La Belgique bat son record du nombre d’incarcérés, avec une moyenne de 10 mois et une surpopulation atteignant 120 % dans certaines prisons. Dans des cellules de 9 m², le gouvernement va jusqu’à entasser 3 personnes, ajoutant juste un matelas au sol.
Le nouveau code pénal prétend résoudre ce problème, mais il ne fait que renouveler la domination d’une justice répressive, alors que, depuis le dernier code de 1867, les preuves scientifiques de son inefficacité sont incontestables.
Nombres de travaux de sociologues sur le sujet ont consisté à remettre en question la responsabilité individuelle. Le rapport délinquance-répression doit être vu globalement. Il est également permis de douter de la pertinence du processus de « réinsertion » dans une société qui jette dans la misère la plus noire les pauvres qui ont le malheur de passer par la case prison.
Qu’il s’agisse d’étrangers ou de Belges, le dénominateur commun des prisonniers en Belgique est bien la pauvreté. Elle implique une scolarité courte. Ainsi la probabilité de criminalité est accrue, et cela dès la jeune enfance.
La présence policière est nettement supérieure dans les quartiers populaires. Les jeunes sont alors fréquemment contrôlés, au point que cela devienne une habitude et complètement « normal » pour eux. Il en va de même pour les arrestations et les confrontations avec la police. « Tout le monde » accumule les petites condamnations.
La prison fait partie intégrante des discussions quotidiennes et est vu comme une fatalité parmi d’autres. L’État leur fait comprendre qu’ils sont et qu’ils resteront des rebuts de la société. Ils savent et intègrent qu’ils ont de fortes chances de passer par la case prison/TIG/sursis.
Une fois en prison, ils se retrouvent au milieu d’autres personnes ayant encore davantage intégré ce « mauvais » rôle social. Comme le disent les détenus qui en rigolent entre eux : « en prison tu rentres avec un bachelier en délinquance, et tu ressors avec un master en criminalité ! ».
Tous sont punis pour avoir essayé de sortir la tête de l’eau sans avoir pris le chemin légalo-légal de l’exploitation du travail. Et quand on sait le sort réservé à ceux que l’Etat abandonnent faute de moyens et aux travailleurs sans diplôme, l’exploitation brutale et les salaires minables qui les accablent, on s’étonne un peu moins que certains « dévient » vers les chemins tortueux de la délinquance et la criminalité. Ou encore que tant d’autres « se foutent en l’air » d’une manière ou d’une autre.
En réalité, ce qui leur est reproché est purement et simplement la conséquence d'une situation que l'État capitaliste leur a lui-même imposé. Comme le souligne Antoinette Chauvenet, directrice de recherche au CNRS : « La loi carcérale […] non seulement ne peut porter d’avenir, mais elle ignore le passé ».
Les mauvais traitements en prison sont permanents. Les conditions de détention ne sont qu’une forme accentuée de la répression contre la pauvreté. Une violence omniprésente est maintenue sous couvert d'ordre, de justice et de morale. Même les matons le disent et s’en plaignent, eux qui entrent régulièrement en grève du fait du manque de moyens pour la mise en place d’autres politiques carcérales.
En même temps que de pousser à bout les détenus, l’appareil judiciaire réprime les protestations et impose une « intégration » à sa société à marche forcée : le détenu doit proposer « un projet » et « arrêter les bêtises ». Il doit accepter l’exploitation du travail, accepter sa misère. On fait croire au prisonnier à une sorte d’accès à la « normalité » s’il coopère, mais bien souvent c’est un leurre car rien n’est mis en place dehors pour éviter « une rechute ».
À la sortie de prison, le retour chez soi signifie un retour aux mêmes conditions qui ont conduit en prison et qui, bien souvent, ramèneront en prison. En Belgique, il y a 60 % de récidive en moyenne. Le cercle vicieux cristallisé par la prison continue.
Le système carcéral sous le capitalisme est voué à l'échec sur le long terme. Le taux de récidive n’en est qu’une énième preuve de plus. Mais si l’on prend le point de vue de l’exploiteur capitaliste, faire plier l’échine des pauvres les plus récalcitrants à intégrer les normes joyeuses du monde travail est pour lui en soi une « réussite ». D’ailleurs les classes dirigeantes de bien des pays n’attendent désormais même plus la sortie de prison des détenus pour les remettre au travail puisque la plupart d’entre eux se voient (fortement) incités à travailler pendant leur incarcération. Pour beaucoup d’observateurs ce travail est considéré comme une forme parmi d’autres d’esclavage moderne légalisé.
Il n'y a rien à récupérer dans cette organisation carcérale. Il faut raser les prisons et non en construire de nouvelles comme à Haren, mais bien instaurer des institutions démocratiques axées sur l’intégration des individus à une société prête à les accueillir réellement, et surtout prête à leur fournir une alternative enviable au monde actuel duquel ils tentent de s’échapper, et à la coupe de poison que leur tend les milieux mafieux qui gangrènent partout le capitalisme. De toute urgence il est nécessaire de mettre sur pied le socialisme qui jettera la base matérielle d’une société où l’idée même de délinquance aura disparu.
(La maxi prison de Haren pourra accueillir pas moins de 1200 détenus. Un grand pas de plus vers la logique répressive...)