Les émeutes réactionnaires dans les rues de Dublin ont révélé la menace de l'extrême-droite en Irlande. La gauche et le mouvement syndical doivent s'organiser et se mobiliser pour faire face à cette menace. Nous devons construire d'urgence les forces de la révolution.

Des scènes choquantes ont secoué Dublin la semaine dernière. Jeudi dernier, des voyous d'extrême-droite, montrant leur vrai visage putride, ont profité de l'attaque à l'arme blanche de cinq personnes devant une école, dont trois enfants, pour accuser les migrants et attiser la violence de la foule.

Ces événements doivent être un signal d'alarme : la gauche et le mouvement syndical ont été pris au dépourvu. La lutte contre l'extrême-droite doit se faire sans prendre de gants.

C'est un appel : assez des méthodes douces et « respectables » qui n'ont rien fait pour endiguer la montée de cette racaille. La police ne les arrêtera pas. La classe ouvrière est la seule force qui a le pouvoir de les écraser et qui a un intérêt à le faire.

Mais pour cela nous devons changer nos méthodes ! Nous devons affronter et éliminer cette horde dans la rue, et la priver de ses fausses références « anti- système» en créant une véritable alternative révolutionnaire qui puisse exprimer la colère volcanique de la société irlandaise.

Le vrai visage de l'extrême droite

Examinons les faits qui se sont produits. Cela nous dit tout ce que nous devons savoir sur la véritable nature, les objectifs et les forces de l'extrême-droite en Irlande.

Les violences ont éclaté après que cinq personnes, dont trois jeunes enfants, ont été poignardées à l'extérieur d'une école du centre-ville. L'un des enfants et une enseignante ont été grièvement blessés.

Cette émeute n'avait pourtant rien de spontané. Bien qu'un chauffeur brésilien de Deliveroo ait été identifié comme étant intervenu héroïquement pour arrêter l'agresseur, l'extrême-droite et les groupes fascistes ont immédiatement fait le lien entre l'agression au couteau et l'« immigration de masse ».

Ces provocateurs réactionnaires ont rapidement répandu des rumeurs selon lesquelles un Algérien était responsable du crime, même si la police n'a donné aucune information sur l'auteur du coup de couteau avant jeudi.

Des célébrités médiatiques d'extrême-droite comme Conor McGregor et des militants d'extrême-droite connus ont commencé à attiser des foules sur les réseaux sociaux, et cela s'est poursuivi dans les chats d'extrême droite. Voici quelques commentaires tirés de certains de ces chats, qui donnent un bon aperçu de ce que représente cette populace.

Dans une discussion, on peut lire ce qui suit :

« CES SALAUDS D'ETRANGERS, IL FAUT FAIRE COULER LE SANG CE SOIR AU NOM DE CET ENFANT ! »

Un autre participant au chat, appelé « kill all immigrants » (tuez tous les immigrés), a envoyé un message vocal e au même chat, dans laquelle il dit :

« Ils peuvent pas tous nous contrôler. On doit faire des petits groupes et se séparer pour faire ce qu’on doit faire. A 19 heures, en ville. Tout le monde se prépare, s'équipe, et tous les putain de gitans, les étrangers, tous, on les tue, on les tue, putain... »

D'autres, pris de frénésie, ont déclaré qu'il ne resterait plus un seul gauchiste en vie après les événements de la nuit. D'autres encore ont appelé à la « guerre civile ».

S'ils espèrent une « guerre civile » pour exterminer les « étrangers » et les « gauchistes », ce qu'ils ont fait en réalité, bien que choquant, n'est pas tout à fait à la hauteur.

À Dublin, quelques centaines de jeunes lumpen masqués, avec un petit contingent d'extrême-droite et de fascistes en leur sein, se sont déchaînés dans le centre-ville. Ils ont attaqué des passants et des policiers, incendié des bus, des tramways et des voitures de police, et pillé des magasins (y compris Foot Locker, qui n'était pas connu jusqu'alors comme un symbole de la « cabale mondialiste »).

