Après des semaines de pénibles négociations de coalition pour former le gouvernement fédéral, divers partis et courants politiques se retrouvent à panser leurs blessures en raison de leurs échecs lors des élections de 2024. L'une des tendances en déclin qui se trouve au bord du précipice est sans aucun doute celle des libéraux classiques, représentés par des partis tels qu'Open VLD et le CD&V. Ces partis ont subi de lourdes défaites tant au niveau fédéral que local, leurs dirigeants peinant à trouver des explications et des solutions.

Pour l'Open VLD et des figures comme Alexia Bertrand et Eva De Bleeker, la tactique post-électorale choisie a été de se déplacer vers la droite tout en attaquant tout ce qui se trouve à leur gauche. Il est évident que la croissance continue du Parti du Travail de Belgique (PTB) a laissé de nombreux libéraux tremblants..

Dans le cas de l'Open VLD, cette stratégie de déplacement vers la droite tout en attaquant la gauche ne fera que peu pour les différencier des autres partis de droite aux yeux de l'électorat. Par conséquent, les représentants du parti ont adopté une rhétorique politique si absurde qu'elle en devient presque comique. Un exemple récent est l'interview qu'Alexia Bertrand a accordée au journal La Libre, où les réponses de l'ancienne ministre du Budget démontrent clairement que son parti, ainsi que le libéralisme belge, sont à court d'idées et incapables d'offrir une voie crédible à la classe ouvrière de ce pays.

Le libéralisme belge : un mouvement sans vision

L'interview commence avec Bertrand réagissant aux négociations de la coalition "Arizona". Elle affirme que l'Open VLD accepte son rôle dans l'opposition et anticipe des difficultés pour les partis du gouvernement "Arizona" à mener des réformes majeures, notamment en matière de pensions. Ce n'est un secret pour personne que le libéralisme belge regarde avec mépris le niveau des dépenses publiques en Belgique et souhaite le réduire drastiquement, un fait que Bertrand rappelle à plusieurs reprises au cours de son interview. L'élément principalement ciblé est en effet le système de pensions. Interrogée sur la possibilité d'une augmentation des impôts, Bertrand déclare simplement que c'est la "solution facile" mais aussi "pas la bonne". Il n'est pas surprenant que la fille de Luc Bertrand, président d'Ackermans & van Haaren (un puissant holding belge), ne soit pas en faveur d'un impôt sur la fortune, qui imposerait la valeur du capital et des actifs détenus par les personnes les plus riches du pays. Sa solution consiste plutôt à faire payer la classe ouvrière en réduisant nos pensions et services sociaux. C'est donc une bien mauvaise blague lorsqu'elle affirme dans l’entretien d’être "plus sociale que les socialistes"

L'obsession de Bertrand pour la réduction des dépenses publiques se manifeste encore dans le reste de l'interview, avec un éloge inattendu de Donald Trump. Réagissant à un post sur les réseaux sociaux où Eva De Bleeker louait la décision de Trump de nommer Elon Musk à un nouveau Département de l'efficacité gouvernementale, Bertrand a déclaré que "heureusement", toutes les idées de Donald Trump ne sont pas mauvaises. En saluant la nomination d'un méga-capitaliste pour accroître l'efficacité gouvernementale tout en attaquant la classe ouvrière américaine et ses conditions de vie déjà précaires, et en souhaitant importer cette même tactique en Belgique, l'aveuglement et la mauvaise direction du libéralisme belge deviennent évidents aux yeux de tous. Bertrand affiche ensuite son mépris pour la classe ouvrière dans sa propre définition de ce que signifie être libéral :

"C’est limiter l’intervention de l’État à ce qui est nécessaire : réduire les dépenses publiques inutiles, soutenir la liberté d’entreprendre, garantir nos libertés… mais la sécurité sociale doit rester un filet et ne pas devenir un hamac, comme c’est parfois le cas en Belgique. Le libéralisme, c’est vouloir des hommes et des femmes debout, pas des citoyens qu’on laisse à vie dans une forme d’assistanat."

Il est profondément ironique d'entendre une femme née dans l'opulence et bénéficiant de privilèges immenses grâce au statut de son père mépriser ceux qui, selon elle, "vivent dans un hamac" d'assistance sociale. La réalité est que la classe ouvrière belge est attaquée depuis des années sous de nombreuses formes, et maintenant que les conditions de vie continuent de se détériorer, la solution des politiciens libéraux est de faire payer encore plus ceux qui travaillent.

