La coalition rêvée du patronat est devenue réalité. Après huit mois de négociations, les partis de l'Arizona ont enfin conclu un accord. Il se lit comme un catalogue d'horreurs. Une horreur pour la classe ouvrière et tous les groupes opprimés. Pour la classe ouvrière avec ou sans papiers, car plus que jamais, ce gouvernement veut nous diviser en intensifiant l'attaque contre les migrants et les réfugiés. Le patronat, lui, jubile.
Voici ce qu'en pense Pieter Timmermans, CEO de la FEB : « C'est déjà un tour de force de la part du formateur de réconcilier les courants politiques divergents tout en intégrant de profondes réformes socio-économiques dans l'accord. » Les patrons ne croient pas la propagande officille qui prétend qu’il s’agit d’un accord équlibré.. En effet, seulement 4% des économies tombe sur le dos des plus riches.
Comeos, la fédération du commerce et des services, se dit « particulièrement satisfaite que le nouveau gouvernement reconnaisse enfin les défis du secteur du commerce en Belgique et mette sur la table une véritable réforme du marché du travail. Cette réforme est cruciale pour la croissance du secteur du commerce en Belgique. L'accord de coalition contient des mesures prometteuses qui peuvent avoir un impact positif évident. Les « grossistes » pensent sans doute avant tout à la suppression de l'interdiction du travail du dimanche et du travail de nuit à partir de minuit au lieu de 20 heures. La porte est désormais grande ouverte à la société du « 7/7 » et du « 24/24 » comme en Grande-Bretagne. Une profonde régression sociale va s'amorcer.
Armemement versus pensions
Ce gouvernement sera aussi le plus militarisé depuis la fin de la guerre froide. « Des milliards de dépenses sociales seront détournés au profit de l'armée et des fabricants d'armes », analyse le mouvement pacifiste Vrede. Ces dépenses pour une vaste gamme de jouets guerriers seront également financées par la poursuite de la vente d'entreprises publiques. Un « référent militaire » expliquera dans les écoles ce que fait la « Défense et comment elle contribue à la paix internationale et à notre sécurité ». La militarisation de l'esprit des jeunes dans les écoles sera ainsi engagée. Cette mesure s'inscrit dans le cadre d'un plan visant à diffuser une « culture de la sécurité ». En réalité, la « culture de la sécurité » dont parle le gouvernement est plutôt une « culture de la guerre ».
Avec la « politique migratoire la plus dure jamais adoptée », ce sont les plus faibles qui seront touchés. En particulier, les personnes qui fuient la guerre seront laissées pour compte.
Ainsi, l'Arizona tente de fomenter le racisme et de diviser la classe ouvrière.
Il y a un vieux dicton dans le mouvement syndical. « Quand le patron rit, les travailleurs pleurent ». À en juger par les réactions de toutes sortes d'entrepreneurs, nous pouvons être sûrs que nous en paierons le prix.
Austérité XXXL
L'accord de coalition n'est pas une simple continuation des politiques d'austérité des gouvernements précédents. Il s'agit des mesures d'austérité les plus sévères depuis les années 1980, depuis les gouvernements Martens-Gol. Selon le nouveau premier ministre De Wever, il faudra au moins 10 ans pour que la « réduction des effectifs » soit « bien terminée ». Cette coalition veut donc durer au moins deux législatures. Une génération, en quelque sorte. Au cours des cinq premières années, le gouvernement veut réduire les dépenses de 22 milliards d'euros. Sauf, bien sûr, sur la défense et la police...
Le déficit public n'est pas un phénomène « naturel », ni le fait des chômeurs ou des malades de longue durée. La syndicaliste d'ACV Puls, Lieve Norga, l'explique bien dans un article d'opinion du Standaard.
« Le service d'étude de l’ACV a calculé que le déficit public pour 2024 coïncide pratiquement avec le manque à gagner pour le trésor public dû au tax shift, ainsi qu'aux subventions salariales que les employeurs ont reçues du même gouvernement Michel. Et aujourd'hui encore, que le déficit budgétaire soit l'argument sacré que la N-VA veut utiliser pour assainir à nouveau la sécurité sociale. Les travailleurs paieront une fois de plus la facture : des heures de travail plus longues et plus flexibles, moins de pensions. La N-VA applique ici une astuce néolibérale : une réduction d'impôts pour les employeurs érode la sécurité sociale du côté des revenus et vous utilisez ensuite ce déficit comme prétexte pour réduire la sécurité sociale ».
