Notre antiracisme est politique. Notre antifascisme est politique.
En tant que marxistes nous allons expliquer le racisme non pas comme un problème d’individu, mais comme une idée qui émerge du contexte matériel qui l’a fait naître.
Il y a quelques jours se sont produites les pires émeutes racistes de l’histoire récente du Royaume Uni voire même d’Europe.
Des personnes, des musulmans surtout, mais aussi des migrants africains, ont été prises pour cible arbitrairement, aveuglément, alors qu’ils et elles n’avaient strictement rien fait. Des mosquées ont été attaquées, des centres d’hébergement pour migrants également et certains ont été incendiés, des commerces ont été pillés. Un commissariat a même été attaqué et incendié également. Des femmes musulmanes ont été aspergées avec de l’acide, des gamins ont été roués de coups.
Ces faits qui jusque-là étaient cantonnés localement à des petits groupes actifs dans une seule ville par-ci par-là, sont devenus avec les émeutes récentes un mouvement qui a émergé au même moment dans plusieurs villes d’Angleterre et d’Irlande. Ces émeutes se sont également propagées sur plusieurs jours voire une semaine entière.
Pour retrouver dans l’histoire un tel mouvement de haine à l’égard d’une communauté, il faut remonter aux attaques contre les juifs dans les années 20-30-40. Et pas forcément en Allemagne d’ailleurs, mais bien également en Angleterre où l’antisémitisme était vraiment très présent comme dans toute l’Europe, ou même aux USA.
Le point de départ des émeutes racistes
Les émeutes font suite à un acte criminel commis par un Anglais chrétien d’origine rwandaise de 17 ans qui a tué 3 fillettes de 7 à 10 ans et a blessé une dizaine d’autres personnes avec un couteau de cuisine à lame incurvée lors d’un festival de danse pour enfants dans une ville du Nord-Ouest de l’Angleterre, à Southport.
Mais alors pourquoi est-ce que les Anglais racistes s’en prennent à des musulmans ? Bien parce que des « influenceurs » et des personnalités d’extrême droite comme Tommy Robinson, Nigel Farage ou Andrew Tate, ont directement relayé des fakes news sur l’origine, la nationalité et la religion de l’assaillant (qui a pourtant rapidement été arrêté et va être jugé).
Dans la foulée, des groupes d’extrême droite comme l’EDL (English Defence League) et la PA (Patriotic Alternative) en ont profité pour répandre leur venin et mobiliser leurs troupes dans la rue.
Des milliers de personnes se sont rassemblées, dans des dizaines de villes. Comme déjà dit, devant des mosquées, devant des centres d’asile, mais même devant Downing Street (les bureaux de l’administration du premier ministre). Les mobilisations ont été bien au-delà des cercles traditionnels de l’extrême droite.
Il y a eu des centaines d’arrestations, dont 110 rien que devant Downing Street. La ministre de la police a prévenu que les tribunaux pourraient fonctionner de nuit.
Pendant que les gens qui ont écouté les appels des « influenceurs » d’extrême droite sont en prison en attendant d’être jugé, ces influenceurs ont été surpris en train de prendre des vacances dans des hôtels 5 étoiles.
Les slogans « stop the boats » et « we want our country back » ont dominé ces rassemblements. Les musulmans qui vivaient déjà dans la peur de se faire agresser depuis un moment, sont, depuis les émeutes, terrorisés et anxieux en permanence. L’ambassade d’Indonésie (le plus grand pays musulman) a même donné des consignes à ses ressortissants en leur demandant d’éviter les lieux où il pourrait y avoir des rassemblements.
La réaction des autorités
Malheureusement pour elles, même si c’est la « gauche » (le Labour) qui a gagné les élections et qui est au pouvoir depuis un mois, les personnes visées par ces rassemblements racistes ne peuvent aucunement compter sur le gouvernement et les partis bourgeois pour les défendre. Ceux-ci ont en effet largement montré à quel point ils pouvaient eux-mêmes être extrêmement durs avec les migrants et les musulmans. Les partis traditionnels en Belgique ou en France ont montré la même attitude ces dernières années.
La police procède à des arrestations, des emprisonnements, mais l’histoire récente de l’Angleterre (comme la nôtre ou celles de France et des USA) montre à quel point cette police bourgeoise est elle-même extrêmement raciste, sexiste et violente.
Il n’y a rien à attendre d’elle non plus.
La seule façon pour que ces rassemblements aient une issue favorable est la mobilisation de la classe ouvrière : syndicats, organisations révolutionnaires et antifascistes. C’est le seul moyen d’étouffer l’incendie avant qu’il n’embrase tout le Royaume-Uni.
