Cette année, nous célébrons le cinquantième anniversaire de la formidable année révolutionnaire qu’était 1968. Ce numéro de notre revue y est en grande partie dédié.

1968 a marqué pratiquement tous les continents. Même si la France reste mondialement le pays le plus identifié avec l’explosion sociale de cette année, de nombreux autres pays se sont vus secoués par les turbulences révolutionnaires : le Mexique, les Etats Unis, la Tchécoslovaquie, et même le Pakistan. En Belgique, l’occupation de l’Université Libre de Bruxelles au printemps ne réussira pas à faire tache d’huile. C’est avec un certain retard que la secousse de 1968 aura un effet de masse : elle commence ainsi en 1970 pour décliner en 1974. Elle se manifestera surtout par une radicalisation ouvrière rarement vue, avec pour fer de lance les jeunes ouvriers et les immigrés. Un article de cette édition raconte les événements belges et en tire le bilan.

Un autre article de cette revue traite du Mai 68 français. Contrairement à la mythologie officielle, le mouvement n’est pas essentiellement étudiant. Il ne démarre d’ailleurs pas à Paris mais en Basse Normandie, en janvier 1968. C’est à Caen qu’eut lieu la première confrontation violente entre les ouvriers et les forces de l’ordre, qui faisait suite à une vague de grèves spontanées dans la métallurgie, durement réprimées par les Gardes Mobiles. Ces journées sont le véritable précurseur de Mai 68. Le mouvement étudiant  qui éclate en mai était certes important, mais le facteur principal qui a permis l’essor révolutionnaire est son extension vers les usines, vers le mouvement ouvrier. La grève générale qui suivit est la plus grande qu’a connu la France, avec près de 10 millions de travailleurs occupant leur entreprise. Durant quelques semaines, l’appareil d’Etat est resté impuissant face à cet élan ; l’initiative politique de trouvait alors dictée par la classe ouvrière et les autres couches sociales opprimées. Sans la trahison des dirigeants de gauche, les événements de 1968 auraient pu aboutir à une transformation socialiste de la société.

Au Mexique, un mouvement étudiant massif fut brutalement réprimé. Lors d’un rassemblement sur la place des Trois Cultures dans la capitale, la dictature réussit à baigner dans le sang la révolte étudiante : l’armée tira dans la foule, tuant près de 500 étudiants et blessant plus de 2000 autres. Des dizaines d’étudiants ont disparu ce jour et 2000 se sont retrouvés dans les geôles du régime. Du point de vue du régime, ce massacre était nécessaire pour éviter que l’effervescence universitaire ne contaminât le mouvement ouvrier et paysan.

C’est aussi en 1968 que la guerre du Vietnam donna naissance à un gigantesque mouvement anti-guerre. Les Vietnamiens étaient engagés depuis plusieurs décennies dans une guerre de libération nationale, d’abord contre l’occupant colonial français, puis contre les soldats de l’Oncle Sam. Ce combat contre la guerre se tenait dans un contexte d’énorme effervescence étudiante, couplée à un renforcement du mouvement pour les droits civils des Noirs. La radicalisation ambiante s’est propagée à l’armée américaine, nourrissant une agitation et une insubordination sans pareilles des soldats qui, à de nombreuses occasions, refusèrent les ordres de combat. Henry Kissinger, comparait alors l’état de dislocation de l’armée américaine à celle de l’armée tsariste à la veille de la révolution de 1917.

La radicalisation mondiale s’est également étendue aux pays du bloc de l’Est sous le joug de la dictature stalinienne. Le printemps de Prague, capitale de la Tchécoslovaquie, représente une volonté de révolution démocratique sans remettre en cause les acquis de l’économie planifiée et nationalisée. Mais l’Union Soviétique veillait au grain. Elle envahit le pays et écrasa dans le sang le désir de liberté de la jeunesse tchécoslovaque.

La révolution au Pakistan de 1968 à 1969 est peu connue en dehors du sous-continent indien. La classe dirigeante pakistanaise fait tout pour enterrer le souvenir de ce Mai 68 pakistanais. Des millions de paysans occupèrent les terres, les ouvriers prirent le contrôle de leurs entreprises et les étudiants de leurs universités. Il s’agit d’un extraordinaire mouvement révolutionnaire comme le pays et le continent n’en connut plus depuis. 

Cette liste est loin d’être exhaustive. De nombreux autres pays ont connu en 1968 des mouvements massifs qui secouèrent les vieilles structures sociales, économiques et politiques. Partout les jeunes, et les étudiants en particulier, jouèrent un rôle crucial. Mais c’est l’entrée en scène de la classe ouvrière ou la menace de celle-ci qui décida du cours des événements.

Aujourd’hui, il s’agit non seulement de rendre hommage à ceux et à celles qui ont été les protagonistes de ces tempêtes sociales, mais également de tirer  des enseignements de leur combat. Leur lutte peut être une inspiration pour les générations actuelles qui cherchent à se débarrasser de ce système caduc.

Pour cela, nous voulons plus que jamais placer la révolution socialiste au cœur des  luttes de tous les jours.

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