Les premières actions syndicales contre le futur gouvernement sont derrière nous. La première grande action du 13 décembre à Bruxelles a rassemblé plusieurs milliers de militants des trois syndicats et de tous les secteurs économiques. Dans l'esprit des dirigeants syndicaux, l'action servait surtout à faire pression sur les négociations et sur le soi-disant parti ‘ami’, Vooruit. Un espoir vain qui ne peut que conduire au désespoir. Le parti de Conner Rousseau s'accroche plus à la N-VA de Bart De Wever qu'à sa base ouvrière et syndicale. Ce constat est clair depuis des années.

Arrêtez les supplications et les avertissements

Peu à peu, on comprend que le gouvernement Arizona ne poursuivra pas une politique de droite « ordinaire ». Les « avertissements » ou les « supplications » du sommet syndical n'y changeront rien. La fameuse note discutée par les négociateurs du gouvernement annonce un véritable carnage social.Un certain nombre de militants syndicaux suit de près les négociations et prend conscience du danger. Une autre couche, plus importante, de travailleurs a le sentiment diffus que le gouvernement veut leur faire manger du pain noir. Mais la portée des mesures n'est pas encore bien comprise. Au cours des prochaines semaines, il faudra prendre le temps nécessaire pour informer les travailleurs dans les entreprises, déconstruire les faux raisonnements et contrer la pénétration des idées ‘libérales’. Tout d'abord, grâce à des discussions individuelles avec les collègues, mais aussi et surtout par l'organisation d'assemblées générales démocratiques sur le lieu de travail pendant les heures de travail. Ces réunions ne doivent pas être à sens unique entre quelques délégués permanents d’un côté et des travailleurs ‘de base’ de l’autre. Le micro doit y être libre. Cela veut dire qu’il s’agit non seulement de pouvoir poser des questions mais aussi de partager librement des opinions. Ces réunions devront également discuter du type d'action syndicale à mener, de la stratégie générale à développer et des objectifs à atteindre.

Un plan d'action, vite !

Informer n'est qu'un aspect, nécessaire à la mobilisation des travailleurs. Il faut surtout un plan d'action clair, dans lequel les militants et la base ont confiance. Les travailleurs doivent se rendre compte que ce mouvement ira jusqu’au bout. Un tel plan d'action existait dans une large mesure en 2014 contre le gouvernement Michel. Il s’agissait d’un plan de grèves régionales allant crescendo pendant 6 semaines, puis culminant en une grève de 24h qui a paralysé tout le pays. Mais le sommet syndical a saboté cet élan en arrêtant ‘provisoirement’ le plan d’action en échange d'une promesse fallacieuse de « concertation » par le gouvernement.(1)

Aujourd'hui, un tel plan d'action n'existe pas. Il existe bien un vague calendrier consistant à mener des actions – dont le contenu n’est pas clair - tous les 13ème jour de chaque mois. Une chose est certaine : ce plan d’action laissera de marbre le futur gouvernement.

Le seul langage que le gouvernement et le patronat comprend est celui de la grève. Tout travailleur conscient le sait. Un plan d'action digne de ce nom doit donc d'abord et avant tout frapper les capitalistes à leur portefeuille. La grève du travail, l’arrêt de la production est l'outil par excellence pour y arriver. Seul l'arrêt de la machine à profit des patrons leur fait mal. Toutes les autres actions (manifestations, blocages de carrefours, occupations symboliques comme celle de la FEB) doivent certes servir à renforcer et populariser les grèves mais elles ne peuvent les remplacer.

Enseignements français

L’idée de mener des actions une ou deux fois par mois à date fixe a déjà été testée en France. Il y a un an et demi lors de la lutte contre l’augmentation de l'âge de la retraite, quelques 13 « journées d'action » se sont succédé pendant plusieurs mois sans que le gouvernement ne soit obligé de changer de cap. Une telle stratégie aboutit à l’épuisement des travailleurs en lutte. C'est la recette de la défaite. La seule stratégie qui a une chance de réussir est celle qui conduit à un mouvement de grèves ‘reconductibles’ ou illimitées dans le temps, en commençant par les secteurs économiquement vitaux. En France, on a vu comment quelques secteurs (comme celui de l'énergie) ont été les fers de lance de ce type de grèves. Les directions syndicales, la CGT y compris, ont refusé de s'engager dans cette voie et ont laissé ces secteurs se battre seuls. Nous pouvons en tirer des leçons pour la Belgique. Bientôt, même les travailleurs les plus conservateurs comprendront que ce gouvernement veut mettre en place une véritable boucherie sociale. Un plan d'action avec des grèves en crescendo culminant avec une grève générale « jusqu'au finish » est donc nécessaire. Pour nous, le « finish » n'est pas la promesse d'une « concertation » mais le retrait irrévocable de toutes les mesures antisociales. C'est un minimum. Nous ne devons pas nous faire avoir cette fois-ci, comme en 2014. Pour éviter cela, les militants syndicaux de gauche doivent travailler au contrôle démocratique des syndicats et surtout du sommet syndical.

Construire la combativité

On nous objectera que les travailleurs ne sont pas prêts à partir en grève ‘au finish’. C'est certainement le cas pour le moment. Mais la combativité se construit et nécessite un certain temps pour se concrétiser. La combativité ou l’absence de combativité de la classe travailleuse n'est pas fixée à tout jamais. C'est un élément dynamique et élastique de la lutte des classes. Ce qui est certain, c'est que c'est dans la lutte elle-même que la combativité se mesure. C’est en s’engageant dans la lutte que l’on peut le mieux s’en rendre compte. Il n'existe donc pas de baromètre social permettant d'évaluer la disposition à la lutte de la classe ouvrière depuis le bureau confortable d’un météorologue syndical.

Le président de la FGTB, Thierry Bodson, a raison lorsqu'il parle de la combativité dans l'enseignement francophone et dans le ‘non-marchand’. La manifestation du « non-marchand » a ainsi mobilisé plus de 30.000 personnes, soit un dixième du personnel du secteur. « Cela signifie que la mobilisation fonctionne », constate M. Bodson. Dans le même temps, il annonçait le 13 décembre une possible grève ou manifestation nationale ce mois-ci « si rien ne change » (2). Il devrait pourtant savoir que rien ne changera dans la trajectoire du prochain gouvernement. Il faut donc s'atteler rapidement à une première grève de 24 heures qui mette à l’arrêt tout le pays comme premier pas de ce plan.

 

1) Pour en apprendre plus sur les luttes contre le gouvernement Michel, lisez ceci https://marxiste.be/index.php/syndicats/430-bilan-de-6-mois-de-lutte-syndicale-contre-le-gouvernement-de-michel-i

2) Le Soir, 13 décembre 2024.

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