Le massacre des Palestiniens de Gaza par la puissante machine de guerre de l’Etat israélien provoque dans la jeunesse et la classe ouvrière une vague de profonde répulsion. Beaucoup de gens cherchent un moyen de mettre fin à ce carnage et de pouvoir aider « concrètement » la lutte des Palestiniens. C’est précisément ainsi que la campagne internationale « BDS » (pour « Boycott, Désinvestissement, Sanctions ») est présentée par ses animateurs.
D’après eux, cette combinaison d’une campagne massive de boycott des produits israéliens par les consommateurs et d’appels lancés aux entreprises et aux gouvernements d’Occident pour qu’ils mettent fin à toute coopération avec l’Etat sioniste et retirent leurs investissements en Israël, permettrait d’isoler le gouvernement israélien pour le contraindre à arrêter d’opprimer les Palestiniens. Pour justifier cette stratégie, ses militants affirment souvent que c’est une mobilisation similaire, combinant des sanctions et la pression de la communauté internationale, qui aurait fait s’effondrer le régime raciste de l’Apartheid en Afrique du Sud.
Nous sommes solidaires de tous les travailleurs et les jeunes qui sont horrifiés par les souffrances des Palestiniens et veulent à tout prix « faire quelque chose ». Mais si nous voulons appuyer la lutte des Palestiniens, il faut le faire avec des méthodes efficaces, pour ne pas risquer de mener le mouvement dans une impasse. Il vaut donc la peine de s’intéresser à l’exemple de l’Afrique du Sud, pour vérifier si ce sont vraiment bien le boycott et les sanctions qui ont mené à la chute du régime d’Apartheid.
L’Apartheid et l’Occident
L’Apartheid a été mis en place à travers une série de lois adoptées suite à l’arrivée au pouvoir du Parti National en 1948. Ce régime était marqué par une ségrégation raciale extrême et par l’oppression violente de la majorité noire : les mariages et les relations sexuelles entre noirs et blancs étaient interdits. Les Noirs étaient privés de droits politiques, cantonnés à une éducation de second ordre, et cloîtrés la nuit dans des ghettos, les « townships », dont ils ne pouvaient pas sortir sans un passeport spécial. Ils n’étaient d’ailleurs même pas considérés comme des Sud-Africains, mais comme des citoyens des « Bantoustans », des micro-Etats noirs dirigés par des fantoches alliés du régime d’Apartheid. Ce régime a suscité très tôt la résistance d’une partie importante de la population noire, mais aussi des organisations du mouvement ouvrier sud-africain, et notamment du Parti Communiste Sud-Africain. (SACP). Dès les années 1950, le régime a déchaîné une répression féroce et meurtrière.
Il a pourtant fallu attendre plus d’une décennie pour que la « communauté internationale » ne réagisse à l’imposition de l’Apartheid. En 1962, après le massacre de 69 manifestants noirs désarmés par la police sud-africaine, l’Assemblée générale de l’ONU adopta un embargo contre l’Afrique du Sud, qui visait en particulier les ventes d’armes. Mais il s’agissait d’une résolution dite « non-contraignante » qui n’eut donc aucun effet concret. L’Afrique du Sud continua comme avant à acheter des armes à de nombreux pays, dont la France. Paris a été le premier fournisseur d’armes du régime d’Apartheid, avant comme après l’adoption par l’ONU des différentes mesures d’embargo. Les entreprises et le gouvernement français avaient mis au point tout un réseau de sociétés écrans et de couvertures administratives pour pouvoir violer l’embargo en toute discrétion. Cette coopération avec la France permit même à Pretoria de développer un programme nucléaire militaire clandestin !
Pendant la plus grande partie de son histoire, les relations entre l’Occident et le régime de l’Apartheid ont pris la forme d’une « coopération mutuelle », pour citer le Département d’Etat américain. Pour les pays occidentaux comme les Etats-Unis ou la France, le régime raciste sud-africain était un allié crucial dans le cadre de la guerre froide. De 1945 aux années 1980, alors que les révolutions coloniales balayaient le continent africain, de nombreux pays nouvellement indépendants ont adopté une position « non-alignée », tandis que d’autres se sont rangés du côté de l’Union Soviétique. L’Afrique du Sud est au contraire restée un point d’appui solide pour le capitalisme et pour l’impérialisme occidental dans la lutte contre le communisme. Pour les Occidentaux, l’Afrique du Sud était aussi un marché important, ainsi qu’une source de matières premières, comme l’or et le charbon.
