Le caractère réactionnaire de Trump ne s’exprime pas de manière plus évidente que sur la question du genre aux USA. Depuis qu’il est à nouveau au pouvoir, il n’a eu de cesse de multiplier les attaques contre les personnes trans. Ces politiques discriminatoires ont des conséquences dramatiques et doivent être combattues par le mouvement ouvrier et ses organisations. Cependant la situation des personnes transgenres aux USA était déjà catastrophique avant la nouvelle élection de Trump. Les républicains comme les démocrates n’ont eu de cesse d’instrumentaliser cette question par calculs électoraux, mais aussi et surtout pour diviser les masses travailleuses américaines, et ainsi mieux régner et mettre en place plus facilement un agenda politique réactionnaire et de casse sociale qui ne fait que s’accélérer lui aussi sous Trump.
La transphobie et l’homophobie sont des héritages du colonialisme
Aux USA, avant l’arrivée des colons, les peuples autochtones ne connaissaient vraisemblablement pas la transphobie et l’homophobie. Ils avaient même des catégories sociales de genre beaucoup plus souples que les nôtres qui permettaient à chacun et chacune de trouver sa place dans le clan. Les êtres-aux-deux-esprits étaient considérés comme des individus ayant les mêmes droits que les autres membres de la tribu. Le « troisième genre » était la norme et tout le monde ne s’en portait que mieux.
Danse des Berdaches, dessin de George Catlin (1796-1872).
Ce sont les structures législatives étroites de la société coloniale qui ont imposé une vision binaire du genre et réprimé, durant des siècles, toute « déviation » de cette « norme » sociale. Tantôt au nom de Dieu, tantôt pour diviser la société américaine et permettre à l’élite capitaliste de mieux régner.
Il en est de même dans beaucoup de pays du monde colonial qui ont vu leurs définitions des genres possibles complètement éradiquées par les lois qu’ont mises en place les colons partout où ils ont pillé et asservi.
Des attaques inhumaines aux conséquences sordides
Depuis janvier, on assiste à un déluge de mesures ciblant les personnes trans, qui pour rappel atteignent difficilement 1% de la population aux USA. Mais cette offensive était déjà en cours dans beaucoup d’Etats qui légiféraient contre les personnes trans depuis quelques années.
Au cours des quatre premiers mois de l'année 2023, 541 projets de loi anti-trans ont été déposés dans tout le pays, dont 23 au niveau fédéral, et plus de 70 avait déjà été promulgués en juin 2023. Il s'agit d'une augmentation significative de la législation transphobe par rapport à l'année 2022, où 174 projets de loi de ce type avaient été déposés et 26 promulgués. Depuis juin 2023, avec le retour de Trump sur la scène politique, ces mesures s’accélèrent.
Dans le Tennessee, une ville a même réussi à interdire l’homosexualité durant quelques mois sur base d’une loi restreignant la gay pride. Ces projets de loi ont été accompagnés d'une campagne alarmiste dans la presse de droite, diabolisant les transgenres et les dépeignant comme de dangereux prédateurs.
Encore tout récemment, l’Iowa a carrément supprimé les lois de protection des personnes trans pour l’ensemble de son territoire sous les applaudissements du président Trump qui quelques jours auparavant décrétait l’interdiction pour les personnes trans de servir dans l’armée. Les conséquences de ces actions anti-trans prennent également un caractère sordide comme la suppression des sites officiels des recherches concernant les enfants non-binaires disparus, ou encore l’augmentation des mauvais traitements sur les personnes trans dans les centres de détentions pour migrants.
Encore une fois ces mesures ne concernent qu’une poignée de personne et elles ne feront que jeter les personnes trans dans la misère ou pire. Et ce sont les contribuables américains qui payeront le prix la précarisation des trans.
Ces mesures sont clairement mises en exergue par le camp Trump pour s’attirer du soutien de la part des personnes transphobes aux USA et dans le monde. Mais elles le sont surtout pour cacher l’agenda anti-social de l’administration Trump qui licencie à tour de bras dans la fonction publique, qui supprime les taxes pour les plus aisés et fait reposer l’effort fiscal sur les classes moyennes et les plus pauvres en même temps qu’il supprime les aides d’Etat pour les travailleurs et les chômeurs américains ou qu’il détourne les fonds alloués à la lutte contre le dérèglement climatique.
L’administration Trump met également en place une forte censure dans la recherche scientifique. Toutes les recherches contenant le mot « genre », « transition », « LGBT », « non-binaire » etc. ont été interdites de publication… De nombreux ensembles de données, utilisés par des chercheurs aux États-Unis et dans le monde entier sur les questions d’égalité de genre, de santé et même de vaccin, de dépistage et de traitement contre le sida… ont également été supprimés ou modifiés.