Couperet
De profonds changements structurels dans les relations entre la classe ouvrière et les capitalistes sont en cours. Les syndicats et les mutuelles sont également visés de manière structurelle. La bande à De Wever veut rendre les syndicats légalement (et donc financièrement) responsables des grèves spontanées, des grèves qui ne sont pas annoncées par un préavis de grève (dans le but de s’attaquer aux caisses des syndicats). Les salaires resteront bloqués et (malgré les déclarations triomphantes de Vooruit) l'index sera encore modifié. Les gens devront travailler plus longtemps et de manière plus flexible pour moins d'argent, la pension d'État sera réduite. Avec l'introduction d'un « malus de pension », si vous vous arrêtez avant 66 ans - et bientôt 67 ans - vos droits à la pension acquis seront revus sans un nombre suffisant d'années effectivement travaillées. Cette mesure touche particulièrement les femmes. Le régime des prestations lourdes (sapeurs pompiers, infirmières, construction) dans le secteur privé sera supprimé et, dans les services publics, il sera également démantelé. Les emplois flexibles seront généralisés à tous les secteurs. Les « emplois rares » deviennent ainsi la norme.
En résumé, on peut dire que toute la population, de 15 à 80 ans - que l'on soit malade ou chômeur de longue durée, retraité ou étudiant - est poussée vers le marché du travail, pour être mise en concurrence par toutes sortes de statuts et de mesures. Le marché du travail devient l'arène de la lutte de tous contre tous, avec un objectif clair : la dégradation des conditions de travail et de salaire.
Le couperet tombe également sur les droits démocratiques collectifs et individuels ; l'interdiction de manifester décrétée par le gouvernement précédent est introduite, la technologie de reconnaissance faciale dans les espaces publics est déployée, la police est renforcée ainsi que ses pouvoirs.
Pour apaiser les syndicats (en particulier les dirigeants), de nombreuses « consultations » sont annoncées entre les « partenaires sociaux » et le gouvernement. Appelons un chat un chat : seule la manière dont nous régresserons sortira de ces négociations.
Néolibéralisme ou capitalisme ?
Pourquoi ce virage audacieux de la politique gouvernementale ? La politique d'austérité ne répond pas à une « rationalité économique »... Une idéologie n'est que l'expression d'intérêts matériels. En dernière analyse cette idéologie est fonction d'une nécessité économique impérieuse. Les idéologies ne vivent pas et ne prospèrent pas dans le vide. Le capitalisme d'aujourd'hui, et pour toute une période historique, embrasse le « néolibéralisme ». Ce n'est pas un hasard. Pour le capitalisme, une idéologie n'est pas un « libre choix » dont il peut s'écarter par « conviction ». Aujourd'hui, aucun autre capitalisme n'est possible en dehors du néolibéralisme. Un capitalisme anti-néolibéral n'existe pas et ne doit pas être recherché. La politique actuelle répond à un carcan économique incontournable, celui d'accroître la compétitivité du capitalisme en Europe. Prise en sandwich dans la guerre commerciale et économique entre les Etats-Unis et la Chine, l'économie européenne, et en premier lieu l'industrie, connaît actuellement une crise aiguë. Un élément clé de la compétitivité est la productivité des entreprises. Celle-ci stagne depuis des années sans perspective d'amélioration. Les investissements dans les nouvelles technologies ne suffisent apparemment pas à inverser la tendance. La compression de la main-d'œuvre reste donc l'option la plus « facile » pour les capitalistes. Ce que les marxistes appellent « l'exploitation de la plus-value relative et absolue » est la voie choisie par les capitalistes. Les heures de travail existantes deviennent plus intenses que jamais. Marx a décrit ce phénomène comme un « remplissage des pores du temps ». Mais les limites initiales et finales du temps de travail sont également repoussées. Travailler plus longtemps au cours d'une journée de travail, travailler plus de jours au cours d'une semaine et plus d'années au cours d'une vie, tel est le Graal des capitalistes. C'est ce qui explique le programme du nouveau gouvernement. Il ne s'agit pas d'une « idéologie ». Tous les pays d'Europe suivent la même voie. La Belgique qui exporte ¾ de sa production vers l'Europe est en concurrence avec d'autres pays qui prennent ou veulent prendre des mesures tout aussi draconiennes. Au sein du capitalisme, il n'y a pas d'échappatoire.
Tout cela dans le contexte des 4 dernières années où, après le gel des salaires et malgré l'indice (bien manipulé), les travailleurs ont perdu en moyenne 3859 euros bruts (étude PTB), malgré des marges bénéficiaires très élevées et les dividendes records
Un plan d'action ambitieux, vite !
