Ces derniers mois, un mouvement mondial pour le climat a amené beaucoup de personnes - et principalement des jeunes - dans la rue. En Belgique, le mouvement a démarré et pris de l’ampleur assez rapidement. Le 20 septembre, nous étions ainsi 15 000 à Bruxelles (et 4 000 000 dans le monde), alors qu’il n’y avait eu aucune implication massive des jeunes depuis les grèves de 96 dans l’enseignement, c’est-à-dire aucune mobilisation de la nouvelle génération qui est actuellement dans les rues.

Ce mouvement tient un discours de plus en plus radical par rapport aux idées dominantes : des idées et slogans anticapitalistes sont repris (« change the system not the climate »), ainsi que des appels internationalistes (comme l’appel à une « global strike ») ; cela est très positif.

Cependant, ceci témoigne également d’une confusion idéologique au sein du mouvement : des slogans anticapitalistes sont proclamés mais toutes leurs implications ne sont pas entièrement comprises. Un élément vient accentuer cette confusion : en sourdine parfois, et à d’autres moments de façon plus audible, une lutte entre différentes tendances fait jour. Une lutte entre ceux qui ne voient pas de solution sous le capitalisme et ceux qui s’imaginent pouvoir le réformer en un capitalisme vert. 

Youth For Climate

A la direction du mouvement, on retrouve Youth For Climate (Y4C), qui, un peu dans l’idée d’un « capitalisme vert », cherche à faire des appels aux entreprises et aux partis traditionnels voire nationalistes (NV-A et Vlaams Belang). Les entreprises capitalistes sont la cause du dérèglement climatique et de la destruction de notre environnement. Leur soif incessante de profit causé par le marché les rend incapables de prendre en considération les besoins écologiques et sociaux. Marx le soulignait déjà dans le Capital : « La production capitaliste ne développe donc la technique et la combinaison du procès de production sociale qu'en épuisant simultanément les deux sources d'où jaillit toute richesse: la terre et le travailleur » (Le Capital, tome I). De plus, nous ne pouvons avoir confiance dans les gouvernements qui ne sont « qu’un comité qui gère les affaires communes de la classe bourgeoise tout entière » (Le Manifeste communiste). Les liens profonds entre la bourgeoisie et les dirigeants politiques en sont une preuve flagrante : les membres du gouvernement sont issus de familles bourgeoises ( par exemple Michel ); le patronat et les lobbies rencontrent de manière privilégiée nos gouvernements, etc. Enfin, l’expérience a prouvé que le capitalisme vert est en réalité un échec (marché des quotas carbones, taxes vertes) : aucune mesure mise en place n’a eu d’effet significatif sur la diminution des gaz à effet de serre.

Extinction Rebellion

Dans les tendances plus radicales, on retrouve d’abord Extinction Rebellion (XR). Avant toute chose, nous tenons à leur apporter tout notre soutien face à la répression policière qu’ils ont subie le deuxième week-end d’octobre. XR se définit comme utilisant la désobéissance civile et l’action directe non-violente pour contraindre les gouvernements à agir face à l’urgence climatique et écologique. Il y a plusieurs choses à discuter.

Tout d’abord, l’action directe et symbolique (comme l’occupation du jardin du palais royal) c’est mieux que les manifs rituelles de la gare du Midi à la gare du Nord , mais nous devons nous demander comment atteindre nos objectifs. Il ne suffit pas de faire des actions pour faire des actions : il faut réfléchir à une stratégie. En réalité, seuls les travailleurs, en tant que producteurs, ont la capacité de bloquer l’économie, et donc la société. Par conséquent, seule une alliance des jeunes avec les travailleurs et une grève de masse peut obliger les gouvernements à agir (et même permettre d’aller plus loin en déclenchant un véritable processus révolutionnaire). Le mode d’organisation très décentralisé proposé par XR empêche de développer une telle vision stratégique d’ensemble.

Ensuite, la non-violence de principe est une position aussi idéaliste (et dangereuse) que celle du fétichisme de la violence. Face à la violence de la classe dominante et de son Etat, nous devons pouvoir réagir (on ne peut pas se laisser matraquer et gazer sans rien faire). Il est également important de rappeler que, à l’aune de nombreux exemples historiques, la violence joue un rôle révolutionnaire. Comme exemples, on peut citer les Jacobins lors de la Révolution Française, ou encore la révolution américaine, qui ont utilisé la violence à des fins révolutionnaires pour lutter contre le féodalisme.