Le Congrès National Africain (ANC), le parti qui dirigeait la lutte contre l’Apartheid, était par contre vu par les Occidentaux comme une organisation « terroriste ». Loin de l’icône pacifiste et consensuelle qu’il est devenu ensuite, Nelson Mandela a figuré pendant des décennies sur la « liste des terroristes à surveiller » du Département d’Etat américain. Il n’en a été retiré qu’en 2008 ! Il a d’ailleurs été arrêté par la police sud-africaine en 1962 grâce à des renseignements fournis par la CIA.
L’hypocrisie des sanctions
Ce n’est qu’à la fin de 1985 et surtout en 1986 que des sanctions économiques plus importantes finirent par être adoptées contre le régime d’Apartheid. Mais ce changement d’attitude n’avait rien à voir avec les « Droits de l’homme ». L’ONU n’avait alors pas subitement « découvert » la brutalité de l’Apartheid, qui était bien connue depuis plusieurs décennies. Ces sanctions visaient en fait essentiellement à neutraliser le mouvement révolutionnaire de masse qui se développait en Afrique du Sud et menaçait les fondements mêmes du capitalisme sud-africain. Leur but était de faire pression sur les éléments les plus radicaux du régime de Pretoria pour aboutir à un compromis négocié avec l’ANC et éviter le renversement révolutionnaire du système par les masses. Mais, même au regard de cet objectif, ces sanctions n’ont eu que peu d’effet.
Un grand nombre d’entre elles étaient en effet très limitées. En septembre-octobre 1985, la Communauté Economique Européenne (CEE, l’ancêtre de l’Union européenne) et le Commonwealth adoptèrent un embargo commercial qui interdisait de contracter de nouveaux investissements en Afrique du Sud ou d’en importer du fer, de l’acier et des pièces d’or. Mais cet embargo ne disait rien sur les investissements déjà en cours, ni sur les principales exportations sud-africaines : le charbon, les diamants ou l’or se présentant sous une forme autre que des pièces de monnaie n’étaient pas concernés !
Aux Etats-Unis, la classe dirigeante était profondément divisée à ce sujet : une partie souhaitait utiliser des sanctions limitées pour aboutir à un compromis entre le gouvernement sud-africain et l’ANC, mais une autre soutenait le régime d’Apartheid. En 1986, le président Ronald Reagan a par exemple opposé son veto présidentiel à un programme d’embargo. Le congrès a réussi à contourner ce veto pour faire adopter un embargo, mais la Maison-Blanche a répliqué en fondant le « Conseil des entreprises américaines sur l’Afrique du Sud », qui visait à soutenir ces entreprises qui continuaient à investir en Afrique du Sud. De toute façon, les sanctions adoptées par le congrès étaient si limitées qu’elles n’eurent que peu d’effets. Comme l’embargo de la CEE, les sanctions américaines ne touchèrent par exemple jamais les diamants ou l’or (à part les pièces de monnaie).
Si l’économie sud-africaine a connu des difficultés dans les années 1980, elles étaient bien antérieures aux sanctions et étaient avant tout une conséquence de la crise économique mondiale des années 1970. Alors que l’Afrique du Sud était très endettée, nombre de ses créanciers avaient demandé le remboursement de leurs créances pour pouvoir compenser les pertes causées par la récession de 1973-1974. A court de liquidités, le gouvernement de Pretoria avait dû annoncer en août 1985 un moratoire sur le paiement des dettes extérieures à courte échéance. Un grand nombre de banques réagirent en ne renouvelant pas leurs prêts à l’Afrique du Sud ou en quittant le pays – et cela avant que les sanctions soient adoptées. Comme l’expliquait un cadre de la Chase Manhattan Bank : « il n’a jamais été dans nos objectifs de favoriser le changement en Afrique du Sud, la décision [de nous retirer] a été prise uniquement sur la base des intérêts de la Chase et de ses investissements ». D’ailleurs, les capitalistes blancs sud-africains ont parfois profité de ces départs, en rachetant à bas prix les avoirs bradés par les entreprises qui partaient, tandis que de nombreux salariés noirs ont perdu leur emploi.
