Exproprier les capitalistes de l'énergie
« Les 5 à 10 prochains hivers seront difficiles », prévient le Premier ministre De Croo. Il ne s'agit pas du tout de prévisions météorologiques fondées, mais d'une véritable déclaration de guerre. Alexander De Croo, son gouvernement et les capitalistes de l'énergie annoncent comment ils vont nous prendre à la gorge dans les 10 prochaines années.
De Croo fait croire que les « hivers difficiles » sont climatologiquement inévitables. La « difficulté » des prochains hivers est plutôt un choix politique, social et économique. C’est le choix de ce gouvernement et du système sur lequel il s'appuie.
Seuil de la douleur
De nombreux ménages ont déjà atteint le seuil de douleur. L'hiver financier a frappé prématurément. La facture énergétique est déjà devenue inabordable et constitue une source de stress croissante. Un nouveau mot a même été inventé à ce sujet : le stress énergétique. De nombreuses personnes se demandent : comment allons-nous faire face au prochain hiver ? Lors du dernier hiver, de nombreuses familles ont manger leur pain noir. « Parfois, il ne faisait que 13 degrés à la maison », a déclaré une habitante à l'hebdomadaire bruxellois Bruzz. Pour éviter les coûts énergétiques élevés, les gens achètent un poêle à bois ou à pétrole. « Nous savons alors combien nous allons dépenser : le prix d'achat du carburant ». D'autres craignent d'être confrontés au choix suivant : « manger ou se chauffer ». Un choix très difficile. C'est ainsi que les familles tentent de maîtriser leur frais énergétiques. Mais les compagnies d'énergie nous compliquent franchement la tâche. Les prix ne cessent d'augmenter, mois après mois. Les experts ont calculé que, sur la base du prix actuel de l'énergie, une famille moyenne de quatre personnes devra payer une facture annuelle de près de 8 000 euros pour le gaz et l'électricité. (1) Depuis quelques mois, les géants de l'énergie nous imposent aussi unilatéralement des contrats variables. Presque tous les contrats sont désormais variables et plus fixes. Ils essaient ainsi d'augmenter leurs profits phénoménaux aussi vite et aussi bien que possible. Au cours des six premiers mois, Engie-Electrabel a déjà engrangé un bénéfice de 1,1 milliard d'euros sur notre dos. Nos salaires et nos allocations sociales, en revanche, ne sont guère variables. L'index arrive toujours trop tard et depuis longtemps il ne suit plus l'augmentation réelle du coût de la vie. Outre le gel immédiat des prix du gaz et de l'électricité, nous avons besoin d'un index réel qui ajuste les salaires chaque mois.
Les luttes collectives en hausse
Sur les réseaux sociaux, quelqu'un plaisantait : « Je viens de calculer que dans les dix prochaines années, il serait préférable de s'asseoir dans un café tous les soirs. A condition d’éviter les cocktails hors de prix, c'est vraiment moins cher que d'allumer le chauffage à la maison". L'humour noir comme remède au désespoir.
Mais il existe un autre antidote au désespoir : la lutte collective. Partout dans le monde, les protestations contre l'inflation prennent de l'ampleur.
« L'hiver prochain sera marqué par des troubles sociaux, prévient Naomi Hossain, professeur de politique de développement à l'American University de Washington D.C., qui étudie les protestations liées à l'énergie, aux carburants et à l'alimentation. »
« Selon son estimation prudente, dix mille manifestations de ce type ont déjà eu lieu dans le monde depuis novembre dernier, - et avec cet avenir incertain, d'autres sont attendues, déclare-t-elle. »
« Si j'étais un politicien, je serais vraiment inquiet. » (2)
En Europe aussi, les protestations se multiplient. La Grande-Bretagne montre la voie avec une montée très forte de grèves contre la « catastrophe du coût de la vie ». Les Britanniques ont vécu un véritable « été du mécontentement social » comme ils n'en avaient pas connu depuis 40 ans. En France, une puissante vague de grèves déferle sur les entreprises. Selon un responsable du syndicat de gauche CGT, ils n'ont rien vu de tel depuis des décennies. En Belgique, 80 000 travailleurs ont manifesté à Bruxelles en juin contre la loi salariale de 1996. Avec cette loi, nous pouvons nous attendre à une augmentation salariale de 0 % pour les deux prochaines années. Mais ni la rue de la Loi ni le patronat ne prennent au sérieux la colère dans les entreprises et dans les familles.
Grève générale
La mobilisation continue. Une grève générale de 24 heures a été annoncée par les trois syndicats pour la première quinzaine de novembre. Il était temps. Jusqu'à présent, l'effort de mobilisation des syndicats était plutôt modéré. Non pas que des actions n'aient pas été entreprises, mais elles étaient toujours interrompues par de longues périodes de pause bien trop calmes. Comme si chaque action interprofessionnelle et nationale servait à seulement à se défouler. Il est rare qu'une grève générale soit annoncée plus de deux mois à l'avance. Mais les équipes syndicales dans les entreprises s'en saisiront sans doute pour assurer une large participation. Le jour de la grève tout le pays doit être à l’arrêt !
Le cahier de revendications des syndicats doit également être plus ambitieux. La réforme de la loi sur les salaires de 1996, des mesures de soutien supplémentaires de la part du gouvernement et une taxe sur les surprofits des entreprises énergétiques constituent l'horizon de la grève de novembre. C'est bien, mais beaucoup trop limité. Un index mensuel qui tient compte du prix de l’essence et du diesel est une nécessité à l'heure de l'inflation galopante. Surtout, nous devons exiger l'expropriation des entreprises énergétiques. Aux mains privées, nous restons les otages de leur soif de profit. Nous devons donc passer de la lutte contre les symptômes à une véritable intervention en profondeur au profit des travailleurs et de la petite classe moyenne.
1) www.lecho.be/monargent/analyse/energie/vers-une-facture-d-energie-annuelle-de-8-000-euros/10409012.html
2) www.dewereldmorgen.be/artikel/2022/08/25/eten-of-je-huis-verwarmen-stevenen-we-af-op-een-winter-vol-protest-in-europa/