Et bien sûr, malgré leur discours de « patriotes irlandais » et leur confusion délibérée des bannières avec la tradition républicaine anti-impérialiste de l'Irlande, les supporters des émeutes sur les réseaux sociaux ont été en grande majorité... des « patriotes » britanniques et américains pro-impérialistes. Comme d'habitude, la droite irlandaise « patriotique » reçoit le soutien de ses grands frères étrangers.

Affronter et vaincre cette racaille !

C'est le vrai visage du fascisme. L'objectif de ces animaux est de liquider le mouvement ouvrier, d'assassiner et d'expulser les étrangers. Mais ce qui est clair, c'est qu'ils ne représentent qu'une très petite minorité. Il ne s'agissait pas de manifestations de masse et il n'y a pas de menace imminente de montée du fascisme. L'hyperbole à cet effet, trop fréquente à gauche, n'aboutit à rien.

Ils représentent une menace réelle et physique pour les travailleurs, les migrants et la gauche - et doivent être traités sérieusement. Les énormes mobilisations antiracistes, comme celles que nous avons connues l'année dernière, ont démontré le véritable rapport de forces dans la société. Mais elles n'ont rien fait pour démoraliser et affaiblir l'extrême-droite, comme l'ont montré les événements de jeudi soir. Pourquoi ?

Les démonstrations symboliques d'« unité » face à la « haine » ne peuvent pas éradiquer l'extrême-droite. Ils resteront à jamais sourds aux appels chrétiens à « tendre l'autre joue » et à « aimer son prochain ». Comme les animaux, ils ne comprennent qu'une seule langue : celle qu'ils ont déchaînée dans le centre de Dublin la nuit dernière.

La seule façon de se débarrasser de cette racaille d'extrême-droite est la confrontation dans la rue par le biais d'une mobilisation de masse.

Quel que soit le week-end choisi, si vous vous promenez sur O'Connell Street, vous trouverez non pas une, mais plusieurs « manifestations » d'extrême-droite en cours. Ce n'est que lorsque l'extrême-droite se sera habituée à voir ses tables renversées, ses pancartes déchirées et ses fesses endolories par les rencontres avec les contre-manifestations de masse partout où elle va, qu'elle se glissera à nouveau, démoralisée, dans les trous d'où elle est venue.

C'est ainsi que la British Union of Fascists a été écrasée lors de la bataille de Cable Street par les communistes, les socialistes, les syndicalistes, les dockers, les juifs et les immigrés irlandais de l'East End londonien dans les années 1930. C'est ainsi que l'English Defence League a été écrasée au cours de la dernière décennie.

Nous le répétons : l'objectif des fascistes est de liquider le mouvement ouvrier. Ils doivent être traités comme une menace physique. Cela signifie que les socialistes, les communistes, les républicains et les syndicalistes doivent éradiquer la graine empoisonnée de l'extrême-droite avant qu'elle ne prenne racine.

Depuis jeudi, la colère contre l'extrême-droite est énorme. Il faut la canaliser pour les écraser.

La classe dirigeante tente également de canaliser cette colère... derrière elle. Elle veut construire « l'unité nationale » (autour d'elle-même) et parle de « loi et [d’]ordre », c'est-à-dire de renforcer les pouvoirs des policiers.

Mais ne nous y trompons pas : les policiers n'ont pas fait grand-chose pour empêcher les violences de jeudi, contrairement à ce qu'ils ont fait par le passé avec les manifestants pacifiques de gauche, les manifestants contre la privatisation de l'eau ou les jeunes Noirs.

Les tentatives de la classe dirigeante pour renforcer l'appareil répressif de l'État visent une seule chose : les énormes batailles qu'elle entrevoit pour l'avenir. Ils comprennent que la colère monte dans la société irlandaise et que, tôt ou tard, la classe ouvrière entrera en scène.

