La victoire du Vlaams Belang, en Flandre, le score du Rassemblement National en France et la victoire du parti de Salvini sont les plus récentes expressions d’un phénomène international : l’extrême droite progresse dans de nombreux pays.

L’élection de Donald Trump, fin 2016, avait envoyé une onde de choc à travers le monde. Un an plus tard, un parti d’extrême droite allemand (l’AfD – « Alternative pour l’Allemagne ») entrait au Parlement avec 94 députés.

On pourrait donner d’autres exemples (Brésil, Hongrie, Pologne, Autriche, Suède...). Bien sûr, il y a parfois des causes spécifiques liées aux contextes nationaux. Dans les anciens pays du Bloc de l’Est, en particulier, la restauration du capitalisme a eu d’énormes conséquences sur l’état du mouvement ouvrier. Mais par-delà ces particularités, les causes fondamentales sont partout les mêmes : la poussée de l’extrême droite, chaque fois, exprime le même rejet des partis traditionnels (de droite ou « de gauche ») qui se sont succédé au pouvoir, ces dernières décennies, sans régler un seul des problèmes des masses (chômage, pauvreté, services publics délabrés, etc.). Au contraire, tous ces problèmes se sont aggravés, surtout depuis la crise de 2008. Dès lors, la démagogie « anti-système » de l’extrême droite trouve un terrain favorable, y compris dans une fraction de l’électorat ouvrier. L'extrême droite désigne des boucs émissaires (immigrés, LGBT, les femmes, les syndicalistes etc.) pour diviser les travailleurs et cacher les véritables responsables de la misére sociale, c'est à dire les capitalistes. Le racisme en leurs mains est un dangereux poison pour diviser 'ceux d'en bas' et maintenir 'ceux d'en haut' au pouvoir.

Une loi générale

On ne peut rien comprendre à la poussée de l’extrême droite si l’on n’analyse pas aussi l’état des partis de gauche. C’est une loi générale : plus la gauche est discréditée du fait de sa modération et de ses compromissions, plus l’extrême droite est en situation de progresser. L’Italie et le Brésil en sont des exemples chimiquement purs. En Italie, les dirigeants de la gauche réformiste l’ont détruite. Au Brésil, l’incarcération de Lula a joué un rôle, bien sûr, mais cela n’enlève rien au fait que son parti, le PT, est profondément discrédité après avoir gouverné – c’est-à-dire géré le capitalisme – pendant treize années.

Aux Etats-Unis, en 2016, Donald Trump avait beau jeu de désigner Hillary Clinton comme la « candidate du système », car elle-même le revendiquait haut et fort. De fait, Clinton et son Parti Démocrate sont de droite, à tous points de vue. Mais si Bernie Sanders, qui se réclamait du « socialisme », avait maintenu sa candidature au lieu de se rallier à Clinton, il aurait fait un score très important. Car la loi générale formulée ci-dessus admet sa réciproque : plus la gauche est perçue comme offensive, radicale, « anti-système » et anti-austéritaire, plus elle est susceptible de gagner le soutien des couches les plus exploitées de la population – et donc de limiter la progression de l’extrême droite. Il y a une polarisation politique non seulement vers la droite, mais aussi vers la gauche. Cependant, pour que celle-ci se manifeste pleinement, il faut qu’une force politique de gauche sache donner une expression à l’exaspération des masses.

C’était le cas, en Grèce, à l’époque de l’ascension de Syriza (avant la capitulation de Tsipras en juillet 2015). C’était aussi le cas en Espagne entre 2014 et 2016, lors de l’ascension de Podemos – dont les difficultés actuelles sont précisément liées aux vacillations récentes de ses dirigeants. C’est le cas aujourd’hui en Grande-Bretagne, où Jeremy Corbyn, qui vient de l’aile gauche du Labour, est en bonne position pour gagner les prochaines élections législatives.

Une conclusion limpide en découle : pour lutter contre l’extrême droite, il faut d’abord et avant tout défendre une alternative de gauche radicale. Sans cela, tous les discours sur le « vivre ensemble », la fraternité universelle et autres abstractions n’auront aucun impact sur les millions de jeunes et de travailleurs qui veulent renverser la table. La gauche qui défend le statu quo est condamnée aux défaites, car c’est précisément le rejet du statu quo qui progresse dans la population.

La gauche doit défendre un programme de rupture avec le « système ». Et pour que ce programme soit réaliste, c’est-à-dire applicable, il doit mettre à l’ordre du jour la rupture avec le capitalisme lui-même. La capitulation de Tsipras, en Grèce, nous a rappelé que dans un contexte de crise, la mise en œuvre d’un programme de réformes progressistes est impossible sur la base du capitalisme, autrement dit sans une révolution socialiste. Pour le moment, cette idée est très minoritaire au sein du mouvement ouvrier et du mouvement contre l’extrême droite. Mais l’expérience concrète en démontrera la validité aux yeux d’un nombre croissant de jeunes et de salariés.

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