de la bourgeoisie française, qui a urgemment besoin de contre-réformes drastiques, c’est une très mauvaise nouvelle. Aussi exercera-t-elle de fortes pressions sur LREM et les Républicains pour qu’ils parviennent à constituer une sorte de majorité parlementaire. Mais la fracturation de l’Assemblée nationale, la soif de revanche des Républicains et le profond rejet de Macron, dans la masse de la population, sont tels que l’équation semble beaucoup plus compliquée que prévu.
Avec 142 députés, les résultats de la NUPES se situent dans la « tranche basse » des projections publiées par les sondeurs, la semaine dernière. Bien sûr, à la faveur de l’accord de premier tour entre la FI, le PS, les Verts et le PCF, cela se traduit tout de même par une forte progression en nombre de sièges, surtout pour la FI et les Verts. Du point de vue des luttes à venir contre la politique du gouvernement, la percée de la FI (84 sièges) peut être une très bonne nouvelle. Cependant, au regard des 7,7 millions de voix recueillies par Jean-Luc Mélenchon, le 10 avril dernier, le succès de la NUPES doit être relativisé.
Comme nous l’avons souligné en analysant son résultat en nombre de voix, la NUPES n’a pas suscité de dynamique électorale au premier tour. Force est de constater qu’elle n’en a pas suscité davantage au deuxième. Nous analyserons ultérieurement le détail de ses résultats, notamment en fonction des types de duels dans lesquels elle était engagée. Mais d’ores et déjà, deux faits majeurs sautent aux yeux. Premièrement, malgré les appels des dirigeants de la NUPES, dans l’entre-deux tours, les abstentionnistes du premier tour ne se sont pas mobilisés. Deuxièmement, nous l’avons dit : la NUPES perd un nombre significatif de ses duels face au RN.
Révolution a appelé à voter pour la NUPES, qui était la seule alternative à la droite et l’extrême droite. Mais nous avions prévenu que cette union de la FI avec des partis discrédités ne pouvait pas susciter d’enthousiasme dans les couches les plus exploitées et opprimées de la population. Par ailleurs, nous avions souligné que le soi-disant « front républicain contre le RN », dans l’entre-deux tours de la présidentielle, ne pouvait que renforcer le RN, au lieu de l’affaiblir. Les résultats des législatives le confirment. Dimanche, d’ailleurs, le soi-disant « front républicain » a volé en éclat. Ceci dit, au-delà de l’erreur du « front républicain », le succès du RN confirme une tendance lourde, qui ne date pas d’hier : la polarisation politique croissante – vers la gauche et vers la droite. Si cette polarisation s’exprime plus nettement vers la droite, aux législatives, c’est parce que la NUPES, dans sa composition même, n’était pas le véhicule idéal pour que la polarisation s’exprime clairement sur la gauche.
Un profond remaniement ministériel est à l’ordre du jour. Mais avant même de voir le jour, le prochain gouvernement est déjà en crise. Encore une fois, la jeunesse et les travailleurs verront dans cette faiblesse du pouvoir un encouragement à se mobiliser contre la politique réactionnaire qu’exige la bourgeoisie. Dans ce contexte, les dirigeants de la gauche et du mouvement syndical – en particulier ceux de la FI et de la CGT – font face à d’énormes responsabilités. Dès à présent, ils doivent préparer de grandes luttes sociales, non seulement pour faire obstacle à la politique réactionnaire du gouvernement Macron, mais aussi dans le but de précipiter sa chute et son remplacement par un gouvernement de gauche doté d’un programme de rupture avec le système capitaliste. Nous sommes conscients du fait que telle n’est pas, à ce jour, l’orientation des dirigeants de la FI et de la confédération de la CGT. Mais c’est l’orientation que Révolution défendra dans les mois qui viennent, car c’est la seule qui corresponde aux besoins objectifs de la jeunesse et du mouvement ouvrier, sur fond de profonde crise économique, sociale et environnementale.