XR propose aussi de mettre en place un plan contraignant éliminant l’importation et l’extraction d’énergie fossile d’ici 2025. Contrairement à Y4C, XR n’est pas dans l’optique de demander quelque chose aux entreprises, mais de les contraindre. C’est déjà une grande avancée. Néanmoins, penser que les capitalistes, armés de leurs très bons avocats payés avec des salaires astronomiques, n’arriveront pas à contourner ces lois et à se défendre facilement en justice est très idéaliste. Sans parler de tout le travail de leurs lobbyistes auprès de la sphère politique (qui est déjà en réalité contrôlée par le pouvoir économique).

Génération Climat

Génération Climat se définit par l’anticapitalisme, la décroissance, la justice sociale et la démocratie directe. Ses membres veulent un retour à une économie locale autogérée et à une agriculture paysanne à taille humaine. Cette organisation est sans doute une des plus radicales, mais elle porte des idées (encore) très confuses et contradictoires. En effet, l’idée de décroissance sous le capitalisme ne peut signifier qu’une récession économique entraînant chômage, pauvreté et creusement des inégalités. C’est en contradiction directe avec l’idée de justice sociale et d’un anticapitalisme progressiste.

Trop souvent cette conception de la décroissance va main dans la main avec un refus du progrès technique et technologique qui nous a permis (et nous permet encore) d’avoir des journées de travail plus courtes, des services publics, l’enseignement jusque 18 ans, et qui pourrait aussi nous permettre de nourrir 8 milliards d’êtres humains et d’avoir un mode d’organisation socialiste de la société. En revanche, il est vrai qu’il faut de toute urgence mettre fin aux industries polluantes et aux secteurs économiques inutiles (comme la publicité). Cela nécessite une reconversion massive d’industries entières qui ne peut se faire que grâce à la nationalisation et la planification, dans une économie aux mains des travailleurs.

Collapsologie et défaitisme

La collapsologie est cette «pseudo-science » de la catastrophe écologique entraînant l’effondrement de tout le genre humain. Les collapsologues se proposent de « faire le deuil de la société humaine ». En effet, pour eux, la situation est déjà complètement irréversible. Mais si l’on veut vraiment un changement, on ne peut pas se permettre d’être défaitiste. En politique, une théorie qui ne permet pas d’agir ne sert à rien à part, et particulièrement pour ce cas-ci, à pousser au suicide. Rajoutons que, dans l’Histoire, à chaque fois qu’un mode de production arrive à sa fin, un sentiment de malaise et de pessimisme (ou de fin du monde) prend le dessus. L’avenir de l’humanité n’est pas écrit à l’avance. Il sera décidé par la lutte, aujourd’hui.

Comac et PTB

Le PTB et Comac portent souvent un discours du type « la lutte rapporte ». Ce n’est évidemment pas Vonk-Révolution qui va nier l’importance des luttes sociales. Malheureusement la lutte en soi ne garantit pas la victoire. La stratégie et les méthodes de luttes employées, font la différence entre une lutte qui gagne et une lutte qui ne gagne pas.

Sur les questions environnementales, le PTB et Comac proposent une planification écologique et la création d’une banque publique et d’un secteur énergétique public à côté du privé. De nouveau, c’est ici une solution réformiste qui est proposée : ces entreprises publiques ne feront pas le poids, n’auront pas la puissance nécessaire face au privé. Qu’est-ce qu’une petite banque belge d’un budget de 5 milliards pourra faire face aux mastodontes économiques que sont les banques privées ? Il est nécessaire d’exproprier les banques et le secteur énergétique et de planifier l’économie sous contrôle démocratique des travailleurs.