Enfin, les sanctions ont eu d’autant moins d’effets que nombre d’entreprises les ont contournées, en passant par des pays tiers ou en créant des filiales sud-africaines. Les chiffres de l’économie sud-africaine sont éloquents à ce sujet. Dans les décennies qui ont précédé la crise de 1974, le PIB réel sud-africain avait une croissance de 4,9 % chaque année. De 1974 à 1987, cette moyenne annuelle était tombée à 1,8 %, principalement du fait de la crise mondiale. Dans les années qui ont immédiatement suivi la principale vague de sanctions, la croissance du PIB sud-africain s’est accélérée. Elle est passée de 0,5 % en 1986, à 2,6 % en 1987 puis 3,2 % en 1988 ! Grâce aux mesures mises en place pour contourner l’embargo et les sanctions, les exportations de l’Afrique du Sud ont elles aussi augmenté, de 26 %, entre 1985 et 1989 !
Si les sanctions ont eu effectivement un effet, en poussant certaines entreprises occidentales à quitter l’Afrique du Sud, cela est resté marginal et elles n’ont jamais mis en danger le régime de l’Apartheid. La situation n’a changé que lorsque la classe ouvrière sud-africaine s’est mise en mouvement.
De la réforme à la révolution !
L’Afrique du Sud a connu dans les années 1960 le plus grand boom économique de son histoire, grâce à la flambée des prix des terres mais aussi à l’exploitation abominable de la classe ouvrière noire. A partir du début des années 1970, dans le sillage de la récession mondiale, un long déclin commença. Le chômage a augmenté alors que les salaires étaient minés par l’inflation. Cela provoqua une brusque vague de grèves et de mobilisations des travailleurs, qui mit en difficulté le régime d’Apartheid et le plongea dans une profonde crise. En juin 1976, le soulèvement des écoliers de Soweto eut une telle résonance qu’il ébranla le mythe de la toute puissance du régime. Malgré une répression intense qui fit près d’un millier de morts en 1976-1977, l’Etat sud-africain ne réussit pas à écraser la mobilisation comme il l’avait fait au début des années 1960.
Par ailleurs, les contraintes légales liées à la ségrégation entraient de plus en plus en contradiction avec les besoins de l’économie sud-africaine. Le développement du secteur manufacturier nécessitait par exemple qu’un plus grand nombre d’ouvriers noirs puissent travailler dans les villes, alors que les lois d’Apartheid visaient précisément à les maintenir à l’écart, dans les townships et les Bantoustans. Le développement économique du pays dans les années 1960 a aussi eu pour résultat que l’influence du nationalisme petit-bourgeois afrikaner (les descendants de colons néerlandais et français), qui avait représenté la base sociale du régime à ses débuts, avait décliné au profit de la grande bourgeoisie. Après les soulèvements de Soweto, il devint clair que l’opposition noire ne remettait pas en cause uniquement les lois racistes, mais qu’elle contestait aussi la structure même du système économique sud-africain, qui reposait sur l’exploitation acharnée de la classe ouvrière noire. Ces deux facteurs poussèrent une partie de la grande bourgeoisie à faire pression sur le gouvernement pour qu’il fasse des réformes.
Une nouvelle constitution fut donc adoptée en 1983. Elle prévoyait un système d’assemblée à trois chambres : une pour les Blancs, une pour les Indiens, et une pour les « Coloured », un terme qui désignait sous les lois d’Apartheid toutes les personnes non-blanches, mais qui n’étaient pour autant ni noirs, ni Indiens. Aucune représentation n’était prévue pour les Noirs. Loin de remettre en cause la domination blanche et la ségrégation, ces réformes visaient au contraire à la perpétuer et à diviser la majorité noire en différentes catégories pour tenter de la maintenir sous contrôle. Face à une manœuvre aussi flagrante, toutes les grandes organisations du mouvement ouvrier ainsi que les syndicats noirs appelèrent à boycotter les élections.
Pour une dictature, il est souvent très dangereux d’entamer des réformes et de relâcher son contrôle – ne serait-ce que très peu. Alors que le gouvernement préparait son projet de réforme constitutionnelle, une vague de mobilisation ouvrière déferlait sur le pays et les syndicats connaissaient une croissance rapide, qui culmina avec la création du « Congress of South African Trade Unions » (COSATU) en 1985. Des mobilisations de masse furent organisées contre la nouvelle constitution, qui fut largement boycottée. Seuls 18 % des électeurs indiens et 21 % des « Coloured » prirent part aux premières élections. C’était un échec flagrant pour le régime raciste.
Le 3 septembre 1984, alors même que le nouveau parlement était inauguré en grande pompe par le président Pieter Botha, des mobilisations de masse éclataient dans le « triangle du Vaal », le cœur industriel du pays. Une vague de soulèvements et de manifestations déferla alors sur le pays. Au début de 1985, la plupart des Townships étaient en état d’insurrection, tandis que des grèves éclataient dans des secteurs de plus en plus nombreux : des dockers aux travailleurs de l’industrie automobile.