Des enjeux plus importants que ce que beaucoup s’imaginent…
Le moment choisi pour cette frénésie transphobe - qui s'intensifie dans les assemblées législatives et dans les médias au moment même où un nouvel effondrement économique menace de déstabiliser le pays - n'est pas un hasard. La classe dirigeante s'efforce de contenir une crise bancaire et une inflation incontrôlée, et se prépare à un « atterrissage en catastrophe » dans ce qui pourrait être une grave récession. Une enquête récente a révélé que 72 % des ménages gagnant moins de 100 000 dollars par an ont déjà du mal à faire face au coût de la vie. En phase avec la montée de la misère dans la société, les politiciens de la classe dirigeante sont confrontés à l'impératif désespéré de trouver des boucs émissaires pour détourner le mécontentement social croissant vers des voies réactionnaires.
Les personnes transphobes qui laissent faire, ou pire, qui appuient ces politiciens réactionnaires sont souvent très peu conscientes des enjeux bien réels, pour les femmes et pour leurs enfants, que cachent ces mesures transphobes. Par exemple, le 3 mars, le Sénat américain a rejeté (à 9 voix près!) l’adoption d’un texte de loi qui interdirait aux personnes trans de compétitionner dans les sports féminins. Dis comme cela, peu s’en soucieraient, mais la réalité est que lorsqu’on s’attarde plus longuement sur le texte en question, il donne le droit aux « officials », càd au personnel de l’école, de littéralement inspecter les organes génitaux des jeunes filles dans les écoles pour vérifier qu’aucun enfant trans n’essaie de participer à un sport ludique qu’on pratique à cet âge dans les écoles (comme le Kickball…) et où il n’y a strictement aucun enjeu…
Autrement dit, les politiciens qui ont voté en faveur de ce texte sont prêts à mettre en danger d’agression sexuelle les filles des écoles secondaires juste parce qu’une dizaine de femmes trans participent à des compétitions sportives pour adulte aux USA. Sachant qu’il y a déjà des milliers de cas d’agression sexuelle répertoriés dans les écoles aux USA… Voilà jusqu’où peut emmener la folie transphobe.
L’hypocrisie démocrate et l’oppression capitaliste
Depuis le retour de Trump, les démocrates en sont réduits à devoir « limiter la casse » des attaques transphobes, mais ils n’en sont pas moins responsables de ce retour de Trump au pouvoir. Biden a eu 4 ans pour montrer qu’il pouvait faire mieux que lui, mais n’a visiblement pas su convaincre et satisfaire les masses américaines… (Voir cette vidéo pour mieux le comprendre).
La mise en place de ces mesures est en partie la faute des politiques démocrates qui cherchent par tous les moyens à attiser la « culture war » (qui opposent sans cesse les Américains sur des questions d’identité) plutôt que de sérieusement aborder la politique américaine par la lutte des classes dans le but de transformer réellement la société. Le parti démocrate est un parti capitaliste rempli d’éléments bourgeois qui n’ont aucun intérêt, et ne cherchent pas à améliorer la condition des travailleurs américains, personnes trans y compris quand on y regarde de plus près.
Le parti de Joe Biden et Kamala Harris n'a par exemple jamais pris la moindre mesure sérieuse pour défendre, et encore moins pour codifier, l'accès universel à l'avortement aux États-Unis alors que celui-ci est actuellement attaqué de toute part par les réactionnaires. Au contraire, il a simplement vu les votes sur la question comme une possibilité de garder le pouvoir. Pour la majorité des Démocrates, la défense des femmes et des minorités n’entre en compte que dans des « calculs politiques » électoraux.
Il en va de même sur la question de la défense des personnes trans. Les belles paroles venant du camp démocrate n’ont pas réussi à cacher le fait qu’ils n’ont rien fait ou presque durant toutes ces années pour défendre les droits et les conditions de vie des transgenres. Repeindre leurs idées réactionnaires avec un verni « progressiste » comme les capitalistes le font avec leur logo lors du mois des fiertés ne change rien au fait que le dégout suscité par les politiques économiques démocrates, et par la « guerre des cultures » qu’ils attisent, ramènent inlassablement des politiciens plus réactionnaires au pouvoir dans une alternance « bipartite » du pouvoir que de plus en plus de gens dénoncent. Ce phénomène s’observe également ailleurs en Europe et dans le monde avec l’alternance droite/« gauche ».
Comme pour toutes les formes d'oppression sous le capitalisme, c'est dans les conditions matérielles de vie que l'inégalité des transgenres apparaît clairement. Une étude de l'ACLU (Union américaine pour les libertés civiles) datant de 2020 a révélé que 35 % des personnes trans vivaient dans la pauvreté. Selon les données du recensement de 2021, les adultes trans sont trois fois plus susceptibles de souffrir de la faim. Plus d'un quart des ménages trans connaissent l'insécurité alimentaire, et 36 % des personnes trans de couleur ont déclaré ne pas avoir assez à manger. Une étude plus modeste menée en 2019 par l'Université du Tennessee dans 12 États du Sud-Est a révélé que 79 % des personnes trans et non conformes au genre déclaraient souffrir d'insécurité alimentaire.