"Racisme de classe sociale"

L'intervention la plus absurde de Bertrand a toutefois eu lieu lorsque la question du PTB et de sa montée dans les sondages a été abordée. Il n'est pas surprenant de voir les politiciens de droite et la presse de droite attiser la peur envers des partis comme le PTB, qui expose l'hypocrisie de nombreux de ces individus. La Libre elle-même a fait un travail acharné pour diaboliser ce parti politique tout au long de la campagne électorale.[1]

L'ascension du PTB ainsi que son émergence comme force politique après les élections locales et son renforcement à Bruxelles et en Wallonie, notamment à Molenbeek, Forest et Mons, ont certainement semé la peur dans le cœur des libéraux comme Alexia Bertrand :

« La montée du PTB dans plusieurs majorités communales me choque profondément. Le PTB est d’ascendance maoïste … il ne faut jamais sous-estimer le danger du PTB. Toute la doctrine et le fonctionnement du PTB posent problème. Préférer le PTB au MR – qui est un parti démocratique – cela en dit long sur la dérive du PS et d’Écolo ... »

De fait, nous, à l'Organisation Communiste Révolutionnaire (OCR), avons notre lot de critiques envers le PTB. Nous ne soutenons pas leur politique réformiste, ni leur croyance qu'il est possible de transformer le capitalisme en une version plus « humaine » par le biais de la politique parlementaire, sans qu’il soit nécessaire de renverser ce système pourri. L’histoire nous a montré que le réformisme ne résout pas les contradictions inhérentes au capitalisme, notamment la lutte des classes, et qu’en fin de compte, les victoires obtenues de haute lutte seront démantelées.

Néanmoins, les critiques formulées contre le PTB par Bertrand ne sont rien d’autre que des paroles creuses, dénuées de contenu.

L’absurdité des critiques de Bertrand continue lorsque le journaliste lui demande si elle pense qu’il est pire de gouverner avec le Vlaams Belang qu’avec le PTB. Sa réponse commence ainsi :

« Le PTB met les gens dans des catégories. Le Vlaams Belang est raciste et c'est assumé, mais le PTB développe un racisme plus sournois, un racisme de classes sociales. Il cherche un bouc émissaire : les riches, les multinationales ; il développe un antisémitisme plus que latent. Il s'attaque à tout ce qui n'est pas le peuple monolithique. »

L’idée d’un « racisme de classes sociales » est un concept déconcertant, qui non seulement manque de logique, mais affaiblit également la lutte légitime contre le racisme. Ce que Bertrand tente probablement d’exprimer, c’est que le PTB mène une lutte des classes et discrimine « les riches, les multinationales », etc. Pourtant, la réalité objective est que la lutte des classes est menée par la classe capitaliste depuis des siècles en Belgique. Les méthodes et la politique du PTB sont d’ailleurs assez modérées, leur slogan accrocheur « taxer les riches » étant au cœur de leur programme. Le simple fait de demander aux individus fortunés et aux grandes multinationales de payer leur juste part d’impôts afin de garantir une vie digne à tous les résidents belges est un strict minimum. Ce n’est en rien discriminatoire, surtout lorsqu’on considère que ce sont précisément ces personnes fortunées – Bertrand et les autres libéraux en tête – qui mènent avec enthousiasme des politiques d’austérité, pressurant la classe ouvrière jusqu’à ce qu’il ne lui reste plus rien à offrir, si ce n’est un corps et un esprit brisés.

De plus, il est risible de suggérer que le PTB fait des multinationales un bouc émissaire, alors qu’il est un fait avéré que ce sont ces entités qui précipitent la planète vers une catastrophe climatique. À l’OCR, nous allons bien au-delà du PTB. Nous nous battons pour l’expropriation totale de ces entreprises et pour un contrôle démocratique, exercé par les travailleurs eux-mêmes, sur les entreprises nationales et multinationales, avec une production planifiée des biens et services destinée à répondre aux besoins de l’humanité et non à engraisser une poignée d’actionnaires.

L’usage des termes « racisme » et « antisémitisme » par Bertrand ne fait que vider ces mots de leur sens réel. Ce n’est pas du racisme que d’éliminer des concentrations de richesse inhumaines dans nos sociétés. De même, il n’est pas antisémite de s’opposer au génocide en cours du peuple palestinien par Israël. Tandis que des partis comme le Vlaams Belang placent des négationnistes de la Shoah condamnés à des postes de représentation et que des organisations quasi-paramilitaires comme Voorpost commémorent chaque année le collaborateur nazi August Borms, Bertrand et les libéraux belges osent sans vergogne qualifier le PTB et les manifestants pro-palestiniens d’antisémites, simplement parce qu’ils exigent la fin de l’apartheid et du génocide à Gaza et en Cisjordanie.

