Les premiers jours du second mandat de Trump ont été marqués par une guerre commerciale qui s'accélère, une inflation persistante et des attaques vicieuses contre les travailleurs immigrés. Aujourd'hui, il exige des coupes sombres dans les aides aux anciens combattants, l'éducation publique, Medicaid (sorte de sécurité sociale light pour les soins) et toute une série d'autres dépenses sociales sur lesquelles les travailleurs sont obligés de compter. Des millions de travailleurs rejettent ces attaques et ses flagrantes nouvelles discriminations et cherchent d'urgence une alternative à ce programme mortifère.
Dans ce vide politique, la tournée nationale « Fighting Oligarchy » (combattre l'oligarchie) de Bernie Sanders a attiré des foules de dizaines de milliers de personnes désireuses de riposter contre l'administration Trump. 2 500 personnes se sont présentées à l'un des premiers rassemblements, à Omaha, défiant les prédictions d'une participation de seulement 800 personnes. Dans les semaines qui ont suivi, la tournée a rapidement pris de l'ampleur. À Phoenix, 15 000 personnes se sont présentées, suivies de 23 000 à Tucson. À Denver, plus de 34 000 personnes ont participé, ce qui en fait l'événement le plus important de la carrière de Bernie et le plus grand rassemblement politique de la ville depuis 2008.
En l'absence d'une véritable alternative révolutionnaire, Bernie est l'une des seules figures du paysage politique 'mainstream' à exprimer quelques idées progressistes. Cela explique pourquoi, bien qu'il ait plié le genou devant l'establishment démocrate à de nombreuses reprises par le passé, il est capable d'attirer de grandes foules. Les travailleurs désireux de se battre n'ont nulle part d'autre vers qui se tourner pour le moment.
Attention aux faux prophètes et au réformisme !
Durant sa tournée, Sanders parle ouvertement du fait que la classe ouvrière doit se rassembler pour lutter contre l'oligarchie, déclarant que « le Trumpisme ne sera pas vaincu par les politiciens de Washington. » Nous sommes tout à fait d'accord ! Mais autour de qui et de quoi propose-t-il de s'unir ?
Son arrêt dans le Nebraska nous donne un indice. Sanders a réuni une alliance bien particulière pour partager la scène avec lui : un fonctionnaire du gouvernement local, un bureaucrate du syndicat et le directeur exécutif du Parti démocrate du Nebraska. Il ne s'agit pas exactement d'une "dream team" anti-establishment...
Sans une véritable alternative révolutionnaire, Sanders parvient à attirer de grandes foules, malgré le fait qu'il ait plié le genou devant l'establishment démocrate à plusieurs reprises. / Image : Tim Pierce, Wikimedia Commons.
La posture de Sanders nous fait penser à cet avertissement biblique : « Méfiez-vous des faux prophètes, qui viennent à vous en habits de brebis, mais qui au fond sont des loups ravisseurs. Vous les reconnaîtrez à leurs fruits ».
Bernie appelle à nouveau à un « mouvement populaire » contre les milliardaires. Un tel mouvement populaire l'a soutenu lors de ses campagnes présidentielles de 2016 et de 2020. Les deux fois, le DNC (l'appareil Démocrate) a manœuvré de manière flagrante contre lui, et il a capitulé devant les pouvoirs en place.
Malheureusement, Sanders colporte le même vieil élixir de collaboration de classe. Tout en puisant dans la colère légitime, il vise à la détourner vers les canaux sûrs des Démocrates pourris et discrédités.
Lors de sa tournée, Sanders a résumé l'histoire de la politique étrangère américaine de la manière suivante : « Depuis 250 ans, les États-Unis soutiennent la démocratie ».
Comment peut-il zigzaguer aussi facilement entre la dénonciation des milliardaires et la présentation de leur asservissement violent (entre autres par des bombardements) d'innombrables peuples et nations comme un « soutien à la démocratie » ?