Ce genre d’émeutes racistes constitue un signal fort qui normalement devrait largement « réveiller » les directions des partis traditionnels et des syndicats. Les directions syndicales ont réagi très timidement et avec plusieurs jours de retard à la violence racistes de l’extrême droite. A l’exception du syndicat des postiers qui a directement appelé ses membres à venir à l’aide des communautés attaquées. Sous la pression par contre de la base, plusieurs syndicats ont mobilisé leurs membres contre des nouvelles attaques annoncés le 7 octobre. Avec succès car dans de nombreuses villes les contre-manifestants antiracistes étaient jusqu’à 100 fois plus nombreux que les hooligans fascistes.
On voit aussi que ces mouvements, ces émeutes, ne sont pas non plus des mouvements de masse qui seraient éventuellement capables de prendre le pouvoir dans un avenir proche et d’instaurer le fascisme. Pour le moment, ces groupes sont trop désorganisés, trop divisés, trop petits et minoritaires pour arriver à prendre le pouvoir en Angleterre, ou même en France, USA…
Mais ces groupes et ce mouvement représentent malgré tout un très grand danger pour les personnes qu’elles ciblent en priorité : les migrants et les musulmans.
Ils doivent être pris au sérieux et combattus correctement.
Car il est possible, si on ne fait rien, que les Andrew Tate, Nigel Farage, Tommy Robinson, etc., finissent par convaincre encore davantage de personnes de rejoindre les rangs de l’extrême droite et les radicalisent vers la pensée fasciste.
On voit d’ailleurs que les émeutes de ce type, même si elles étaient plus petites et moins généralisées par le passé, sont en constante augmentation sur les dernières années.
Il serait très facile pour le mouvement ouvrier organisé d’éteindre cet incendie et de faire en sorte que la peur change de camp. Il lui suffit de se mobiliser pour chasser les racistes et les fascistes des rues.
Mais pour le moment ce n’est pas encore ce à quoi nous assistons en Angleterre. Des organisations antiracistes connues comme la STUR (Stand Up To Racism) se contentent d’appeler ‘à la paix’ et ‘à l’unité’ et son dirigeant demande même simplement qu’il y ait juste plus de policiers dans les rues.
La bourgeoisie de son côté fait ce qu’elle a toujours fait, elle essaye de tourner chaque crise à son avantage.
Plus de policiers dans la rue fait d’ailleurs très bien son affaire, puisque le gouvernement de Keir Starmer joue évidemment la carte du sécuritaire pour « résoudre » le problème des émeutes d’extrême droite.
Tous ces policiers en plus, ces caméras, ces moyens de ficher et réprimer, lui serviront demain pour réprimer les jeunes de banlieues lorsqu’ils se soulèveront suite à des violences policières ou pour réprimer un mouvement social ou syndical.
Comme à chaque fois, les bourgeois s’attaquent aux conséquences et pas aux causes. Et ils le font uniquement dans leur intérêt de classe.
La réponse des dirigeants capitalistes est : toujours plus de répression et de contrôle. Toujours moins de droits démocratiques pour les travailleurs.
Tout cela ne change absolument rien aux problèmes, qui persistent et sont même amplifiés par ces mesures, mais cela fait bien les affaires de la classe capitaliste qui exploite tout le monde.
Les causes profondes de ce mouvement
Tous ces problèmes sont en réalité le fruit de l’aliénation que produit la société capitaliste chez des millions de travailleurs pauvres.
Au lieu d’essayer de s’attaquer aux causes des maux des plus précaires, immigrés comme autochtones, la bourgeoisie et ses médias s’empressent d’individualiser le problème en remettant la faute sur les fakenews, et même (fait nouveau) sur l’intelligence artificielle… Montrant ainsi qu’ils n’ont absolument rien compris.
Nous nous ne sommes pas dupes, nous dénonçons clairement le fait que les émeutes anti migrants et anti musulmans ont été encouragées par des années de rhétorique raciste et divisante de la part de politiciens de la classe dirigeante comme Boris Johnson et Suella Braverman, qui sont maintenant rejoints par Starmer.
À cela s'ajoute le fait que des couches entières de la population ont été plongées dans le désespoir par des décennies d'austérité, de désindustrialisation et de négligence. Ce n’est pas une coïncidence si les premières émeutes de ce genre ont d’abord éclaté dans les villes les plus touchées par les délocalisations et l’austérité. Où le taux de chômage est très élevé. Où les centres de loisirs, les clubs de sport, les lieux de cultures et de rencontres comme les pubs, etc. ont fermé un à un. Laissant les populations avec un sentiment d’abandon et une perte d’espoir dans un meilleur avenir.
