La mobilisation syndicale contre l'inflation passe à la vitesse supérieure

À la veille de la grande manifestation syndicale, les patrons frimaient : « il n'y a aucune volonté d'action dans les entreprises ». Cependant, 80 000 personnes ont répondu à l'appel des syndicats à descendre dans la rue à Bruxelles le 20 juin. Cela a entraîné une réduction de l'activité dans de nombreuses entreprises ce jour-là. Parfois, la production a même été interrompue en raison d'un manque de personnel. Les transports publics urbains et régionaux ont également été gravement perturbés. Business AM, le bulletin d'information économique et financier, a trouvé cette forte participation « quelque peu inattendue ». Les capitalistes et leurs médias sous-estiment apparemment sans vergogne le mécontentement qui règne dans les entreprises face à l'augmentation du coût de la vie. Ils le font à leurs risques et périls, car tôt ou tard, la tempête inflationniste forcera leur personnel à se lancer dans des actions de plus grande envergure. La grève générale de 24 heures annoncée par la FGTB pour le mois de novembre en témoigne.

Record d'inflation

L'inflation officielle approche dangereusement la barre des 10 %. Jamais, en quarante ans, il n'a été aussi élevé. Il s'agit de l'inflation générale. Mais rien n'entame plus profondément les revenus que l'inflation spécifique de l'énergie et des denrées alimentaires. Si le prix des vêtements, des meubles ou d'un smartphone augmente, vous pouvez en reporter l'achat. C'est déjà le cas. La situation est très différente en ce qui concerne la consommation de nourriture, de gaz et d'électricité ou le réservoir d'essence de la voiture. Cependant, là aussi, les habitudes d'achat changent sous l'influence des prix élevés. La consommation de gaz, par exemple, a été réduite d'un cinquième au cours du premier semestre. On trouve également de plus en plus de témoignages de personnes qui se font porter pâle pendant toute une semaine pour échapper au prix élevé d'un plein d’essence pour se rendre au travail. Dans le port d'Anvers, des travailleurs de la logistique racontent qu'ils préfèrent rester au travail quelques jours par semaine pour économiser sur les frais de transport.

« Mais il y a encore un index », gémissent en chœur le VBO et le VOKA. Oui, mais il s'agit d'un indice mutilé, le soi-disant « index santé ». Il est calculé sans tenir compte de l'augmentation des prix du pétrole... L'indexation effective des salaires et des prestations sociales est également retardée. Les factures, en revanche, ne sont pas retardées. Les salaires qui augmentent moins vite que l'inflation sont en fait des salaires qui baissent. C'est ainsi que la réalité est ressentie par de nombreuses personnes. Ce sont surtout les revenus les plus faibles qui souffrent le plus de la hausse des prix. C'est là que le coup est particulièrement dur. La part du loyer et de l'énergie dans les dépenses est plus élevée chez les familles les plus pauvres. La Banque nationale a calculé que les personnes qui se trouvent au bas de l'échelle financière de la société voient leurs dépenses augmenter un quart plus vite que celles qui ont des revenus plus élevés.

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Pauvreté

Une autre étude, réalisée par la KUL, montre que l'index ne protège que partiellement les familles. Nonante pourcent des personnes ayant un contrat d'énergie variable sont démunies. Les 10 % les plus pauvres voient leurs revenus diminuer de 7 %. Les mesures de soutien du gouvernement (réduction de la TVA et des accises, extension du tarif social, chèque énergie) ne sont que des palliatifs. Elles sont trop timides et arrivent trop tard.

Avec la loi salariale de 1996 qui verrouille les salaires, la marge salariale sera nulle en 2023/2024. C'est pourquoi cette loi doit être jeté à la poubelle. Nous ne devons pas compter sur le gouvernement Vivaldi pour cela.

La spirale « prix-profits »

Malgré l’appauvrissement de la population active, les patrons ont le cran de remettre en cause l'index. VOKA propose donc un saut d'indice de 3 %. Ils craignent ce qu'ils appellent une spirale « prix- salaires ». D'un doigt réprobateur, ils désignent les salaires. Il y a quarante ans, lors du précédent pic d'inflation, ils affirmaient la même chose. Selon eux, l'adaptation des salaires à l’augmentation des prix est la cause de l'inflation galopante. Rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité. Les augmentations de salaires suivent les augmentations de prix et ne les précèdent pas. Même un enfant de 5 ans le comprend. Mais l'attaque contre l'indexation automatique des salaires cache autre chose. Le patronat érige un écran de fumé autour des ses profits phénoménaux. Après tout, les bénéfices contribuent largement à l'inflation. Cela a été prouvé et une étude récente sur l'inflation aux États-Unis le confirme. 54 % de l'inflation y est due à la hausse des bénéfices. Les salaires, en revanche, ne contribuent que pour 8 % à l'inflation. (1)

En Belgique, les marges bénéficiaires des sociétés non financières n'ont jamais été aussi élevées en 25 ans. Ils sont également les plus élevés de toute l'Union Européenne. En 1996, la marge était de 26 %. L'année dernière, il était de 47 %. Les grandes entreprises de l'alimentation, des boissons et de l'énergie réalisent des bénéfices sans précédent. Les bénéfices d'Engie suffisent à eux seuls à financer les mesures de pouvoir d'achat du gouvernement. Selon les experts syndicaux, ces marges bénéficiaires contribuent pour près de la moitié à l'inflation en Belgique. (2)

Pas de dialogue social sans lutte des classes !

La FEB propose maintenant un accord tripartite (avec les syndicats et le gouvernement) « pour sortir ensemble de la crise ». Les syndicats ont réagi froidement, mais ils n'ont pas rejeté le principe d'un tel accord. C'est une erreur. Nous ne sortirons pas de la crise « ensemble ». Ce n'est que par la lutte des classes que nous pouvons défendre nos intérêts de classe. Les directions syndicales sont « accros » à la concertation sociale. C'est aussi le cas de nombreux délégués et militants dans tous les syndicats. Il est temps de se sevrer de cette addiction. D'autant plus que c'est censé être une situation ‘win-win’, mais dans la pratique, le patron y gagne généralement beaucoup plus que les travailleurs. La grève générale prévue par la FGTB en novembre devrait être avancée. Après le succès de la manifestation du 20 juin, il est dans notre intérêt d'augmenter la pression rapidement à la rentrée, de briser la loi salariale de 1996 et d'imposer un véritable index.

1) https://www.epi.org/blog/corporate-profits-have-contributed-disproportionately-to-inflation-how-should-policymakers-respond/

2) https://www.lecho.be/opinions/general/l-inflation-a-deja-rapporte-des-milliards-aux-entreprises/10396967.html

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