La démonstration par Bertrand de la faillite intellectuelle et politique du libéralisme belge contemporain ne s’arrête pas là :

« Le résultat est le même que l'extrême droite : partout où le communisme a été mis en œuvre, cela débouche sur du sang, des larmes, de la pauvreté généralisée, de la violence. Les extrêmes utilisent nos institutions pour leurs propres fins, préfèrent la politique dans la rue plutôt que dans le parlement et mettent en péril nos démocraties libérales. La première chose que ces partis font lorsqu’ils arrivent au pouvoir, c'est changer les règles pour s'assurer de ne pas en être chassés. »

Sans surprise, les libéraux comme Bertrand sont totalement déconnectés de la réalité vécue par le Belge moyen. Cela est clairement démontré par un récent sondage réalisé par Le Soir, qui indique qu’une majorité de Belges sont contre l’idée d’un cordon sanitaire visant le PTB : seuls 38 % y sont favorables à Bruxelles et en Wallonie, et seulement 28 % en Flandre. Il semble donc que la majorité des Belges ne considèrent pas le PTB comme appartenant à la même catégorie que le Vlaams Belang et l’extrême droite.

Il est également ironique de lire la description que Bertrand fait du « communisme », tant elle correspond en réalité à l’état actuel des affaires mondiales sous le capitalisme. Soit elle feint l’ignorance, soit elle l’est douloureusement, car n’importe qui dans la rue pourrait lui parler des horreurs sanglantes commises en Palestine, en Ukraine, au Soudan ou en République Démocratique du Congo, tout comme des niveaux de pauvreté et d’inégalité qui ne cessent de croître en Europe et dans le reste de l’Occident.

Il est évident que Bertrand et les libéraux belges méprisent l’idée d’une politique qui se mène « dans la rue ». Ils ont constamment fait preuve de dédain envers la classe ouvrière et préfèrent nous maintenir à l’écart du processus démocratique, tandis que leurs députés aux salaires mirobolants débattent des prochaines coupes dans les services publics et de la meilleure façon de servir les intérêts de leurs généreux donateurs millionnaires.

Conclusion

Il est révélateur que les divagations d'Alexia Bertrand aient fait la une de La Libre dans son édition du 16 novembre 2024. Alors que des génocides sont en cours et que les partenaires de la coalition belge débattent des coupes sociales, la presse bourgeoise a jugé que la diabolisation du PTB était le sujet le plus urgent du jour. Ce concept étrange et malhonnête de "racisme de classe sociale" ne fait rien d'autre que minimiser le racisme réel, tout en cherchant à détourner l'attention des masses de ce que les travailleurs vivent et constatent quotidiennement : la lutte des classes.

Les libéraux semblent avoir pris conscience que leur idéologie est dans une impasse historique. Ils n'ont plus rien à offrir pour faire avancer la société, et les masses l'ont également remarqué. Alexia Bertrand et le libéralisme belge s'accrochent désespérément, tentant de se hisser hors de l'abîme politique, lançant des arguments absurdes et des phrases illogiques pour voir ce qui pourrait coller. En parallèle, ils ont choisi de se déplacer vers la droite et de copier la rhétorique de partis tels que le MR et la N-VA, apportant ainsi une légitimité à leur politique réactionnaire. Pourtant, comme nous le savons tous, l'électorat choisira toujours l'original plutôt qu'une pâle copie.

Néanmoins, malgré cette campagne de peur, ce ne sera ni le PTB ni sa politique réformiste qui seront en mesure de libérer la classe ouvrière et d'assurer une vie digne pour tous. Seule une rupture totale avec le capitalisme permettra à l'humanité de réaliser son immense potentiel. Alors que la lutte des classes s'intensifie, il est essentiel que tous les communistes partageant cette vision s'organisent au sein d'une structure prête à mener la classe ouvrière vers sa victoire finale.

 

[1] Voir: https://www.lalibre.be/debats/edito/2024/11/08/rouges-de-honte-AW7LM6HPFJAF3OA36QWRK4JPJ4/ ; https://www.lalibre.be/debats/edito/2024/10/17/non-le-ptb-nest-pas-une-force-de-progres-XLGEMJKHY5BZ3OMF4MKCCJEPKQ/ ; https://www.lalibre.be/debats/edito/2024/04/17/une-majorite-parlementaire-avec-le-ptb-un-tournant-alarmant-2MP4Z2KXTVCWZKR54EAPBAX5JM/

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