Le premier acte des députés fédéraux du PTB sera de déposer une proposition de loi pour interdire les licenciements dans les entreprises qui font des bénéfices. Le contenu précis de cette loi n’est pas encore connu mais il ne fait aucun doute qu’elle suscitera beaucoup d’intérêt parmi les syndicalistes. ‘Révolution’ participera certainement à la campagne autour de cette revendication. Voici nos premières réflexions et propositions au sujet de cette loi. 

Les charrettes de licenciements indignent les travailleurs et leurs familles. C’est encore plus le cas quand ces entreprises font du bénéfice. Aux yeux de beaucoup de monde, ces licenciements se justifient encore moins que dans des entreprises dans le rouge ou au bord de la faillite.  Une loi qui interdit les licenciements dans des entreprises qui font des bénéfices, comme le propose le PTB, est attirante et bienvenue.

Raoul Hedebouw, député fédéral du PTB, a annoncé, lors du meeting 'Tournée Nationale' à Bruxelles, qu’il s’agirait de la première proposition de loi que le parti introduirait au parlement. Une telle loi serait certainement un point d’appui pour les luttes syndicales. Mais la question qui nous vient aussitôt à l’esprit est : que fait-on dans les entreprises qui (prétendent) ne pas faire de bénéfices ? Des licenciements seraient-ils alors justifiés et acceptables ? Il ne peut en être question. L’interdiction de licenciements concerne-t-elle alors uniquement les entreprises qui font du bénéfice ? Ce ne serait pas une bonne chose.

Cette proposition a été lancée et popularisée lors de la longue grève, victorieuse d’ailleurs, des travailleurs du brasseur AB-Inbev contre 263 licenciements en 2010.  Cette multinationale de la bière affichait alors sans vergogne un bénéfice d’un milliard d’euros. La proposition s’appelait à l’époque, ‘loi Inbev’.  Lors d’une discussion à la direction de la FGTB Horval (la centrale ouvrière active dans le secteur de l’alimentation), certains délégués et permanents mettaient déjà le doigt sur cette ambiguïté qui consistait à ne viser que les entreprises qui font des bénefs.

Nous savons que les patrons sont des grands manipulateurs de la compatibilité d’entreprise. C’est à dessein qu’ils payent grassement des spécialistes fiscaux et autres prestidigitateurs comptables. Souvent les bénéfices sont transférés vers une autre entreprise, poussant des entreprises artificiellement dans le rouge. Ne serait-ce que pour cette raison, il n’est pas très correct de coller une étiquette sur des licenciements pour les distinguer entre eux,  en les appelant des’ licenciements boursiers’, ou des licenciements spéculatifs ou des licenciements dans des entreprises qui font des bénéfices.

Une perte d’emploi est une perte d’emploi, c’est-à-dire un drame pour un travailleur. Dans la pratique, il n’existe pas de paroi étanche entre des formes différentes de licenciements. Une entreprise peut licencier pour diverses raisons : pour pousser les dividendes vers le haut, pour protéger sa part du marché, pour restaurer le taux de profit, pour renforcer la compétitivité de l’entreprise, etc.

Ce que ces licenciements ont en commun est qu’ils se déroulent dans un environnement d’une compétitivité exacerbée entre entreprises sur des marchés qui rétrécissent suite à la crise mondiale de surproduction (récession). Un licenciement n’est alors qu’une variable dans le bras de fer destructeur entre entreprises, un moyen pour rétablir, maintenir, ou agrandir les bénéfices. Le résultat d’un système irrationnel et non planifié qui soumet tout au profit.

Un autre et meilleur projet de loi consisterait à ‘interdire les licenciements’ , que l’entreprise fasse des bénéfices ou non, aussi longtemps qu’il n’y a pas d’emploi alternatif, une reprise ou une nationalisation. Que l’entreprise fasse officiellement des bénéfices ne compte alors pas. Entretemps le personnel serait payé intégralement, comme cela a été le cas à la fin des années 70, pendant 10 ans pour les verriers de Glaverbel, après la signature d’une convention collective conquise de haute lutte.  Entretemps les travailleurs se convertiraient à une autre profession si nécessaire. A l’époque, un certain nombre de parlementaires socialistes et communistes avaient même introduit une proposition de loi pour la création d’une ‘entreprise d’utilité publique pour l’isolement des bâtiments’ (www.dekamer.be/digidoc/OCR/K2027/K20274449/K20274449.PDF), une entreprise qui aurait été un débouché pour les verriers reconvertis.

Bien sûr, une interdiction de licenciements ne ferait que déplacer en fin de compte le problème. Si une telle loi est votée (et elle le doit), les patrons en tiendront compte et essaieront de recruter le plus possible de travailleurs avec des contrats à durée déterminée ou d’intérim et non plus des avec des contrats à durée indéterminée.  Certes ce projet de loi devrait en tenir compte. C’est possible. Mais pour les capitalistes une telle loi restera un facteur de risque qui influencera leur comportement d’investissement. Une telle loi sera perçue comme étant nuisible au climat d’investissement du pays. Par conséquent, les investissements baisseraient et on assisterait à un déplacement de l’activité économique vers des secteurs avec moins de main d’œuvre ou vers plus d’activités financières. En conséquence, un programme socialiste pour le maintien de l’emploi doit donner une place centrale à la question de la propriété de l’économie, qui est la source du pouvoir patronal. En d’autres mots, un programme socialiste pour l’emploi doit oser remettre en cause le capitalisme même.

On pourrait aussi exiger l’ouverture de la comptabilité de l’entreprise. Cela permettrait aux travailleurs de voir où est parti le fruit de leurs efforts et ce qui a été fait avec les diminutions des ‘charges’ patronales et autres avantages octroyés par l’Etat. La réduction du temps de travail sans perte de salaire doit avoir une bonne place aussi dans un tel programme. Il s’agit alors de partager le travail existant parmi le personnel.

Naturellement il ne s’agit pas d’attendre sagement que ces lois soient votées, mais de lutter ici et aujourd’hui pour le maintien de TOUS les emplois, ce qui reste le meilleur des plans sociaux.