Le 17 janvier, on commémorait le soixantième anniversaire de l'assassinat de Patrice Lumumba. Bien que Lumumba soit considéré comme le héros national du Congo, l'élite belge continue de vouloir l’effacer de l’Histoire. Les manifestations de Black Lives Matter ont mis à nouveau en évidence le rôle de la Belgique et du roi dans l’assassinat de Lumumba qui a payé de sa vie d’avoir osé défier les « maîtres coloniaux ».

Patrice Émery Lumumba est né à Onalua (aujourd’hui la R. D. Congo) en 1925. Il a étudié dans les milieux des missionnaires catholiques et puis protestants, les libéraux et socialistes laïques belges n’ayant pas pris la peine de développer un réseau non-religieux dans les colonies belges. Ceux qui profitaient de l’exploitation des richesses africaines ne considéraient pas que le libre-examen devait toucher une population qui était considérée, au mieux, comme de seconde classe. Lumumba abandonne son milieu pour s’intégrer dans la société belge au Congo, mais il se rend très vite compte de l’impossibilité d’un futur pour les gens comme lui.

En 1955, il crée l’Association du personnel indigène de la colonie (APIC) et aura l’occasion de s’entretenir avec le roi Baudouin en voyage au Congo sur la situation sociale des Congolais. Il est un « évolué » qui montre jusqu’où peuvent arriver les « bons congolais ». Mais la situation va évoluer rapidement pour Lumumba, pour le Congo et pour l’Afrique en plein essor décolonial et révolutionnaire.

En 1956, il est jugé pour avoir détourné des fonds postaux de Stanleyville et condamné à un emprisonnement d'un an. Il vit son incarcération comme une injustice. A partir de ce moment, tout s’accélère : l’évolution politique de Lumumba et son impact sur les masses congolaises le font devenir l’ennemi public numéro 1 des élites à Bruxelles et Washington.

En décembre 1958, deux ans après l’indépendance du Ghana, il participe à la Conférence des Peuples africains à Accra, qui constitue pour lui un tournant politique essentiel. Grâce à l’impact des rencontres avec d’autres dirigeants, il va commencer à défendre l’Indépendance. La conférence a comme slogan : « Vous n'avez rien d’autre à perdre que vos chaînes, vous avez un continent à regagner ». L’unité africaine est à l’agenda. Lumumba devient vraiment dangereux aux yeux des impérialistes. Rappelons qu’au même moment, en Algérie, le FLN mène une lutte d’indépendance qui sera victorieuse, et que la situation en Angola se transformera en guerre civile en 1961.

Dès 1959, la répression au Congo s'abat sur les mouvements nationalistes et y fait des centaines de morts. Les masses demandent l’Indépendance et Lumumba joue un rôle capital de catalyseur. Le 21 janvier 1960, Lumumba est arrêté et condamné à six mois de prison. Le gouvernement belge tente de diviser les différents groupes et organise les premières élections parlementaires de l'histoire du Congo encore belge. Elles seront largement remportées par le Mouvement national congolais (MNC) de Patrice Lumumba.

La Belgique négocie une sorte d’Indépendance mais contrôle toujours les leviers économiques. Le 30 juin, lors de la cérémonie d’Indépendance, Lumumba déclare devant le roi des belges : « l'indépendance, qu'il souhaite associée à l'unité africaine, marque la fin de l'exploitation et de la discrimination et le début d'une ère nouvelle de paix, de justice sociale et de libertés ». Le roi est indigné ! Les impérialistes vont pousser le pays vers la guerre civile en soutenant la sécession du Katanga qui était dominée par la puissante entreprise de l'Union minière du Haut Katanga.

Lumumba est arrêté.

En septembre, les belges vont pousser le président Kasa-Vubu à destituer Lumumba et son gouvernement. Lumumba meurt assassiné le 17 janvier 1961 près d'Élisabethville au Katanga, sous les ordres d’un officier de l’armée belge. L’assassinat de Lumumba donne l’avantage aux impérialistes qui préfèrent mettre le pays à feu et à sang plutôt que de le voir rejoindre le camp soviétique !

Était-il communiste ?

En 1957, Lumumba est à la base de la création du Mouvement national congolais (MNC), dont le but, comme d’autres partis, est de libérer le Congo de l’impérialisme et de la domination coloniale. Il se rendra à Accra au Ghana, à la Conférence des Peuples africains, où il rencontrera plusieurs leaders indépendantistes.

Comme d’autres dirigeants d’indépendances et révolutions dans le monde colonial de l’époque, Lumumba n’est pas un communiste, il n’a pas de formation marxiste mais désire voir son peuple sortir de l’exploitation. Le mouvement communiste est très faible en Afrique et Moscou stalinisé n’éprouve plus d’intérêt pour la révolution mondiale. Seule Pékin en parle, mais d’une manière tactique car sa bureaucratie est en concurrence avec la bureaucratie soviétique.

Dès 1958, l’attitude de Lumumba le confronte aux impérialistes et aux élites locales. La tragédie des indépendances africaines de années 50 et 60 est de n’avoir pas réussi à rompre de manière décisive avec le capitalisme en mettant les masses africaines au pouvoir. La théorie de la révolution permanente formulée par Léon Trotski au début du XX siècle explique que la révolution démocratique bourgeoise dans les pays coloniaux doit rompre avec le capitalisme pour s’accomplir. On a assisté à ce processus en Syrie ou à Cuba. Le Congo aurait peut-être pu ouvrir ce chemin, mais la mort de Lumumba a détruit cette possibilité.

Lumumba constituait une menace pour les intérêts de l’ancienne élite coloniale. Il n’était pas contrôlable par les puissances impérialistes belge et états-unienne, ce qui a causé sa mort et condamné sa famille qui a payé le prix de son courage.

Lumumba aujourd’hui

L’anniversaire de son assassinat a lieu dans un moment particulièrement agité. La manifestation historique de Black Lives Matter, qui a rassemblé 15.000 personnes à Bruxelles le 7 juin, a relancé la conscience et la critique anticoloniales. Pour nous, il est un devoir de rétablir la vérité historique sur Lumumba et de lier la lutte anti-impérialiste d’aujourd’hui à la lutte contre le capitalisme.

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