Selon Oxfam, la richesse collective des familles Ferrero et Mars a grimpé à 160,9 milliards de dollars en 2024, dépassant ainsi les PIB additionnés des principaux pays producteurs de cacao, la Côte d'Ivoire et le Ghana (respectivement +- 70 milliards chacun). Voilà le triste bilan d’années d’exploitation brutale des petits producteurs locaux du monde néocolonial par les capitalistes occidentaux.

De la poudre aux yeux

La commercialisation du chocolat est le summum du commerce inéquitable selon les ONG. Une dizaine de multinationales concassent des millions de cultivateurs et aveuglent des milliards de consommateurs. Des cabosses au chocolat, le processus de transformation est un goulot d’étranglement qui vend du plaisir sur le dos de la misère des habitants de la « ceinture de cacao ».

Les pays producteurs d’Afrique représentent 70% de la production mondiale. Les conditions d’exploitation y sont exécrables. Les salaires sont dérisoires, le travail forcé y est la base, des enfants sont traités comme de véritables esclaves. Les forêts tropicales sont décimées pour créer de nouvelles plantations car c’est moins cher que d’entretenir les anciennes. L’éléphant, symbole de la Côte d’Ivoire, premier pays producteur mondial de cacao, disparait faute d’habitat. Il n’en reste plus que 10% de sa surface initiale.

Lorsque les marques qui nous vendent du chocolat sont confrontées à ce bilan désastreux, elles répondent toutes en cœur qu’il faut acheter “leur” chocolat pour y remédier car il est « certifié », « labelisé ». Et que grâce à cela de grandes choses sont mises en place pour aider les producteurs.

En réalité la plupart de ces labels sont purement et simplement de la poudre aux yeux et sont dénoncés régulièrement par les associations de défense des producteurs. Pour remédier aux problèmes liés à la production de chocolat, un bon moyen serait simplement d’augmenter le revenu des petits producteurs. Mais les marques s’y refusent alors que cela n’impacterait pas forcément le prix de vente puisque sur une tablette de chocolat, environ 7 % seulement du prix payé par les consommateurs revient aux planteurs.

Partout des entreprises occidentales bien connues comme Léonidas emploient des biens jolis mots tels que « cacao durable » ou « pour un monde meilleur » ou encore « protection des enfants » etc. Pourtant, le célèbre chocolatier belge distribue des millions d’euros de dividendes sur le dos de cacaoculteurs maintenus dans la pauvreté. Quasiment aucun cacaoculteur ne gagne un revenu vital en Afrique. En Côte d’Ivoire, 88 % des planteurs de cacao certifié Fairtrade (!) gagnent moins qu’un revenu vital et 43 % sont sous le seuil d’extrême pauvreté.

D’après une récente étude de l’Université de Chicago, 1,56 million d’enfants travaillent dans les cacaoyères de Côte d’Ivoire et du Ghana, dont 95 % effectuent des tâches dangereuses (manipulation de pesticides, horaires de nuit, etc.). Certains sont même vendus comme esclaves. On sait également que depuis la pandémie le travail des enfants a augmenté.

Le problème n’est pas d’être certifié ceci ou cela, le problème est que les certifications les plus connues, telle que la « Rainforest Alliance » ou « Cocoa Horizons » & « Cocoa Plan », n’engagent que très peu ceux qui les arborent. Tout au plus il est demandé au producteur local de « s’améliorer » et des grands phrasés vides de sens sont ajoutés partout sur les sites web et les dépliants de ces « certifications ». Partout les ONG constatent un contraste fort entre les promesses d’action et la réalité sur le terrain.

La logique même du capitalisme empêche tout changement sérieux

Sur le terrain, c’est d’abord la concurrence entre les colosses de ce marché hyper-concentré qui dicte les conduites. En effet, entre les millions de cacaoculteurs et les milliards de consommateurs de chocolat dans le monde, une dizaine de multinationales à peine fixe les règles du jeu : Barry Callebaut, Cargill ou Olam, qui règnent sur le négoce et la transformation des fèves, ainsi que des fabricants de produits chocolatés comme Nestlé, Mondelez ou Ferrero. Nestlé qui, par exemple, a quitté le label Fairtrade au profit du label Rainforest Alliance car Fairtrade a augmenté le montant minimum qu’il réclame d’allouer au producteur pour être certifié chez lui.

Faute de demande, les coopératives cacaoyères d’Afrique de l’Ouest ne vendent généralement qu’une portion de leur production en tant que cacao certifié, qu’il s’agisse de la certification Fairtrade, Rainforest Alliance ou même bio. De plus, leur gouvernance est souvent peu démocratique et il n’est pas rare que les équipes dirigeantes détournent les bénéfices du label pour leur profit personnel. Enfin, même si Fairtrade est l’un des seuls à fixer un prix minimum à payer aux cacaoculteurs, ce prix est tellement bas que, certaines années, il est moindre que les prix du marché conventionnel (et n’est donc pas activé).

Les solutions

En 2018, le gouvernement fédéral belge, les principaux producteurs de chocolat du pays, la grande distribution, des syndicats, des universités, des investisseurs et des ONG ont conclu un partenariat appelé Beyond Chocolate.

Mais étant donné que les objectifs fixés sont non contraignants et ne reposent que sur la bonne volonté des acteurs, il est légitime de questionner le futur éventuel succès de ce partenariat. D’autant plus si tous les labels, les plus honnêtes comme les plus malhonnêtes, sont mis dans le même sac.

Avec l’apparition de ces « labels » et autres certifications, le capitalisme vert entre dans une nouvelle phase de sa conquête de l’hégémonie culturelle : celle du greenwashing, du socialwashing, du pinkwashing... et du "labelwashing".

Les solutions sont ailleurs, elles résident dans une transformation radicale de la société grâce à une sortie du capitalisme qui permettra d’en finir avec le gavage permanent des actionnaires de cette industrie si rentable en même temps qu’elle permettra de nourrir correctement ceux qui sont pliés en deux toute l’année pour produire nos friandises chocolatées. Et de mettre fin une bonne fois pour toute au travail des enfants et au travail forcé dans le monde néocolonial (ou ailleurs).

 

 

Sources :

https://fortune.com/europe/2024/04/24/chocolate-cocoa-prices-inflation-wealth-mars-ferrero-gdp-ghana-ivory-coast-farmers/

https://tchak.be/index.php/2022/04/02/leonidas-cacao-rainforest-cocoa-fairtrade-label/

https://www.youtube.com/watch?v=VJYy8k62JuE&t=77s

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