Sauf coup de théâtre, le gouvernement Barnier tombera demain ou jeudi. Un nouveau sursis ne pourrait venir que d’un recul du RN ou du PS, à la dernière minute. Or ces deux partis n’auraient rien à y gagner – et beaucoup à y perdre.

Depuis que Marine Le Pen a confirmé son intention de voter la censure, les journalistes de droite qui le déplorent lancent toutes sortes d’accusations contradictoires. Les uns reprochent à Michel Barnier d’avoir trop cédé à Marine Le Pen – pour rien, au final. D’autres, à l’inverse, reprochent au gouvernement de n’avoir pas tout cédé au RN.

En réalité, l’issue du marchandage de ces derniers jours ne dépendait pas vraiment de ce que le gouvernement était prêt à céder au RN. Les « lignes rouges » avancées par Marine Le Pen étaient autant de prétextes pour justifier une décision qui était déjà prise sur la base d’un constat simple et décisif : une très large majorité des électeurs du RN – 67 %, d’après un récent sondage – souhaitent la chute du gouvernement Barnier.

Comme nous l’expliquions lors du Congrès du PCR qui se tenait ce week-end : « C’est l’élément central dans les calculs de Marine Le Pen et de sa clique. C’est sa véritable “ligne rouge” – et non, comme elle le prétend, le “pouvoir d’achat des Français”. Le RN n’est pas disposé à mécontenter une large fraction de son électorat pour le compte du gouvernement Barnier. (…) D’après un sondage récent publié par Le Monde, 25 % des électeurs du RN considèrent que le NFP est le véritable opposant au gouvernement Barnier. Voilà ce que les dirigeants RN ne peuvent pas accepter indéfiniment. »

Nous ajoutions : « Après la chute du gouvernement, la pression va s’accroître brutalement sur l’homme le plus détesté du pays : Emmanuel Macron. Les dirigeants du RN et de la FI – entre autres – réclameront toujours plus fort la démission de Macron et l’organisation de présidentielles anticipées avant de nouvelles élections législatives. Et cette demande trouvera un large écho dans la masse de la population. Selon un sondage récent publié par BFM, 63 % des sondés souhaitent la démission de Macron si le gouvernement tombe. »

Pour une analyse détaillée de cette nouvelle étape de la crise de régime du capitalisme français, nous renvoyons le lecteur à l’exposé introductif de notre discussion sur les « Perspectives pour la France », lors de notre Congrès national de ce week-end. Nous y avons replacé cette crise politique dans son contexte général : celui d’une profonde crise et d’un irréversible déclin du capitalisme français.

Dans les jours qui viennent, les tractations iront bon train pour tenter de constituer un gouvernement capable de « tenir » dans le contexte d’une pression croissante des marchés financiers sur la dette publique française. Ceci exclut d’emblée la possibilité que Macron choisisse de nommer à Matignon Lucie Castets ou toute autre personnalité représentant l’ensemble du NFP. Comme ce fut déjà le cas cet été, Macron se tournera vers une personnalité dont les intentions austéritaires seront limpides.

Mais les mêmes causes produisant les mêmes effets, le prochain gouvernement, quel qu’il soit, sera aussi fragile que celui de Michel Barnier.

Concernant le prochain gouvernement et la lutte que le mouvement ouvrier devra engager contre lui, nous n’avons pas à changer une virgule – abstraction faite du nom du Premier ministre – à ce que nous écrivions en septembre dernier :

« L’extrême fragilité de ce gouvernement est évidente. Il est probable que le RN ne voudra pas indéfiniment abandonner au NFP le statut de seul “opposant” déclaré à Barnier et ses sbires. Les problèmes pourraient aussi surgir de l’intérieur du camp gouvernemental, sur fond d’ambitions présidentielles multiples et variées. Cependant, le mouvement ouvrier ne doit pas attendre que l’échafaudage parlementaire s’effondre sous le poids de la crise économique et de ses propres contradictions. La jeunesse et les travailleurs ont besoin d’un plan de bataille solide pour faire eux-mêmes chuter la clique gouvernementale – Macron compris – et la remplacer par un gouvernement qui défend leurs intérêts.

« Nous l’avons dit et répété : des “journées d’action” ponctuelles, comme celle du 1er octobre, n’ont jamais fait reculer d’un centimètre le moindre gouvernement bourgeois. La gauche et le mouvement syndical doivent préparer un vaste mouvement de grèves reconductibles impliquant un nombre croissant de secteurs. Nous ne disons pas que c’est facile à faire ; nous disons que c’est le seul moyen de vaincre.

« Par quoi remplacer le “gouvernement des riches” ? La “une” de ce numéro de Révolution répond : par “un gouvernement des travailleurs”. C’est un mot d’ordre à la fois général et précis. Il ne dit pas quelles forces politiques dirigeraient un tel gouvernement, mais il dit quelle classe sociale serait au pouvoir. Or c’est bien la question centrale. Seule la classe ouvrière, qui crée toutes les richesses, peut entraîner les autres couches opprimées dans une lutte décisive contre la bourgeoisie. Seuls les travailleurs au pouvoir pourront mettre un terme définitif aux contre-réformes et à l’austérité. Eux seuls peuvent exproprier les grands capitalistes et réorganiser la société sur la base d’une planification rationnelle et démocratique de l’économie. »

 

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