Dans la culture populaire, on a souvent l'image d’une IA (intelligence artificielle) qui se rebelle contre ses maîtres : Skynet de Terminator, GLaDOS de Portal, Ultron de Marvel, etc. Mais, en réalité, une IA qui irait contre ses concepteurs n’existe pas aujourd'hui. Les IA sont des outils faits pour suivre des instructions claires. Elles ne font pas plus que ce pour quoi elles sont programmées. Utilisée par des capitalistes, elle révèle leur idéologie cachée derrière leur propagande.
Dire que l’humain a le premier mot sur la machine est vrai. Mais penser qu’elle se contiendra une fois lancée est une absurdité, comme un marteau qui ne peut pas empêcher son utilisateur d’enfoncer un clou. Une IA est le reflet de ses concepteurs, de leurs pensées et préjugés inconscients.
L'hypocrisie selon laquelle la machine n’irait pas décider seule de la mort d'humains a éclaté depuis la guerre en Palestine. Les pays voisins d’Israël sont le grand laboratoire des savants fous de son armée, où ils élaborent les nouvelles technologies militaires israéliennes, américaines et européennes.
Creusons le sort que les militaires réservent aux civils. Le journal +972 révèle l’existence de trois IA actuellement utilisées par Israël :
- « Lavender » donne des listes de cibles à assassiner. Elle a identifié jusqu'à 37 000 cibles. Elles étaient généralement acceptées par les militaires sans vérification, ou du moins de manière largement insuffisante, malgré le fait que l'IA commet des erreurs dans 10 % des cas. L’humain est lent à décider, l'IA est rapide et l’erreur qui accompagne cette rapidité est tolérable pour Israël. L’armée tolère 15 à 20 victimes pour une cible mineure et plus de 100 victimes pour un commandant.
- « Where is Daddy » est utilisée pour traquer les cibles et effectuer un bombardement lorsqu'elles sont dans leur résidence familiale. Une personne n'a qu'une seule maison, alors qu'elle peut se rendre dans de nombreux endroits pour ses activités. La guerre en Palestine est une guerre asymétrique, c’est-à-dire une guerre de guérilla contre une armée régulière; il n’y a pas de base militaire à bombarder, seulement des bâtiments civils.
- « The Gospel » sert à marquer des bâtiments avec des activités suspectes.
L’attaque israélienne contre les civils n’est pas nouvelle. Auparavant, il pratiquait le bombardement indiscriminé, c'est-à-dire sans distinction entre militaire et civil. Par exemple, lors de la guerre de 2008-2009, où il a utilisé des bombardements au phosphore blanc. Mais aujourd'hui, ces bombardements sont dirigés par des IA. Non pas que l'IA permette d'épargner davantage de civils, bien au contraire, car le taux de morts civils est bien plus élevé aujourd'hui. Le bombardement sert à l'entraînement de l'IA et à une politique de terreur. On estime à près de 80 % le taux de morts civils en Palestine, soit plus que pendant la Seconde Guerre mondiale, où il était autour de 65 %.
La logique derrière cette froide horreur est expliquée en détail dans le livre The Human-Machine Team, publié en 2021 par l'actuel chef de l'unité 8200 de l'armée israélienne. Cette unité a la réputation d'être « la meilleure agence de renseignement technique au monde » selon le directeur des sciences militaires du Royal United Services Institute.
En lisant, on se rend compte du niveau de fanatisme libéral de cette équipe. Ils veulent atteindre ce qu’on appelle le 'temps de la singularité'. C'est une pseudo-science basée sur l'idée que la fusion entre l’humain et la machine va apporter une croissance infinie. Elle repose sur la théorie libérale de la création destructrice. Cette théorie explique qu'il faut pousser au maximum le chaos du marché pour susciter une lutte de tous contre tous et, selon eux, produire plus d'innovation. Faire le plus possible d'IA en concurrence et les meilleures sortiront toutes seules du lot. Bien évidemment, pour eux, tous les "dégâts collatéraux" sont acceptables. L’IA, ici, n'a pas pour but d'éprouver des sentiments ou de faire preuve d’éthique ; bien au contraire, on apprécie qu'elle ne soit pas perturbée par de tels soucis.
Leur plan n’est pas pour dans des années ; il a déjà commencé depuis des années. Leurs objectifs sont :
- L’automatisation du matériel militaire, y compris les armes, les véhicules et les drones.
- La transformation des infrastructures pour les adapter aux machines. Dans un avenir proche, il y aura des véhicules autonomes, des drones autonomes et des robots autonomes en masse.
- La construction d’une « zone intelligente » de protection des frontières, par l’édification d’un « mur de l'IA ».