Une situation de double pouvoir
Au milieu de l’année 1985, la mobilisation avait pris une telle ampleur que le gouvernement fut obligé de proclamer l’état d’urgence dans 36 districts. Loin de calmer le mouvement, cette mesure ne fit que jeter de l’huile sur le feu. Face à l’appareil de l’Etat raciste et capitaliste, un véritable pouvoir alternatif était en train d’émerger du mouvement de masse lui-même. Alister Sparks, un journaliste du London Observer, a apporté un témoignage frappant de cette situation :
« Le Congrès de la Jeunesse de Port Elizabeth (PEYCO) avait en pratique pris le contrôle des townships de la ville et les dirigeait comme ce qui s’approchait le plus de “zones libérées” en Afrique du Sud. Les élus locaux officiels élus sous le système d’Apartheid avaient démissionné ou s’étaient enfuis. Les policiers noirs avaient trouvé refuge dans des camps fortifiés hors des townships, les jeunes noirs avaient déserté les écoles pour protester contre leur “éducation au rabais”, et les comités de rues et de quartiers du PEYCO avaient pris le contrôle de la situation. Ils concédaient des licences et fixaient les prix dans les commerces tenus par des noirs, ils patrouillaient dans les rues et organisaient des “tribunaux populaires” pour juger les criminels et les informateurs de la police, et ils se préparaient à créer des “cours d’éducation populaire” dans les garages et les églises. »
Le mouvement révolutionnaire créait ainsi ses propres structures, qui prenaient la place de l’Etat officiel. A la fin de l’année 1985, ces comités avaient pris le contrôle d’une bonne partie des townships du pays. Malgré une répression extrêmement féroce et meurtrière, le gouvernement était incapable de reprendre la situation en main. Au contraire, la violence des forces répressives ne faisait que pousser la mobilisation en avant. Dans le Township d’Alexandra, 20 personnes furent tuées par la police en février 1986 mais leurs funérailles se transformèrent en un meeting rassemblant près de 40 000 personnes ! Quelque temps après, les habitants de ce township prenaient la décision de constituer des « forces d’auto-défense » pour se protéger de la police.
Incapable d’écraser la mobilisation, le régime tenta de l’amadouer : l’état d’urgence fut levé, et les lois qui restreignaient les déplacements de noirs furent abrogées. Ces concessions ne firent qu’encourager la mobilisation. Le premier mai 1986 fut marqué par la plus grande grève générale de l’histoire du pays. Une telle situation était une menace mortelle pour le gouvernement, mais aussi pour les fondements mêmes du capitalisme sud-africain.
De la révolution à la trahison
Face à cette situation, la classe dirigeante commença à se diviser profondément. Sa couche la plus intelligente réalisait que, si elle n’accordait pas des réformes et ne commençait pas à négocier avec les dirigeants de l’ANC, c’est tout son système qui risquait d’être balayé. C’est à ce moment-là que les puissances impérialistes imposèrent des sanctions contre l’Afrique du Sud. Il ne s’agissait pas d’aider le mouvement de masse des travailleurs à renverser l’Apartheid, mais d’isoler la fraction la plus extrémiste du régime d’Apartheid et de le pousser à négocier avec l’ANC. Mais même de ce point de vue, ces sanctions eurent moins d’effets que le mouvement des masses.
Le 26 juillet 1989, les organisations de lutte contre l’apartheid appelèrent à une campagne nationale de protestation. La réponse des masses fut inédite. Il y eut des mobilisations partout dans le pays, et des manifestants prirent même d’assaut des bâtiments officiels, tandis que des organisations illégales proclamaient elles-mêmes leur « légalisation ». Encore une fois, la répression de l’appareil d’Etat fut incapable d’écraser la mobilisation. Discrédité, le président Botha, qui incarnait l’aile dure du régime, fut remplacé par Frederik De Klerk. Celui-ci commença à libérer certains prisonniers, dont Nelson Mandela lui-même, et entama des négociations avec les dirigeants en exil de l’ANC. Ces négociations incluaient le gouvernement, les dirigeants de l’ANC, mais aussi des représentants du patronat et des milieux d’affaires. Pour autant, le régime d’Apartheid restait encore en vigueur. C’est à nouveau une mobilisation de masses qui acheva de le renverser.