Le scorbut et le rachitisme ont même fait leur retour en 2023 en Angleterre du fait des problèmes de malnutrition ! L’espérance de vie recule. Les services publics comme les soins de santé sont de plus en plus défaillants… L’école est en lambeaux. Il n’y a quasiment plus de loi de protection du travail. Bref un bon bilan de plusieurs dizaines d’année de néolibéralisme : une classe ouvrière largement déclassée et abandonnée.
C’est le même phénomène que le sociologue français Benoît Coquard a décrit et étudié dans son très bon livre/thèse sur l’origine du vote RN dans les campagnes :
(https://www.blast-info.fr/emissions/2024/vote-rn-plongee-dans-la-france-des-campagnes-I8QXa-HET4-33WPCgyjrZw )
Tout cela ne laisse rien présager de bon pour la France, mais également pour la Belgique où encore tout récemment, le premier juillet dernier, un groupe d’extrême droite (le « Voorpost ») a attaqué un centre d’hébergement d’urgence pour migrants où résident notamment des femmes et des enfants en situation de détresse accrue.
En réalité ce sentiment domine un peu partout avec la crise grandissante du capitalisme depuis les années 70-80 et surtout depuis 2008 avec l’austérité et maintenant encore plus avec l’inflation post Covid et les fermetures à répétition d’usine, en Belgique comme ailleurs, à cause de la récession qui vient.
Ce désœuvrement s’exprime aussi dans une colère grandissante dans les masses ouvrières. Aussi bien vers la droite, que vers la gauche. Même si pour le moment c’est surtout à droite (mais ça pourrait très vite basculer).
On a vu des poussées (que les bourgeois appellent ridiculement « populistes ») à gauche avec Sanders, Corbyn, Mélenchon, ou même dans une certaine mesure avec le mouvement pour la Palestine qui dépasse beaucoup de frontière et fait le lien avec beaucoup de problème du quotidien des plus pauvres et des musulmans.
Mais aussi à droite avec le Brexit, Trump, Lepen, Bardella, Milei en Argentine, etc etc.
Les dernières émeutes en Angleterre ne sont qu'une forme amplifiée du même processus sous-jacent : le pourrissement du capitalisme britannique, la colère contre l'establishment libéral et la polarisation de la société qui en résulte.
La droitisation des partis de droite (comme chez nous et en France) sont les premiers responsables, avec les projets les plus fous qui sont mis en avant comme la réimmigration des primo-arrivant au Rwanda !
Les conservateurs et les médias dominants ont également attisé des guerres culturelles sans fin, afin de diviser la classe ouvrière et de détourner de la responsabilité du capitalisme dans cette crise profonde et permanente que nous vivons tous. Cela a encore renforcé la menace de l'extrême-droite.
Les dirigeants bourgeois de droite, mais malheureusement aussi de « gauche », sont responsables de cette situation, par exemple lorsque Keir Starmer dit qu’il va « mettre fin à l’immigration pour améliorer le sort des Anglais » ne faisant qu’attiser les préjugés racistes et diviser la société anglaise.
Il y a quelques mois une sortie de Paul Magnette complètement affligeante pour appeler à plus de fermeté pour appliquer les OQT n’avait pour résultat que davantage de stigmatisation des migrants en Belgique, avec le résultat qu’on connait…
En faisant cela, non seulement ces gens ne résolvent rien du tout, mais en plus ils préparent le retour de la droite ou pire de l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir un peu partout.
C’est bien connu : les gens préfèrent l’original à la copie !
Ce genre d’attitude permet à l’extrême droite de se profiler comme la « vraie alternative » aux soi-disant problèmes de l’immigration.
Remettre l’autodéfense populaire de masse à l’ordre du jour
Pour les personnes musulmanes et les migrants, la répression commence à être vraiment récurrente :
- Ils subissent du racisme et des contrôles au faciès régulièrement
- Ils sont réprimés violemment lorsqu’ils prennent la rue pour la Palestine
- Et maintenant ils sont attaqués physiquement par des lyncheurs racistes
Certaines communautés sont déjà passées à l’action. Des minorités asiatiques musulmanes et des musulmans arabes organisent une autodéfense populaire, protègent les mosquées et vont au clash avec les lyncheurs.
