Trump a nommé un cabinet à son image, une bande hétéroclite de fidèles déterminés à exécuter son programme. Parmi eux se trouve Tom Homan, chargé de mettre en œuvre la politique frontalière draconienne de Trump. Le "tsar des frontières" a déclaré à Fox News qu’il allait retirer "les menottes" à l’ICE, l’agence de police douanière, pour tenir la promesse des déportations massives. Depuis la victoire de Trump, les discussions sur la déportation des quelque 11 millions d’immigrants sans papiers ont évolué, mettant davantage l’accent sur les « criminels ». Ils comprennent qu’il est impossible et contraire aux intérêts de la classe dirigeante de déporter cette vaste source de main-d’œuvre bon marché.
Faux prétextes pour de vrais problèmes
En accusant les immigrants sans papiers de la crise bien réelle du coût de la vie, Trump offre une explication — bien que manifestement fausse — un problème que les démocrates ont choisi d’ignorer.
Les médias bourgeois jouent un rôle fondamental en attisant les sentiments xénophobes parmi les travailleurs. On nous dit que les immigrants sont un fardeau pour les dépenses publiques parce que les demandeurs d'asile et les migrants en prison sont logés avec des fonds publics en attendant leur passage devant le tribunal. Mais cette évaluation hypocrite n'est jamais appliquée aux 820 milliards de dollars astronomiques dépensés pour l'armée, une somme qui pourrait être investie dans les infrastructures, les soins de santé et des programmes de travaux publics, créer des emplois décemment rémunérés pour tous.
La vérité est que les immigrants sans papiers paient près de 100 milliards de dollars en impôts fédéraux, étatiques et municipaux chaque année. Cet argent sert ensuite à financer l’impérialisme américain, qui est la cause première de l’immigration de masse vers les États-Unis. Malgré les appels à réduire les dépenses publiques, le coût des expulsions massives pourrait dépasser les 300 milliards de dollars.
Comment les déportations massives affecteraient-elles l'économie ?
L'économiste ultra-réactionnaire Milton Friedman a déclaré : « L'immigration mexicaine illégale est une bonne chose... mais elle n'est bonne que tant qu'elle reste illégale. » La main-d’œuvre bon marché aide à maintenir les prix bas et les profits élevés. Pour de nombreux capitalistes, en particulier les plus petits, embaucher des travailleurs agricoles migrants via le programme de visa de travail H-2A les oblige à payer un salaire minimum et à fournir des avantages en matière de logement, ce qui représente un coût trop important pour leurs profits.
Les immigrants en situation irrégulière sont totalement intégrés dans l'économie américaine. Ils représentent 19,4 % des jardiniers, 13,4 % des ouvriers du bâtiment et 10 % des chauffeurs de taxi. Des pénuries de main-d'œuvre soudaines provoqueraient la panique parmi les capitalistes qui dépendent de ces travailleurs, et ils réagiraient probablement en augmentant les prix et en réduisant les investissements.
En particulier, l'industrie alimentaire, qui subirait de graves perturbations. Environ 42 % des travailleurs agricoles sont sans papiers. Sous la constante menace d’expulsion, ces travailleurs sont contraints d'accepter des salaires extrêmement bas et des conditions de travail épouvantables. La perte de l'accès à ces travailleurs obligerait les capitalistes à augmenter les prix pour maintenir leurs taux de profit.
Avec la proposition de Trump d’imposer un tarif de 25 % sur les importations mexicaines. Davantage de nourriture devrait être produite à l'intérieur du pays et les prix des produits alimentaires importés augmenteraient également. Comme toujours, la classe ouvrière payerait la facture. En d'autres termes, la promesse de Trump de chasser les immigrants sans papiers contredit son autre promesse de réduire le coût de la vie en réduisant l'inflation.
Selon Bloomberg, les profits de l'agriculture industrielle seraient bien mieux protégés contre la perte de main-d'œuvre sans papiers, mais "les petites exploitations familiales – qui représentent 88 % de toutes les fermes américaines – seront durement touchées, pouvant être contraintes de fermer."
Comme nous l’avons noté depuis l’émergence du mouvement "MAGA" ("Rendre sa grandeur à l'Amérique"), sa base de soutien s'étend à travers les différentes classes sociales. Quand cela commencera à chauffer, elle se fragmentera lorsque les différentes classes qui soutiennent Trump réaliseront qu'il ne peut pas faire tout pour tout le monde. En fin de compte, il en reviendra à la défense de la classe des milliardaires dont il fait partie et dont il défend le système.
Comment cela sera-t-il mis en place ?
Un aspect de l’opération proposée qui fait lever des sourcils au sein de l'élite est le désir de Trump d’utiliser l’armée et la Garde nationale pour assister les 6 000 agents actuels de l’ICE répartis à travers le pays pour rassembler et enfermer des millions de personnes avant leur déportation. Lors de son premier mandat, Trump avait voulu utiliser l’armée pour écraser l’insurrection Black Lives Matter suite à la mort de George Floyd, mais il avait été stoppé par la bureaucratie d'Etat. S’il tente d’emprunter cette voie pendant son second mandat, il se retrouvera à nouveau en confrontation avec l’appareil d’Etat.
Stephen Miller — qui sera bientôt le chef adjoint de la politique et l’architecte de la « politique de séparation des familles » et du « bannissement des musulmans » pendant sa première administration — a évoqué l’utilisation d'anciennes lois bourgeoises, comme l'Alien Enemies Act (loi sur les étrangers de nations ennemies), pour accélérer le processus chronophage d’expulsion massive. Mais les tribunaux de la classe dirigeante comprennent probablement qu'utiliser un tel dispositif radical entraînera une réaction de la classe ouvrière, les incitant à saboter les tentatives de Trump d’employer la loi pour ses objectifs.
Pour l'internationalisme de la classe ouvrière !
Quoi qu’il fasse, les actions de Trump ne manqueront pas de provoquer davantage d’instabilité et de mécontentement. Le capitalisme et l’impérialisme américain en particulier sont en crise profonde. Réarranger les chaises sur un navire qui coule ne suffira pas à le maintenir à flot. Seule la lutte pour la révolution communiste internationale, qui dissoudra la nécessité inhumaine des frontières artificielles, de l’exploitation et de l’oppression, pourra résoudre la crise qui frappe notre classe.