Cela commence par la transformation de l’IA et l’expérimentation de masse dans la guerre. Par conséquent, selon eux, un grand nombre d’essai-erreurs est nécessaire pour le succès global de la destruction créatrice.
Impérialisme israélien
Ils affirment que le développement de l'IA pour la guerre est inéluctable, alors autant y être en premier : « nous n’avons pas le choix ». En effet, l’allié désigné est les États-Unis et les ennemis sont la Russie et la Chine. Gagner les guerres futures contre ces ennemis est l’objectif fondamental du projet. Contrairement aux guerres du passé, aujourd'hui il y a trop d'informations pour que les humains y fassent le tri. Avec l'IA, ils veulent essayer de manipuler l’information : « Aujourd’hui [...] les services de renseignement ont l’opportunité et la responsabilité de façonner et de transformer la réalité ». Ils veulent récolter des données par tous les moyens possibles pour déformer la vérité : les réseaux sociaux, les caméras, les téléphones portables, les drones, etc.
Cycle d'innovation agressif
Pour démarrer le processus de révolution technologique, Israël utilise un cycle auto- renforçant de trois acteurs :
- État : Il génère le cycle de renforcement entre le privé et le public, investit le capital initial et établit une politique qui pousse à l’innovation aggressive.
- Entreprises : Les entreprises d’IA et les « superpuissances des données », comme Amazon, Google, Microsoft et IBM, ont besoin de sections ou d’unités axées sur la fusion avec les organisations gouvernementales.
- Universités : Les laboratoires universitaires reçoivent leur budget de l’armée pour créer de nouvelles technologies militaires. Le gouvernement investit dans le monde universitaire, qui travaille avec l’industrie et le gouvernement. D’où l’urgence des luttes étudiantes pour couper les liens qui unissent, de près ou de loin, Tsahal et la recherche universitaire.
C’est un système d'innovation circulaire où le gouvernement donne du pouvoir au secteur privé. Puis le secteur privé renforce le gouvernement, les institutions de sécurité nationale et l'économie.
Le génocide était prémédité
À force de bombardements massifs, Israël a manqué de bombes et doit utiliser des bombes non guidées, qu’on appelle « dumb bombs » (bombe stupides), moins chères mais qui causent beaucoup plus de dommages collatéraux. Songer à bombarder un peu moins n’était-il pas une solution ? Il était évident pour les militaires israéliens que des IA expérimentales couplées à une guerre de la terreur allaient causer des pertes civiles inédites.
Cette pénurie s’explique par le fait que dès le début de la guerre, la majorité des attaques étaient décidées par IA. Il y avait beaucoup plus de cibles au début de la guerre. En avoir autant ne peut s’expliquer que si elles avaient été prévues d’avance. Bien avant l’attaque du Hamas, le génocide était programmé. Des Palestiniens vivaient avec une cible sur la tête, leur nom sur une liste.
La nécessité d’un monde socialiste
Ces génocidaires envisagent déjà plus de mille futurs possibles d’une guerre totale avec leurs rivaux capitalistes. Ils se fichent totalement des souffrances et des conséquences, aussi bien pour le peuple palestinien et libanais que pour leur propre peuple, le peuple israélien.
Les impérialistes ont déjà causé deux guerres mondiales et préparent les prochaines guerres. Au vu des dégâts causés par ces IA expérimentales dans le génocide en cours, les guerres utilisant ces technologies feront sans doute encore plus de morts.
Il serait absurde de reprocher à la technologie des IA les horreurs. Elles ne sont que des machines mises au service des décideurs. La raison de la guerre réside dans la rivalité capitaliste. À l’époque de sa mondialisation, la tendance générale est à la conquête de marchés et à la destruction de moyens de production afin de libérer les marchés saturés. Ce processus de guerre n'est que la conclusion logique de la concurrence entre pays et entreprises capitalistes. Comme le disent les marxistes : les guerres militaires ne sont que la continuité de la politique par d’autres moyens. Le capitalisme est fondamentalement conquérant. Ainsi, l'horreur d'aujourd'hui et celle de demain ne peuvent être empêchées que par le renversement du capitalisme.
L'IA a un potentiel immense dans tous les domaines. Elle devrait servir les intérêts de la population, remplaçant le chaos capitaliste par la stabilité d’une économie planifiée et socialiste. (Cet aspect est détaillé dans cet article).
Sources :
Iraqi, A. (2024, 25 avril). ‘Lavender’: The AI machine directing Israel’s bombing spree in Gaza. +972 Magazine.
YS, B. (2021). The Human-Machine Team: How to Create Synergy Between Human and Artificial Intelligence That Will Revolutionize Our World.
Goldstone, R. (2010). Report of the United Nations Fact-Finding Mission on the Gaza Conflict (Goldstone Report).