On voit que se met en place une unité dans la rue des minorités musulmanes et des groupes de militants antiracistes (dont nos camarades anglais) pour chasser et traquer les fascistes pour que la peur change de camp.
Nous sommes très clairs : ces communautés ont le droit de se défendre de tous les moyens nécessaires.
Ce n’est pas la première fois dans l’histoire du Royaume Uni que des émeutiers racistes sont combattus dans la rue. Il y a eu des batailles rangées durant les années 70 entre des fascistes d’un côté et immigrés et militants de gauche de l’autre. Mais également en 1936 lorsque les socialistes, les communistes, les syndicalistes, les dockers et les juifs d’Angleterre ont barricadé les quartiers ouvriers rouges et les quartiers juifs pour empêcher les fascistes d’y pénétrer (la fameuse bataille de Cable Street).
En fait à chaque grande période de crise, ce genre de choses se reproduit un peu partout sous différentes formes : lois racistes, attaques de l'extrême droite, émeutes, expulsion, sans-papiers à qui on refuse des droits (comme en Belgique lors des récentes grèves de la faim des sans-papiers), etc.
Ces leçons du passé nous inculquent que la première des réponses est l’action directe militante sans compromis pour casser la dynamique fasciste PAR LA FORCE.
À chaque fois que ce genre de chose se produit, le mouvement ouvrier organisé doit montrer sa solidarité et agir immédiatement. Il doit également essayer de montrer par la force du nombre sa domination.
Trotsky lui-même disait :
« La technique est très simple : saisir chaque fasciste ou chaque groupe isolé de fascistes par le col, faire en sorte que leur tête rencontre le trottoir à quelques reprises, les dépouiller de leurs insignes et documents fascistes et, sans aller plus loin, pour les laisser avec leur frayeur et quelques bonnes marques noires et bleues. »
Mais l’action directe de masse ne pourra malheureusement pas suffire sur le long terme. Nous ne voulons pas d’un cycle sans fin de bagarre avec les fascistes, nous voulons qu’ils finissent par disparaître à jamais de nos sociétés !
Pour vraiment se débarrasser de l’extrême droite, il faut allier la lutte de terrain avec la mise en avant d’un programme socialiste et révolutionnaire. En Angleterre (tout comme ailleurs) on voit bien comment les partis d’extrême droite utilisent les problèmes du capitalisme à leur avantage : ils parlent du manque d’emploi, du manque de logements, du manque de services publics pour essayer d’obtenir plus de soutien de la part des Anglais dans la misère pour tourner la colère vers les immigrés, les musulmans et les autres minorités, avec un programme réactionnaire.
Un nouveau problème est que les autres partis, du fait de leur électoralisme patenté, finissent aussi par jouer sur cette rhétorique nauséabonde pour essayer de capter les voix qui vont vers l’extrême droite.
Tous ces partis favorisent ainsi des politiques de bouc émissaire qui visent à essayer de rendre responsable les plus précaires, les migrants ou un autre groupe social opprimé, des problèmes liés à des années d’austérité et au fonctionnement journalier du capitalisme.
La solution réside dans un changement radical de société !
Il est plus que nécessaire de mettre en avant un programme d’investissement dans les services publics, et ce au lieu d’inonder d’argent public la machine génocidaire israélienne comme le fait, par exemple et entre autres, l’Angleterre.
Pour donner à tous un confort de vie, un avenir décent, un accès aux études, un emploi socialement utile, un revenu convenable…
Nous avons besoin de créer une société où il fait meilleur vivre, où on a tous plus de loisir, de temps libre, de liens sociaux de partage et d’échange…
Dans nos sociétés occidentales il y a bien assez d’argent pour mettre en place tout cela, mais c’est une minorité de capitalistes qui accapare cet argent. Et malheureusement ils s’en servent pour bombarder des pays pauvres, ne générant ainsi que davantage de migration, de misères, de chaos… dans le monde.
Ils détruisent également les écosystèmes, génèrent des famines, des conflits dans leur propre intérêt pour garder la main sur les ressources.
Ils mettent en place des dictateurs juste pour pouvoir vendre plus facilement ce qu’ils produisent en exploitant les travailleurs et la nature.
Le jour la classe des travailleurs et des travailleuses réussira à exproprier ces parasites capitalistes pour redistribuer et gérer l’économie dans l’intérêt du plus grand nombre, nous commencerons à nous donner les moyens de résoudre bien des problèmes : celui des migrations forcées, comme celui des remontées incessantes de l’extrême droite propres aux sociétés capitalistes !