Le site NLMK Clabecq porte encore, au travers de ses travailleurs, une histoire sociale de luttes et de conflits qui auront ébranlé la Belgique entre 1992 et 1997.

Nombreux sont ceux qui se souviendront des affrontements avec la gendarmerie sur l’autoroute à Ittre, des vitrines de banques brisées ou encore des 70.000 personnes venues soutenir les ouvriers dans les rues de Tubize : un formidable élan de solidarité et la manifestation d’une conscience de classe qui auront démontré que le mouvement ouvrier peut faire trembler le patronat. Bien sûr, l’appareil d’Etat n’a pas manqué de mordre avec rudesse ceux qui avaient été désignés comme les meneurs de la lutte. Cette dernière a toutefois été menée debout, malgré les trahisons répétées des responsables politiques de l’époque.

De procès en manifestations, le site des Forges aura finalement vu tomber son haut-fourneau et disparaître l’usine de « sidérurgie intégrée ». Néanmoins la mémoire demeure et, plus que tout, le laminoir est encore en activité. Après que Duferco a tiré tout le profit possible du démantèlement d’une bonne part de l’entreprise, le groupe NLMK a repris les activités du laminoir en 2006.

C’est précisément ce groupe qui fait aujourd’hui du site de Clabecq un des pires laboratoires européens de destruction des acquis sociaux des travailleurs. Avec la complicité de la SOGEPA (Société wallonne de Gestion et participations), outil « public » censé permettre le déploiement et la pérennisation d’activités industrielles en Wallonie (et accessoirement actionnaire à 49% dans les activités du laminoir de Clabecq), NLMK s’attaque avec violence au monde du travail.

Il ne fait pas mystère que les conditions de travail dans l’entreprise ne sont pas bonnes depuis plusieurs années. En témoignent le mort et les blessés qu’auront connus les travailleurs au sein de l’usine. En novembre 2018, une partie des ouvriers part en grève pour dénoncer la dégradation continuelle de celles-ci. Dans le même temps, la multinationale dégage trois dirigeants du site de Clabecq et nomme un nouveau CEO. Nous savons aujourd’hui, et les travailleurs l’avaient souligné, que ce dernier a pour mission de « liquider » ou à tout le moins de « dégraisser » le site industriel.

Le 17 janvier, la direction annonce la suppression de 290 travailleurs sur les 580 que compte encore le site de Clabecq. Une véritable déclaration de guerre adressée aux travailleurs et un drame social d’une rare violence. On peut évidemment se poser des questions sur les intentions de NLMK. En effet, les syndicats tirent depuis bien longtemps la sonnette d’alarme à propos de la stratégie économique et la gestion de leur outil de travail. Les travailleurs sont probablement les mieux placés pour évaluer la pertinence opérationnelle des choix qui sont posés et peu d’entre eux sont dupes des ambitions du géant capitaliste de la sidérurgie.

Le plan Renault est évoqué avec l’appui du gouvernement wallon et l’appel à la « paix sociale » est entonné en chœur par le Ministre Jeholet et les (ir)responsables de NLMK. Le Ministre MR n’hésite pas, lors d’une réponse à une interpellation parlementaire, à justifier la décision du géant de l’acier. Le ton faussement grave, un brin cynique, Jeholet argue du maintien d’une activité industrielle et prétend croire dans les intentions louables du groupe NLMK. Il ira même jusqu’à évoquer un voyage l’ayant amené à Moscou pour discuter de l’avenir des investissements en Wallonie. Personne ne peut douter du peu de poids que pèseront les 49% de la SOGEPA. Personne non plus ne croira un seul instant à la moindre volonté du gouvernement wallon de défendre les travailleurs de Clabecq. L’enrobage prévoit bien sûr un plan d’accompagnement et de reclassement des « victimes collatérales » par les bons soins du FOREM. Bis repetita, l’histoire repasse les plats. Les partis ont changé, les recettes demeurent.

A peine les licenciements sont-ils annoncés que la direction frappe un nouveau coup. Lors du CE du 29 janvier, elle s’attaque aux travailleurs qui continueront d’être exploités sur le site. Le choc est d’une violence inouïe et relève clairement d’une stratégie de la provocation. Des baisses massives sur les salaires sont annoncées, pour un montant annuel de 3,5 millions d’euros. Un blocage de l’index et un gel des revendications pour une durée de 4 ans sont imposés. On annonce également une augmentation de la polyvalence (une hérésie pour qui connaît un peu la sidérurgie), le recours accru à la sous-traitance, l’automatisation d’un grand nombre de tâches, etc. En d’autres termes, la sauvegarde de l’activité passe par la mise en esclavage des ouvriers qui resteront.

La tactique est évidente : considérer comme acquis les 290 licenciements, tenter de diviser les travailleurs et mettre à genoux ceux qui continueraient à s’épuiser dans le laminoir. Taper fort, taper dur et taper vite pour étouffer la résistance.

L’arrêt du travail aura été immédiat et l’occupation du site par les travailleurs en grève instantanée. Beaucoup d’entre eux considèrent les licenciements et le plan de réorganisation comme inacceptables. Nombreux sont ceux qui sont prêts à entrer en lutte. NLMK doit payer et il est hors de question que le groupe engrange encore plus de profits sur la sueur des travailleurs. Ils savent que la lutte sera âpre face à un patronat sans le moindre état d’âme. Ils savent également qu’accepter un tel accord constituerait un dangereux précédent pour le monde du travail en Belgique et plus généralement en Europe. Mener le combat relève bien sûr des travailleurs concernés, mais plus largement encore de la solidarité du prolétariat organisé. Arracher un maximum de leurs profits aux capitalistes devrait être la ligne la plus claire à suivre dans cette situation.

A l’heure où j’écris ces lignes, et juste après l’appel à la « paix sociale », NLMK n’a pas hésité à envoyer la police et un huissier pour asséner une nouvelle charge aux ouvriers en grève. Des astreintes de 1.000 euros seront infligées en cas d’entrave de l’accès au site, dès ce 5 février.
Il ne fait aucun doute que NLMK joue le jeu de la terreur et de la provocation. Les travailleurs peuvent encaisser des coups, mais ils sont aussi capables d’en donner. Organisons la solidarité ! Ils ne tueront pas aussi facilement la mémoire de « ceux de Clabecq » !

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