Le 10 avril 1993, Chris Hani, un dirigeant très populaire du Parti Communiste Sud-Africain était assassiné par un anti-communiste d’origine polonaise. Cette provocation déclencha un mouvement de masse et une grève générale qui paralysa tout le pays. Cette mobilisation aurait pu balayer le régime tout entier et placer les masses sud-africaines au pouvoir, si les dirigeants de l’ANC l’avaient voulu. Mais, au lieu de cela, Nelson Mandela apparut à la télévision, pour appeler au calme :
« Ce soir, je tends la main à tout Sud-Africain, noir comme blanc, depuis mon for intérieur. Un blanc, plein de préjudices et de haine, est venu chez nous et a commis un fait si ignoble que toute notre nation vacille au bord du désastre. Une blanche, d’origine afrikaner, a risqué sa vie pour que nous puissions connaître l’assassin et l’amener en justice. Le meurtre de sang-froid de Chris Hani a envoyé des ondes de choc à travers notre pays et le monde. Il est maintenant temps pour les Sud-Africains de s’unir contre ceux qui, de toutes parts, veulent détruire ce pour quoi Chris Hani a donné sa vie : notre liberté à nous tous. »
Nelson Mandela utilisa toute son autorité politique pour contenir le mouvement et continuer les négociations avec le régime. Une autorité « de transition » fut alors nommée pour remplacer le gouvernement d’Apartheid et diriger le pays jusqu’aux premières élections libres, qui eurent lieu en avril 1994 et apportèrent une majorité absolue à l’ANC.
Alors que le capitalisme aurait pu être renversé en même temps que l’Apartheid, la classe dirigeante blanche a conservé le contrôle de la plus grande partie de l’économie, tandis que le pouvoir d’Etat a été transféré à une nouvelle élite dirigeante issue de l’ANC. La majorité des masses noires est restée aussi misérable qu’avant et elle continue à subir une exploitation brutale.
Que faire ?
Il y a de nombreuses leçons à tirer de l’histoire de la lutte contre l’Apartheid. La vérité est que ce régime haï ne fut pas mis à bas par des campagnes de boycott ou des sanctions. Celles-ci n’ont eu qu’un impact marginal et ne visaient qu’à pousser le gouvernement Botha à négocier avec l’ANC pour éviter une révolution. Le coup décisif fut porté au régime d’Apartheid par un mouvement révolutionnaire de masse mené par la classe ouvrière sud-africaine.
Par ailleurs, le régime qui a succédé à l’Apartheid est resté capitaliste. L’ANC est devenu le principal représentant des intérêts de la bourgeoisie sud-africaine et n’a rien fait pour améliorer le sort de la population noire « libérée ». C’est là une leçon importante pour la lutte de libération des Palestiniens. Dans une Palestine « libre », mais capitaliste, les travailleurs palestiniens seraient toujours exploités par les capitalistes de la région et par les impérialistes étrangers, tandis que les nouvelles élites palestiniennes s’enrichiraient en ramassant les miettes tombées de la table de leurs maîtres impérialistes.
Les communistes apportent un soutien inconditionnel à la lutte pour la libération des Palestiniens, mais une véritable libération ne peut être obtenue qu’à travers une lutte révolutionnaire pour le socialisme, menée en coopération avec les travailleurs et les jeunes de tout le Moyen-Orient. Une telle lutte n’obtiendra jamais le soutien de la « communauté internationale » des puissances impérialistes, car elle mettrait en danger les fondements mêmes du capitalisme dans la région.
Il ne s’agit pas pour autant d’affirmer que les Palestiniens doivent combattre seuls. A tous les travailleurs et les jeunes d’Occident, nous disons : ne placez aucun espoir dans l’ONU, qui est un jouet des impérialistes, pas plus que dans votre propre gouvernement, qui soutient le régime sioniste. Plutôt que de faire appel à la bonne volonté de la classe dirigeante, le mouvement ouvrier doit utiliser toute sa force collective et ses propres méthodes de lutte pour paralyser la machine de guerre de l’Etat israélien par des grèves et des boycotts. Pas un écrou ne doit par exemple pouvoir transiter dans les ports occidentaux s’il est destiné à des armes qui seront tournées contre les Palestiniens.
Enfin, en renversant notre classe dirigeante et en instaurant le socialisme dans notre propre pays, nous pourrons mettre en place un régime qui pourra effectivement soutenir les Palestiniens et tous les peuples opprimés du monde. C’est pourquoi nous disons aussi : rejoignez les communistes, et luttez à nos côtés pour mettre fin au système qui perpétue l’oppression de la Palestine. Intifada jusqu’à la victoire ! Révolution jusqu’à la victoire !