La belle saison revient et avec elle les nombreux ouin-ouins des patrons de l’Horeca en France comme en Belgique. Ils se plaignent qu’ils « n’arrivent plus à recruter » et que « plus personne ne veut travailler, surtout les jeunes ». Mais est-ce pour autant un problème de mentalité chez les jeunes travailleurs ?
Un petit patron, invité sur le plateau de la chaîne RMC du milliardaire français Patrick Drahi, a même été jusqu’à user de la plus grande subversion en proclamant haut et fort que le patron « est devenu l’esclave de ses employés ».
Mais qui est réellement l’esclave de qui ?
L’esclavage au travail ?! parlons-en : les conditions de travail dans l’Horeca sont objectivement catastrophiques :
- Le travail au noir y est très présent : 20% des travailleurs font du noir en Belgique. Nous retrouvons la plupart d'entre eux dans le secteur de l'horeca, nous dit Jobat.be
- Les horaires sont parmi les plus contraignants du monde du travail : 2 services généralement longs avec une coupure entre les deux pendant laquelle on a le temps de rien faire du tout, le tout pour une journée de travail extrêmement longue et fatigante… À cela s’ajoute le travail le week-end et parfois les jours fériés. Selon une étude scientifique, les travailleurs de l’Horeca seraient plus enclins à souffrir de burn-out.
- Le stress au travail est permanent : plusieurs études dans le monde placent les métiers de la restauration dans le top des métiers stressants.
- La contrainte physique use les corps des travailleurs du secteur : débout toute la journée à déplacer des objets sur des distances qui peuvent se compter en kilomètres, des mouvements répétitifs, des charges lourdes, les métiers du secteurs sont également répertoriés parmi les métiers les plus « désagréables ».
- La charge mentale est conséquente : lors d’un service, que ce soit en cuisine, au bar ou en salle, il faut penser à tout, tout le temps.
- Le sexisme et les blagues lourdes sont parfois le seul « bonus » que les travailleuses du secteur reçoivent…
- La soumission à la hiérarchie est forte en l’absence de contre-poids syndical : ce genre de job s’effectue souvent dans des petites boites où le travail syndical est par conséquent absent, laissant les travailleurs à la merci de l’arbitraire de la volonté du (petit) patron. Avec les nombreuses conséquences que cela peut avoir, comme un turn-over incroyable dans certaines entreprises du secteur. Ce n’est pas un hasard.
- Les missions sont courtes et mal rémunérées. Les salaires du secteur sont 22% moins intéressants que pour le reste des autres secteurs.
Ne pas confondre « serveur » et « serviteur » …
Nul doute qu’avec ce florilège de conditions de travail le secteur soit « victime de pénuries ». Nul doute non plus que les patrons du secteur reçoivent ce qu’ils méritent et ce qu’ils ont semé lorsque le marché de l’emploi était en leur faveur avec plus de demandeurs que d’offres.
À l’ère du « big quit » que nous connaissons depuis un moment, la jeunesse et les travailleurs ne sont plus aussi malléables, exploitables et faciles à duper que par le passé. Peut-être aspirent-ils simplement à une vie plus digne et à des conditions de travail moins pénibles qui ne briseront pas leur corps et leur esprit en seulement quelques années de travail ? Choses que visiblement le capitalisme ne peut leur offrir.
Un système obsolète
Manger hors domicile est devenu de plus en plus un privilège. Même ceux qui peuvent se le permettre se plaignent de l’augmentation conséquente du prix du verre et de la nourriture.
Le ‘business’ modèle de gestion des charges de travail est délétère pour la majorité des travailleurs.
Produire de la nourriture, servir les clients, entretenir le lieu de travail, refaire les stocks, etc., dans des conditions d’une pénibilité sans nom pour un salaire dérisoire, parfois en noir... Regarder le propriétaire du moyen de production en question empocher l’argent assis et acheter ses prochains billets d’avion grâce au fait qu’il vous sous-paye malgré ses marges. Voilà en quoi consiste dans les grandes lignes le modèle capitaliste de la restauration.
Dans le même temps les restaurants qui font partie d’une grande chaîne sont de plus en plus nombreux et leur chiffre d’affaires représente presque la moitié du secteur. Les plus petits gestionnaires sont alors mis sous pression par des grandes entreprises pour augmenter leur rentabilité.
La crise du Covid et l’augmentation des prix de l’énergie ont poussé nombre d’indépendants à mettre la clé sous le paillasson. C’est aussi ça la réalité des petits exploitants. Mais le ‘petit indépendant’ n’est pas pour cela moins capitaliste et exploiteur que celui adossé à une grande chaîne.
Pour une restauration socialiste !
Nous y gagnerons tous lorsqu’une société socialiste aura socialisé le mode de production de nourriture et de boissons (de la ferme jusqu’à la distribution en passant par la transformation). A cela s’ajoutera l’expropriation des grandes chaînes de restauration mais il n’en sera pas de même pour la petite ferme, le café du coin, le snack ou le resto de quartier pour autant, qui dans une société socialiste bénéficieront d’aides pour exister.
La promotion de coopératives ou d’entreprises publiques de restauration dans les quartiers entre autres par des prêts bon marché, des centrales publiques d’achat, deviendra alors l’alternative. Celle-ci offrira à la fois un service respectueux des travailleurs du secteur et des prix réellement démocratiques car décidés démocratiquement par ces travailleurs autogestionnaires de leur boite et par le reste de la société. Chacun y trouvera son compte car les bénéfices, actuellement captés par une minorité d’actionnaires, iront dans les caisses de la collectivité. La société ne sera plus axée sur la notion de profit, mais sur celle de la satisfaction des besoins de tous.
Le « big quit », le refus des mauvaises conditions de travail, les luttes syndicales et les mouvements sociaux de demain nous amèneront-ils des cantines collectives abordables et un service de restauration agréable pour tout le monde ? La lutte collective mettra notre avenir entre nos mains. Mais dès à présent nous pouvons déjà être sûrs d’une chose : le capitalisme pourrit tous les aspects de notre vie, au travail certainement, mais également jusqu’à nos loisirs, nos sorties, et nos vacances.