L'information sur les mesures gouvernementales et leur analyse est un élément clé de la sensibilisation dans les jours et semaines à venir. Cela nécessite une campagne approfondie sur le lieu de travail, avec des discussions « one to one » et des assemblées générales. Mais cela nécessite également une campagne dans les districts. Mais ce n'est qu'un aspect de la mobilisation nécessaire de la classe ouvrière et de la jeunesse. Il faut avant tout un plan d'action clair dans lequel les militants et la base ont confiance qu'il sera poussé à son terme, c’est à dire la victoire. En 2014, un tel plan d'action a permis d'assurer un cycle ascendant de grèves pendant 6 semaines, jusqu'à ce que le sommet syndical, en échange d'une « consultation » avec le gouvernement Michel, sabote l'élan des grèves et mette un terme aux actions ultérieures. Aujourd'hui, un tel plan d'action n'existe pas. Le sommet syndical souhaite mener des actions tous les 13 jours des mois suivants. La manière dont ces journées d'action seront organisées n'est pas claire. La manifestation du 13 février s’accompagnera certainement de nombreuses grèves. Et c’est très bien car c'est le seul langage que le gouvernement et le patronat comprennent. Chaque travailleur conscient le sait. Un plan d'action digne de ce nom doit donc d'abord et avant tout faire mal aux capitalistes. La grève du travail est l'outil par excellence. Seul l'arrêt de la machine à profit fait mal aux patrons. Toutes les autres actions (manifestations, blocages de carrefours, occupations symboliques comme celle de la FEB) ne devraient servir qu'à renforcer et populariser les grèves. La décision de la FGTB d'organiser une grève générale est un premier pas dans la bonne direction. Pour réussir, il faut que les ACV se joignent à la grève.
Leçons françaises
Un mot sur un plan d'action possible. Cette idée d'agir une fois par mois à date fixe a déjà été testée en France il y a un an et demi lors de la lutte contre le relèvement de l'âge de la retraite. Quelque 13 « journées d'action » se sont succédées pendant plusieurs mois, sans que le gouvernement ne soit obligé de changer de cap. Récemment encore, les syndicats français ont organisé une nouvelle « journée d'action » sans qu'elle soit suivie d'autres actions. Ce type d'« action » n'a pas eu raison de l’entêtement des gouvernements. Une telle stratégie a épuisé les militants. C'est la recette de la défaite.
La seule stratégie qui a une chance de réussir est celle qui conduit à un mouvement de grèves illimitées, en commençant par les secteurs économiquement vitaux. En France, nous avons vu comment plusieurs secteurs (comme celui de l'énergie) ont été le fer de lance de ces grèves. Les directions syndicales, y compris celle de la CGT (gauche), ont refusé de suivre cette direction. Il y a des leçons à tirer pour la Belgique. Il deviendra bientôt évident, même pour le travailleur le plus conservateur, que ce gouvernement veut mettre en œuvre le rêve du patronat. Un plan d'action avec des grèves en crescendo, culminant dans une grève générale « jusqu'au bout » est donc nécessaire. Pour nous, la « ligne d'arrivée » n'est pas la promesse d'une « consultation », mais le retrait irrévocable de toutes les mesures antisociales. C'est un minimum. Nous ne devons pas nous faire avoir cette fois-ci. Pour éviter cela, les militants syndicaux de gauche doivent travailler au contrôle démocratique des syndicats et surtout du sommet syndical.
Construire la combatitivé
Les travailleurs ne sont pas prêts à ce que cette question soit soulevée. C'est certainement le cas aujourd'hui. Mais la préparation au combat se construit sur plusieurs semaines. Le militantisme ou le manque de militantisme de la classe ouvrière n'est pas un fait fixe. C'est un élément dynamique de la lutte des classes. Ce qui est certain, c'est que c'est dans la lutte elle-même que le militantisme est le mieux testé. Il n'existe pas de baromètre social permettant d'évaluer la volonté de la classe ouvrière de lutter depuis le dernier étage d'un bâtiment syndical.
Pour un gouvernement des travailleurs !
Un plan d'action clair et déterminé transformera la colère sociale qui existe déjà en militantisme. Le premier objectif d'un tel plan d'action doit être la chute du gouvernement Arizona. Nous voulons qu'il soit remplacé par un « gouvernement des travailleurs ». Un gouvernement qui défend les intérêts de la classe ouvrière et de tous les opprimés et opprimées.