En Grande Bretagne, une campagne visant à refuser de payer ses factures d’énergie à partir du 1er octobre a le vent en poupe. Certains en Belgique, face à la menace de « 5 à 10 hivers difficiles » et la passivité complice du gouvernement, veulent s’en inspirer.
Avant de se lancer dans une telle campagne, il faut se demander : est-ce qu’un « boycott des consommateurs » à une chance de gagner ? Quelles sont les conditions pour une campagne réussie ?
Tout d’abord, qu’est-ce que propose 'Don 't Pay UK ‘? La campagne se donne comme objectif de rassembler 1 million de personnes disposées à arrêter ‘en masse’ le payement de leur facture d’électricité et de gaz à partir du 1er octobre, jusqu’à ce que le prix de l’énergie diminue à un niveau égal à celui d’avril 2021. A ce jour, près de 200.000 personnes soutiennent cet appel.
Sur son site web dontpay.uk fait référence à la campagne contre la Poll Tax au début des années 90. La Poll Tax était un impôt locatif forfaitaire frappant sans distinction les familles riches et pauvres. C’était un impôt très inégalitaire qui touchait plus durement les familles les plus modestes. Des millions de personnes à travers la Grande-Bretagne ont refusé de payer l'impôt détesté de Thatcher. En fin de compte, le gouvernement conservateur a supprimé cette taxe. Pas étonnant que la Anti Poll Tax campaign serve aujourd’hui d’inspiration.
Mené par le ‘Militant’, précurseur du Socialist Appeal, la section britannique de la Tendance Marxiste Internationale, ce mouvement de masse était si puissant qu'il a même contribué à faire tomber le gouvernement conservateur de l'époque.
Comment ce mouvement s’est-il organisé ?
Les activistes du ‘Militant’ se sont efforcés d'unir le mouvement, en rassemblant des délégués de toutes les organisations de masse de la classe ouvrière au sein de la Anti Poll Tax Federation, et en organisant la lutte dans les quartiers populaires.
Cela a donné au mouvement une force énorme, permettant aux militants de mobiliser les travailleurs et les jeunes dans des actions coordonnées de masse - y compris des manifestations énormes de 250 000 personnes à Londres et de 50 000 personnes à Glasgow..
Pour l’instant la campagne, Don't Pay UK n’est pas encore organisé comme l’était le mouvement contre le Poll Tax. Don’t Pay, encourage « les groupes de quartiers à prendre cette idée [de grève des consommateurs] et à la mettre en pratique ».
Mais sans une organisation et une structure adéquates, un tel appel a peu de chances d'aboutir à quoi que ce soit.
Au mieux, au lieu d'un puissant mouvement de masse pour le changement, nous verrons des individus atomisés prendre une position louable - mais finalement futile.
Au lieu de boycotts de consommateurs éparpillés et isolés, ce qu'il faut, ce sont des méthodes de lutte de classe : une campagne de masse de grèves et de protestations, dirigée par les syndicats, qui organise les habitants et les militants des quartiers populaires à travers le pays pour lutter pour une alternative socialiste claire.
Par conséquent, ce qu'il faut avant tout, c'est un programme politique audacieux. Voici ce qu’en disent les camarades de Socialist Appeal.
« Don't Pay UK dit ne pas avoir de principes unificateurs, ni de ‘liste de revendications’. Mais pour apporter un véritable changement, pour unir un mouvement et le faire avancer, il ne suffit pas de dire ce contre quoi nous sommes. Il faut aussi être capable de prendre le problème à la racine. »
« La crise énergétique est un produit de l'anarchie du marché capitaliste, d'un système guidé par le profit, et non par les besoins de la société. »
« Alors que des millions de personnes auront froid cet hiver, les patrons de l'énergie profiteront grassement de la pénurie et du manque d'énergie, tout en refusant d'investir dans de nouveaux approvisionnements (verts), dans le stockage et l'infrastructure, ou dans un programme massif de rénovation pour isoler les maisons existantes. »
« La crise du coût de la vie ne peut donc être résolue qu'en expropriant les monopoles, en plaçant l'industrie sous le contrôle des travailleurs et en planifiant l'économie selon les principes socialistes, pour les gens et non pour le profit. »
« Le capitalisme, c'est le chaos et la crise. Ce système en faillite est incapable de fournir les besoins les plus élémentaires. Le seul moyen d'aller de l'avant est la lutte de classe militante - liée à la lutte pour la révolution. »
Une campagne du type 'Don’t Pay' en Belgique a tout intérêt à gagner les organisations syndicales ou au moins une partie importante du mouvement ouvrier à sa cause. En combinant des efforts d’organisation dans les quartiers populaires et les entreprises avec des méthodes de lutte de classes (assemblées, formation de comités locaux, grèves, manifestations) et des revendications audacieuses (telle que la nationalisation du secteur énergétique) une telle campagne à plus de chances de prendre son envol.