Fridays For Future

Fridays For Future (FFF) se définit comme étant un mouvement non-violent et non hiérarchique qui recherche le plus possible le consensus. Le consensus, sous ses airs démocratiques, ne l’est, en réalité, pas du tout. Les franges les moins radicales d’un groupe pourront bloquer très facilement tout ce qui est plus à gauche qu’elles. Les accords seront toujours en faveur de ceux, même s’ils sont minoritaires, qui en veulent le moins. A ses rencontres d’été à Lausanne, FFF a correctement identifié le problème : le système économique et social actuel, le capitalisme. FFF appelle aussi à l’unité internationale et à refuser tout racisme, sexisme ou lgbtqi-phobie. Néanmoins, selon les représentants de FFF, ce n’est pas à eux de trouver une solution. Or, sans objectif, il est impossible d’avancer. FFF demande aussi un « Green New Deal », qui s’inscrit dans la continuité du « New Deal » des années 30.

Green New Deal 

Historiquement, le New Deal était une batterie de législations mises en place en 1933 par Roosevelt, président des Etats-Unis, pour lutter contre la grande récession due à la crise de 29 en donnant du pouvoir d’achat aux zones rurales des Etats-Unis. Il constituait une série de grands investissements publics. Le Green New Deal est aujourd’hui porté par Alexandra Ocasio-Cortez, députée démocrate aux Etats-Unis, et membre de la Democratic Socialist Association.

Le Green New Deal est donc un projet de grands investissements publics dans les énergies décarbonées, visant à améliorer la situation écologique. Seulement, les Etats, surendettés, ne peuvent se permettre une telle politique. Comme détaillé en début de cet article, il est illusoire de vouloir réaliser ce projet en s’appuyant sur les entreprises polluantes. Le Green New Deal ressemble à une façon de rendre le capitalisme plus vert, tâche impossible. Un Green New Deal ne peut être efficace que s’il est soutenu par la nationalisation des grandes entreprises polluantes et énergétiques.

Partis Verts

 

Les partis Verts (Ecolo, Groen) sont des partis écologistes réformistes. Ils mettent d’abord fortement l’accent sur les réponses individuelles et les éco-gestes qui, en plus d’être totalement insuffisants, détournent l’attention du système pollueur. Ils cherchent surtout à rendre leurs solutions écologiques compatibles avec les profits capitalistes. Et si quelques capitalistes individuels peuvent tenter de se nicher dans un segment vert de la production, le système entier n’est pas compatible avec l’écologie.

La politique des Verts se résume donc souvent à des taxes sur certains produits pour responsabiliser le consommateur (par exemple, la taxe kilométrique défendue par écolo en Wallonie). Cependant, ces réponses individuelles sont complètement idéalistes (en plus d’être antisociales) : au mieux, elles n’ont pas d’effet, et au pire, elles font perdre leur travail aux travailleurs.

Une position de classe révolutionnaire

Le mouvement pour le climat est actuellement encore désorganisé et manque de structures démocratiques et représentatives dans les écoles. Les décisions sont prises par un petit groupe non-élu, et la plupart des militants n’ont pas vraiment leur mot à dire. Ce qui a pour conséquence qu’il est impossible de discuter de l’analyse ou de la stratégie à adopter. Concrètement nous pensons que des assemblées générales (AG) doivent être organisées pour structurer le mouvement et discuter d’un programme. Des comités d’action élus et révocables à tout moment doivent être mis en place lors de ces AG dans les écoles/universités/quartiers/villes/entreprises pour s’organiser, dans un deuxième temps, à un niveau national.

Ensuite, après des débats libres, le mouvement doit clairement prendre une direction anticapitaliste. C’est le capitalisme, nécessairement court-termiste et donc non durable, qui détruit notre environnement. Il faut appeler à l’unité entre les jeunes et les travailleurs et à une grève générale. Seuls les travailleurs possèdent la capacité de bloquer l’économie. Mais pour que cela soit possible, il faut refuser toutes les mesures soi-disant écologiques qui ne sont que des excuses pour attaquer les travailleurs.

Enfin, si nous voulons lutter contre le réchauffement et les désastres environnementaux, nous devons contrôler les entreprises polluantes. Or contrôler signifie, en premier lieu, posséder. Il faut donc nationaliser les secteurs polluants et énergétiques et planifier ensuite démocratiquement la production.

La nécessité d’une organisation révolutionnaire

Face à l’urgence climatique et sociale, pour lutter contre le capitalisme qui détruit notre environnement, une organisation révolutionnaire est nécessaire, une organisation avec des outils efficaces, développés grâce à l’expérience des luttes passées.

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