Accélération de la dégressivité des allocations de chômage, suppression de l’ancienneté, prépensions uniquement à partir de 60 ans et 41 ans de service, mise en place d’un service communautaire pour les chômeurs de longue durée, emplois de fin de carrière à partir de 60 ans au lieu de 55 ans, 60% du salaire après un mois de maladie pour les fonctionnaires, contrôles et activation accrus des maladies de longue durée : voilà les mesures annoncées par Michel I.
Le but est on ne peut plus clair : amener le plus grand nombre de personne sur le marché du travail afin de faire pression sur les salaires. Le contrat à durée indéterminée, censé être la norme, devient l’exception. Le patronat peut imposer de plus en plus d’exigences en proposant des contrats de moins en moins bons : le nombre de temps partiels en Belgique était de 24 % en 2017 et les contrats temporaires sont passés de 7 % à 9,8 % de 2016 à 2017. Les chômeurs subissent une pression telle qu’ils accepteront n’importe quoi à n’importe quelles conditions. En supprimant l’ancienneté, seul votre diplôme et votre productivité seront pris en compte. Les employeurs veulent la fin des conventions collectives sur les salaires minimums sectoriels et sur les augmentations automatiques de salaires.Ils choisissent une politique de rémunération individuelle pour éviter des actions de solidarité pour de meilleurs salaires dans le futur. Le stress au travail et les burn-out augmentent. Beaucoup vivent dans une incertitude constante quant à leur fin de carrière. Chaque fois que l’on parle des pensions dans l’actualité, c’est pour dire aux travailleurs qu’ils devront travailler plus longtemps ou qu’ils toucheront moins d’argent lors de leur retraite.
Vers une grève générale le 2 octobre 2018
Le secrétaire fédéral de la FGTB, Jean-François Tamelini, a déclaré dans Le Soir : « Le gouvernement nous met le dos au mur : Une grève générale en front commun est la seule chose à faire ! Je ferai tout mon possible pour que cela soit approuvé dans ma propre organisation et au syndicat chrétien ! »
Tout cela ne se fera en tout cas pas sans lutte car une partie de la direction syndicale est très hésitante. Pas seulement à la CSC mais aussi à la FGTB . En attendant, la FGTB a transformé sa proposition de grève générale en « journée d’action » avec « toutes sortes de manifestations ». On invoque le rapport de force qui ne serait pas en notre faveur. Il serait mieux selon ce raisonnement ne pas trop protester et d’attendre l’arrivée d’une nouvelle coalition gouvernementale. Ils ignorent le fait que les élections n’ont jamais fondamentalement changé les choses. Tous les acquis qui sont actuellement sous pression ont été gagnés grâce à une lutte soutenue et ont coûté de nombreux sacrifices. Les rapports de force en notre défaveur ne sont pas gravés dans le marbre. Ils peuvent et doivent changer.
Il y a probablement une volonté d’agir au niveau de la base mais nous ne devons pas sous-estimer l’impact de plus de 10 ans d’endoctrinement libéral. Le gouvernement monte les gens les uns contre les autres : les jeunes contre les personnes âgées, les travailleurs contre les chômeurs, les fonctionnaires contre les travailleurs du privé et tout le monde contre les réfugiés ! Une campagne d’information bien préparée ne serait clairement pas un luxe. Aujourd’hui, il y a 52.302 offres d’emploi pour 184.191 demandeurs d’emploi. (1) Même si tous les emplois vacants trouvent preneurs, il manquera toujours 132.000 postes pour que tout le monde puisse avoir un emploi. La pénurie d’emploi est en large mesure une fable.
Par ailleurs, il n’a jamais été prouvé que diminuer les allocations de chômage augmente le nombre d’emplois disponibles. Certes, la pression financière pousse les chômeurs à rechercher plus, mais, en soi, elle ne crée pas d’emploi. Ce qui est certain, c’est qu’en 2016, 49,1% des chômeurs appartenaient au groupe à risque de pauvreté, contre 5 % pour les travailleurs.
Nous devons essayer de convaincre les gens avec des arguments politiques . Par exemple, en démontrant, par exemple, que la question des pensions « impayables » est en réalité un choix politique. . Le patronat a bénéficié d’une réduction du coût salarial de 16 milliards, qui ont disparu dans leur poche au détriment de la sécurité sociale. Cette dernière dispose désormais de moins de moyens financiers pour payer les pensions et les allocations.
Construire la résistance sociale
De nombreux militants sont mécontents de la façon dont les organisations syndicales ont géré l’élan de 2014 et 2015. Depuis, il y a eu beaucoup d’actions mais pas de plan concret ni même une volonté de gagner. A partir du moment où une action a été couronnée de succès (manifestation et grève nationale), il a fallu des semaines voire des mois pour qu’une autre action s’organise. Nos dirigeants syndicaux ont alors préféré se tourner vers la « concertation » avec les résultats que l’on connaît. Nous n’arriverons jamais à rien de cette manière. Le patronat et le gouvernement n’ont pas peur de nous. Tout cela doit changer. Nous avons besoin d’un plan avec un calendrier d’actions qui doit déboucher sur une grève à durée illimitée car c’est la seule façon de les mettre à genoux. Il ne tient qu’à nous d’utiliser intelligemment le temps qu’il nous reste jusqu’au 2 octobre afin de discuter d’actions concrètes à mettre en place sur le terrain. Personne n’a dit qu’il fallait que nous attendions la direction. Nous pouvons prendre l’initiative nous-mêmes. C’est aussi une occasion unique de passer le travail local à la loupe. Le travail intérimaire, par exemple, est légalement bien réglementé. Trop de délégations syndicales tolèrent le recours à l’intérim Nous avons pu voir également que les syndicats ont été critiqués en tant qu’institution. La N-VA va même plus loin sur cette question : elle ne veut plus que les syndicats payent les allocations de chômages, souhaite les obliger à prendre une personnalité juridique et veut limiter le droit de grève. Il suffit de voir le verdict récent dans le procès concernant Bruno Verlaeckt (président de la FGTB Anvers) et Tom Devoght (délégué général FGTB) qui ont été poursuivis pour entrave à la circulation lors d’une action syndicale en 2015. Il fut une époque où, à Anvers, le parquet et la police travaillaient ensemble contre la drogue ; maintenant, ils unissent leurs forces contre le syndicat.
La grève récente des gardiens de prison contre l’instauration d’un service minimum s’est terminée en échec mais les problèmes sont loin d’être résolus. Les dossiers communs qui concernent tant les travailleurs du privé que du public sont encore à gagner : le dossier des pensions, celui des emplois précaires et des atteintes aux droits syndicaux. Rassemblons ces dossiers pour en faire l’enjeu du nouveau cycle de lutte.
(1) Minerva Think tank progressiste, De Standaard 27/7/2018