Le mouvement syndical fait monter la pression de plusieurs crans. C’est sans aucun doute positif et il faut que ces grèves soient les plus massives possibles. Mais  elles sont en soi insuffisantes. Elles arrivent tard après l’élan du 14 octobre. Dans les luttes sociales il faut battre le fer quand il est chaud. On a l’impression que les directions syndicales ne veulent pas aller à l’affrontement avec l’Arizona. En attendant plus de 40 jours, les organisations syndicales risquent de donner du temps à l’Arizona pour reprendre son souffle. Le patronat aura le temps de se préparer à ces trois jours de grève dans les entreprises et organiser heures supplémentaires, nouvelles organisations des commandes et des livraisons etc. Le patronat pourra ainsi se préparer à absorber l’impact économique et financier des grèves. Le gouvernement et le patronat feront le gros dos pendant trois jours, feront passer l’orage et reprendront les attaques sans trop d’hésitations. 

Timidité des directions syndicales

A cela s’ajoute la grande modération des exigences syndicales. Je cite le communiqué de presse de la FGTB: “Ces trois jours de grève sont un appel au Premier ministre De Wever et à l'ensemble du gouvernement pour qu'ils mettent fin au démantèlement social. Ces mesures n'ont pas encore été votées, il est donc encore temps de les ajuster !” Ajuster les mesures ? Il faudrait plutôt lutter pour les annuler. Voilà notre horizon minimum.

Le communiqué continue : “Les syndicats demandent au Premier ministre De Wever et à l'ensemble du gouvernement qu'ils mettent enfin en œuvre des alternatives convaincantes : plus de justice fiscale avec un impôt sur les grosses fortunes, une taxe sur les activités numériques des géants de la tech et un examen sérieux des subventions de plusieurs milliards accordées aux entreprises. Enfin, ils demandent une règle simple selon laquelle chaque salaire est soumis à des cotisations de sécurité sociale, qu'il s'agisse d'une société de management ou non.” C’est une chimère que de croire qu’un gouvernement issu directement des intérêts des patrons puisse mettre en œuvre plus de ‘justice fiscale’.

Quelle naïveté dangereuse! On ne peut pas demander à un tigre de devenir végétarien.

Pire encore : “En bref, un appel commun en faveur d’une plus grande justice et du rétablissement d’un contrat social solide. Un appel à rassembler plutôt que de diviser.” On ne peut espérer qu’un gouvernement pro-patronal agisse contre les intérêts du patronat.

Arrêtons de pleurer la fin du contrat social d’après-guerre. 

Il faut se placer sur le terrain de la lutte des classes

Le patronat a choisi la guerre sociale. Les organisations syndicales doivent se mettre résolument sur le terrain de la lutte des classes ou nous perdons la bataille avant même de l’avoir engagée sérieusement. Le minimum des exigences syndicales doit être le retrait pur et simple de toutes les mesures anti-sociales de l’Arizona et de tous les gouvernements qui l’ont précédés, rien de moins. Les trois jours de grève, pour ne pas être inutiles, devraient se transformer en tremplin pour la préparation de grèves reconductibles puissantes dans des secteurs économiques décisifs autour d’un programme offensif de revendications pour améliorer tout de suite la situation de la classe travailleuse.

Un programme offensif, vite !

Ce programme doit être popularisé parmi toutes les couches de la population : fin du blocage salarial, retour à un index non manipulé, fin à la chasse aux chômeurs, réduction drastique du temps de travail à 30 heures minimum, mais aussi droit à la retraite à 60 ans (au maximum), augmentation massive du nombre de fonctionnaires, embauche de chômeurs sur la base de grands travaux et d’une réduction du temps de travail, nationalisation (sous le contrôle des salariés) de toutes les grandes entreprises qui licencient ou qui sont menacées de fermeture. Il est clair que ce n’est pas le gouvernement des riches qu’est l’Arizona qui réalisera un tel programme. Il faut un gouvernement des travailleurs. 

Un bon programme est indispensable, mais ce n’est pas une baguette magique grâce à  laquelle on peut mobiliser les masses instantanément. Ce programme, il faut le porter et le défendre aux quatre coins du pays, entreprise par entreprise, quartier par quartier, dans le cadre d’une vaste campagne d’agitation. Une telle campagne est aussi le meilleur moyen de sonder précisément la combativité des différentes catégories de travailleurs. En 1935, Léon Trotsky écrivait à propos de la situation en France : “La grève générale est-elle possible dans un proche avenir ? À une question de ce genre, il n’y a pas de réponse a priori […]. Pour avoir une réponse, il faut savoir interroger. Qui ? La masse. Comment l’interroger ? Au moyen de l’agitation. L’agitation n’est pas seulement le moyen de communiquer à la masse tels ou tels mots d’ordre, d’appeler les masses à l’action, etc. L’agitation est aussi pour le parti un moyen de prêter l’oreille à la masse, de sonder son état d'esprit et ses pensées et, selon les résultats, de prendre telle ou telle décision pratique. […] Pour les marxistes, pour les léninistes, l’agitation est toujours un dialogue avec la masse”. Dialogue qui doit permettre d’apporter “les précisions nécessaires, en particulier dans tout ce qui concerne le rythme du mouvement et les dates des grandes actions.” Une grande campagne d’agitation permettrait de déterminer quels secteurs sont mûrs pour l’action, quels secteurs hésitent encore, doivent être convaincus, etc. Sans un sondage systématique de l’ensemble de la classe ouvrière, il n’est pas possible d’élaborer un solide plan de bataille. Bien sûr, c’est une tâche longue et ardue. Il est plus facile – mais beaucoup moins concluant – de jeter aux quatre vents des appels à la “grève générale”. Comme le rappelait Trotsky, toujours à propos de la France : “Une victoire révolutionnaire n'est possible qu’à la suite d’une longue agitation politique, d’un long travail d’éducation et d’organisation des masses”.

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