Les personnes trans sont près de six fois plus susceptibles que le reste de la population de se retrouver sans abri à un moment ou à un autre de leur vie – 8 % des adultes trans, contre 1,4 % de l'ensemble de la population. De nombreux jeunes transgenres se retrouvent à la rue en raison des préjugés dont ils font l'objet dans les foyers conservateurs.
Selon les données du CDC (pré 2025), les étudiants transgenres du secondaire sont neuf fois plus susceptibles d'être sans abri que leurs pairs. Parmi les jeunes de la maternelle à la terminale qui se sont révélés trans ou qui ont été perçus comme tels, 77 % ont déclaré avoir été victimes d'une forme ou d'une autre de maltraitance ; 54 % ont déclaré avoir été victimes de harcèlement verbal, 24 % ont été agressés physiquement et 17 % ont déclaré avoir quitté l'école à cause de ces mauvais traitements.
De plus, avant que Trump n’affiche clairement des politiques d’exclusions, la discrimination à l’embauche était déjà fréquente si on en croit les nombreux témoignages.
Contre la division et l’oppression : la solidarité et l’unité de la classe des travailleurs !
Comme dit plus haut, le « pinkwashing » des entreprises capitalistes, qui exploitent les trans comme les cis de manière brutale, ainsi que les beaux discours néolibéraux sur la « visibilité » des personnes transgenre, dégoutent de plus en plus de travailleurs par leur flagrante hypocrise. Avec les conséquences qu’on connait toutes et tous et dont Trump n’en est qu’une expression plus brutale encore. Tous les politiciens, à leur façon, ont instrumentalisé cette question pour détourner du problème de fond de la précarité des travailleurs dans leur ensemble.
La mise en place de vraies politiques d’inclusion ne pourra être le fait que de la lutte du mouvement ouvrier organisé qui a toujours mis la solidarité au-dessus de toute autre valeur. Un coup porté à l’un ou l’une d’entre nous est un coup porté à tous ! En tant que membre de la classe ouvrière, les personnes trans peuvent et doivent compter sur la lutte des travailleurs pour plus de justice sociale. Les personnes trans comptent parmi les rangs d'une immense force sociale qui a le pouvoir de transformer la société de fond en comble dans l’intérêt de toutes et tous. La force de la classe ouvrière provient de deux sources : son rôle majeur dans la production de toutes les richesses - et donc de tous les profits capitalistes - et sa supériorité numérique en tant que majorité écrasante de la population.
Comme le montrent les données ci-dessus, la grande majorité des personnes transgenres sont des travailleurs qui luttent pour joindre les deux bouts, comme des dizaines de millions d'autres personnes. Bien qu'il existe un nombre minuscule de riches « élites » transgenres, dans l'ensemble, la lutte des transgenres est une lutte pour la survie contre la brutalité de la vie sous le capitalisme. La lutte des travailleurs transgenres pour les revendications de base en matière de santé, de logement, d'emploi et de stabilité est la clé pour rejoindre la marée montante de la lutte des classes. La lutte contre l'oppression transphobe ne peut prendre un caractère de masse qu'en prenant un caractère de classe.
L'un des chiffres les plus optimistes de l'étude de l'USTS (plus large étude menée auprès des personnes transgenres aux USA) est que la plupart des personnes transgenres ont trouvé du soutien auprès de leurs collègues sur le lieu de travail. 68 % des travailleurs transgenres ont déclaré que leurs collègues les soutenaient, tandis que 3 % seulement ont déclaré que leurs collègues ne les soutenaient pas et 29 % ont déclaré que leurs collègues avaient une attitude indifférente.
Le respect mutuel entre les travailleurs de toutes origines et de toutes identités peut naître de l'expérience quotidienne du travail côte à côte. C'est dans l'expérience de la lutte collective que se forge la véritable solidarité de classe. Cette solidarité devrait selon nous déboucher le plus rapidement possible sur la création d’un troisième parti lié aux intérêts de la classe ouvrière américaine.
Pendant que les Démocrates restent inactifs face à Trump en n’appelant ni à la mobilisation de masse, ni à la grève générale, de nouveau par simple calcul politique pour espérer revenir au pouvoir dans 4 ans, les communistes révolutionnaires dénoncent cette inaction et appellent, aux USA comme ailleurs, les travailleurs du monde à s’armer d’un programme politique anticapitaliste et à entrer en lutte sérieusement sans se laisser distraire par les ignobles tentatives de divisions que sont les attaques et instrumentalisations sur les questions de genre.
Seule la mise à mort du système capitaliste et la naissance d’une société socialiste garantira aux travailleurs de tout genre la possibilité d’une vie digne dans la tolérance qui caractérisait visiblement déjà même certaines sociétés dites « primitives ».