Et lorsque ces batailles de classe éclateront inévitablement, la police et d’autres qui se présentent aujourd'hui comme des représentants « respectables » de la classe dirigeante irlandaise, n'auront aucun scrupule à lâcher la laisse des chiens enragés de l'extrême-droite pour leur permettre de s'amuser à attaquer les travailleurs, les migrants et tous ceux qui se mettront en travers de leur chemin.

Finie la « politique respectable » !

Si l'extrême-droite irlandaise est aujourd'hui plus audacieuse qu'elle ne l'a jamais été dans l'histoire récente, c'est parce qu'elle pense pouvoir exploiter un état d'esprit au sein de la société.

Des groupes comme le Parti national tentent de s'implanter depuis quelques années en Irlande. Malgré tout, les libéraux arrogants se félicitent que l'Irlande n'ait pas d'extrême-droite. N'étions-nous pas à contre-courant de la tendance ? Il n'y a pas de Trump, pas de Brexit, pas de Bolsonaro, pas d'extrême-droite ni d'extrême-gauche ici, merci beaucoup.

Mais les politiques de ces mêmes partis capitalistes complaisants qui condamnent les émeutes aujourd'hui sont responsables de la création des conditions mêmes qui les ont provoquées.

L'extrême-droite s'est emparée de la pandémie et de l'aggravation massive de la crise du capitalisme qu'elle a entraînée. Ils ont fait appel à une frange étroite et rétrograde avec des théories du complot liées à la Covid-19.

Ils pourraient le faire non pas principalement en raison de la « désinformation par les réseaux sociaux » comme le prétendent les libéraux, mais en raison de l'énorme cynisme et de la méfiance à l'égard de l'ordre établi qui se sont accumulés dans les profondeurs de la société.

Et lorsque Varadkar et Martin (deux premiers ministres du gouvernement irlandais) ont soutenu la guerre par procuration de l'OTAN en Ukraine, la même extrême-droite a attisé les sentiments anti-immigrés à propos des réfugiés ukrainiens. Là encore, la « désinformation par les réseaux sociaux » a été pointée du doigt.

Mais la raison pour laquelle l'extrême-droite a pu se rapprocher d'une certaine frange rétrograde de du quartier de East Wall à Dublin (lieu de protestation contre l’établissement d’un centre d’accueil pour réfugiés), par exemple, est qu'elle a fait le lien entre le logement des réfugiés et la colère explosive suscitée par les conditions de logement dans la ville.

Une énorme colère anti-système bouillonne juste sous la surface de la société irlandaise. La crise du logement, l'état des soins de santé, le coût de la vie et les politiques pro-impérialistes et anti-ouvrières des partis au pouvoir en sont la source.

En déformant cette colère, en la liant faussement à l'immigration, l'extrême-droite pense pouvoir rompre son isolement. Et ils ont eu un succès marginal en se connectant avec certaines des couches les plus démoralisées et les plus opprimées dans des villes comme Dublin.

C'est pourquoi il ne suffit pas de renvoyer ces crétins d'extrême-droite dans les égouts. Il faut faire en sorte qu'ils se sentent politiquement isolés.

Leur vernis « anti-système » est extrêmement mince, lui aussi s'effacera face à une véritable force anti-système de gauche.

À l'heure actuelle, ce n'est pas le cas. Le Sinn Féin, malgré toutes ses attaques contre l'ordre établi, a clairement commencé à se préparer à devenir un parti de pouvoir respectable - peut-être en coalition avec l'un des partis de droite traditionnels et détestés.

Ce qu'il faut, c'est un nouveau point de référence : un parti révolutionnaire, communiste, orienté vers la classe ouvrière et plongeant ses racines dans cette classe ; un parti de combat qui affrontera toutes les manifestations de l'oppression ; un parti qui s'efforcera de renverser le système capitaliste, de chasser l'impérialisme et de former une Irlande socialiste des 32 comtés.

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