La violence contre les femmes reste omniprésente dans le monde. Les hashtags #Metoo et #balancetonporc, invitant les femmes à témoigner sur les médias sociaux, révèlent une fois de plus l’ampleur de l’intimidation et de la violence sexuelle qu’elles subissent.
En Belgique, presque une femme sur trois a connu un viol et la police enregistre huit viols par jour. Ces chiffres, proprement hallucinants, ne rendent même pas véritablement compte de la réalité puisque 90 % des victimes d’un viol ne le déclarent pas à la police. Ce silence est bien compréhensible vu l’incompréhension à laquelle elles se trouvent confrontées et l’impunité flagrante qui s’ensuit : un coupable est condamné dans à peine 13% des cas.
Cette année, dans plusieurs pays, des centaines de milliers de femmes sont descendues dans la rue pour défendre leurs droits. Lorsqu’en Pologne le gouvernement voulait raboter le droit à l’avortement, des dizaines de milliers de femmes ont manifesté, ce qui a obligé le gouvernement d’extrême droite à revoir ses plans. Des manifestations massives contre la violence envers les femmes ont également eu lieu en Amérique latine : elles réagissaient contre le meurtre horrible de la jeune Argentine Lucia Perez, brutalement violée, et qui a succombé à ses blessures. Dans ce pays, une femme est assassinée toutes les 30 heures : On y parle d’un véritable féminicide.
Quelle est l’origine de cette violence envers les femmes ? Il s’agit d’un phénomène bien plus profond que de simples questions de « mentalités » masculines erronées sur les femmes et leur rôle ; de telles conceptions n’existent pas dans le vide.
Oppression et exploitation séculaires
L’attitude qui consiste à considérer la femme comme inférieure à l’homme plonge ses racines dans la position dépendante et soumise de la femme. Les femmes sont écartées de la sphère publique et totalement dépendantes de leurs hommes. Ce n’est pas la faute des hommes en soi, mais c’est un phénomène qui est inscrit dans l’ADN de toute société de classe, et donc aussi dans celui d’une société capitaliste.
La famille prend une place très importante dans notre société. Les soins de base (nourriture, éducation des enfants, etc.) reposent en grande partie sur le foyer familial et en très grande majorité sur les épaules de la femme, ce qui se reflète ensuite dans la différence de salaire entre hommes et femmes. Le revenu de la femme est perçu comme un revenu d’appoint. Plusieurs études tendent d’ailleurs à prouver que la violence envers les femmes se manifeste plus souvent dans les cas où la femme se trouve dans une relation économiquement et émotionnellement dépendante de l’homme.
Certes, il y a eu des améliorations dans le sort de la femme : il lui est, par exemple, plus facile de trouver un travail. Mais l’inégalité persiste : elle reste plus liée que l’homme aux tâches ménagères et donc à la sphère privée de la famille. En moyenne, les hommes jouissent de six heures de temps libre en plus que les femmes ; un employeur sera plus enclin à engager un homme qu’une femme, car il pensera que la femme sera moins disponible compte tenu de ses responsabilités familiales.
Pour sortir la femme de cette position subalterne et dépendante, il est nécessaire de socialiser les tâches familiales. L’Etat doit pour cela fournir des crèches gratuites et de qualité, des restaurants bon marché, des soins accessibles pour les personnes âgées, etc. Voilà des revendications pour lesquelles il faut encore se battre sous le capitalisme. Car la crise aidant, tous les services publics à la famille sont érodés ou supprimés.
Le maintien et le développement d’une telle infrastructure n’est pas une priorité pour la classe dirigeante ; financer des services bon marché et de qualité pour remplacer les tâches familiales individuelles ne fait pas partie de ses intentions car peu de profits peuvent en être tirés.
Rapports de force
Grâce à cette position dépendante et subalterne que la société attribue à la femme, l’homme bénéfice d’une position de force vis-à-vis d’elle. Ce rapport de force est à son tour entretenu par la classe dirigeante. Il n’est donc pas surprenant de le retrouver à l‘échelle des rapports individuels sons la forme de violence (sexuelle) des hommes envers les femmes. Les médias et la publicité qui présentent la femme comme un objet de désir renforcent ces comportements. Les différentes classes ne disposent pas des mêmes moyens : une classe soumet l’autre, créant ainsi un terrain fertile, propice à la discrimination et la violence.
Pas de lutte entre hommes et femmes mais une lutte de classe
La lutte que nous menons ne peut donc être une guerre des sexes, des femmes contre les hommes. Nous concevons ce combat comme celui des femmes et des hommes de la classe des travailleurs contre le système qui est à la base de toutes les formes de discrimination et d’oppression. Une femme bourgeoise ne peut pas ressentir ce que vit une femme de la classe ouvrière ; c’est la femme travailleuse qui souffrira le plus de la discrimination. Peu nombreuses sont celles qui peuvent se permettre de payer un baby-sitting ou une femme de ménage. Les féministes libérales peuvent prétendre qu’elles se soucient du sort de la femme, mais, en fin de compte, elles participent au démantèlement de services publics qui détériore la situation des femmes. La lutte pour l’émancipation des femmes est donc aussi une lutte pour s’émanciper du capitalisme et de son austérité.