La réponse se trouve dans la politique réformiste de Sanders. Il est sans doute sincère dans son désir de se battre pour la classe ouvrière. Mais il s'est également engagé à rester dans les limites du capitalisme. Il est impossible de soutenir la lutte de la classe ouvrière tout en soutenant la domination de classe de nos exploiteurs.
Le parti des « bons milliardaires »
Rien n'illustre mieux cette situation que la relation de Bernie Sanders avec le parti démocrate. En novembre dernier, il a reproché aux Démocrates leur incapacité à faire valoir les revendications de la classe ouvrière.
Mais les discours post-électoraux ne valent pas grand-chose. Où étaient ces critiques lorsqu'il s'est rangé derrière Clinton, Biden et Harris ? Cette dernière était soutenue par plus de milliardaires que Trump ! Comment peut-il « combattre l'oligarchie » tout en soutenant une aile de la classe dirigeante contre l'autre ?
Ce faisant il crée des illusions dans le parti démocrate alors qu'il pourrait dès à présent utiliser sa plateforme pour lancer un Parti indépendant pour la classe ouvrière. Une telle initiative se répandrait comme une traînée de poudre dans le climat politique actuel. Bien qu'il parle de présenter des candidats indépendants, Sanders met tout en œuvre pour redonner vie aux Démocrates, alors qu'ils sont plus discrédités que jamais.
Le président du DNC estime qu'ils devraient encore chercher à obtenir des dons de « bons milliardaires ». Pourquoi Sanders et la « gauche molle » s'accrochent-ils à ce parti de supposés « bons milliardaires », tout en se lamentant sur la « corruption du système bipartite » ? Parce qu'ils ne croient pas que la classe ouvrière puisse renverser le capitalisme et diriger elle-même la société. Si l'on part du principe que les capitalistes ne pourront jamais être vaincus, la politique devient alors une question de savoir quelle aile de la classe ennemie il faut soutenir.
La classe travailleuse a besoin de son propre parti !
En 1989, Sanders expliquait à juste titre que « les partis Démocrate et Républicain contrôlés par les entreprises ... n'ont pas de différences idéologiques substantielles et sont, en réalité, un seul parti - le parti de la classe dirigeante ». Cependant, après avoir passé des décennies dans les couloirs du pouvoir bourgeois sans le contrepoids d'un programme marxiste et d'un parti révolutionnaire, il a depuis longtemps abandonné toute prétention à construire un parti ouvrier. En fait, depuis 2016, il a activement brouillé les pistes, colportant l'idée que les Démocrates capitalistes peuvent en quelque sorte être « transformés ».
Des millions de personnes ont tiré la conclusion que le Parti démocrate est une impasse. Les travailleurs ont besoin d'un parti basé uniquement sur nos propres forces, luttant pour nos propres intérêts de classe. Tous les sondages montrent qu'une majorité d'Américains pensent qu'un troisième grand parti est nécessaire. Un sondage réalisé en novembre dernier a révélé que 72% des électeurs inscrits pensent que le système politique et économique américain a besoin de « changements majeurs » ou qu'il devrait « être entièrement démantelé ». Un autre sondage a révélé que 48 % des jeunes sont d'accord avec l'affirmation suivante : « Peu importe qui gagne les élections, rien ne change ».
Les "libéraux-socialistes" n'ont rien de sérieux à offrir aux millions de personnes qui rejettent aujourd'hui les deux partis. La RCA (notre organisation sœur aux USA) construit un parti pour donner une voix et une direction à la rage de classe qui grouille dans toute la société. Contrairement à Sanders, nous ne voulons pas bricoler le capitalisme, « sauver la démocratie » ou simplement « taxer les riches ». Notre objectif est d'abolir entièrement le système d'exploitation, d'établir un gouvernement des travailleurs et de s'emparer des richesses volées par l'oligarchie aux travailleurs pour répondre aux besoins de l'humanité.
Les travailleurs ont besoin d'un parti basé uniquement sur nos propres forces, luttant pour nos propres intérêts de classe. / Image : RCA