Les cris “Tous ensemble, Tous ensemble”, éclatent dans la salle de réunion de la CSC de Bruxelles. L’assemblée générale des ouvriers de Godiva prend fin.

Une salve d’applaudissement monte dans la salle. Des applaudissements des ouvriers, pour les délégués, pour les syndicats… et pour eux-mêmes. Le projet d’accord entre direction et syndicat vient d’être approuvé par 87% des présents. Ensuite les ouvriers se rendent en groupe vers l’usine pour y reprendre le travail. Youssef, délégué CSC raconte. «  Nous sommes rentrés dans l’usine en chantant et en criant des slogans. Tous unis, c’est très important. Tu sais, les travailleurs de Godiva forment une grande famille. Nous avons raccompagné tout le monde à son poste de travail. C’est en groupe que nous avons repris le travail. Vraiment,  il était très important que cela se passe ainsi ».


L’accord est-il bon ou mauvais ? Le département emballage fermera ses portes, mais une douzaine d’emplois sont sauvés. Il n’y aura donc pas de licenciements secs. Les autres travailleurs qui le désirent peuvent aller travailler dans le département de la production ou partir en prépension à 52 ans avec 80% du salaire. Les travailleurs des autres départements qui partiront en prépension seront remplacés par des travailleurs de l’emballage. Ceux qui n’ont pas droit à la prépension ou qui ne veulent pas travailler sur un autre poste auront droit à quatre fois l’indemnité de préavis sectorielle prévue. Les jours de lock-out seront payés par le patron. Baudouin Ferrant secrétaire de la FGTB à un regard sobre sur l’accord. « C’est une triste affaire. Le problème de la prépension est que c’est la collectivité qui paye ».


Godiva fait partie d’une multinationale Turque Yildiz, avec un gros chiffre d’affaires de 7,4 milliards de dollars en 2006.  Malgré la légère baisse des affaires en 2009, l’entreprise s’attend à un redressement de 10 à 15% cette année. Le groupe n’est donc pas vraiment en mauvaise santé. La volonté de rentabiliser à tout prix Godiva se fait maintenant sur le dos des travailleurs et l’argent public.


Pourquoi l’accord à-t-il donc été approuvé ? Les ouvriers se trouvaient le dos contre le mur. La direction avait menacé de fermer l’entreprise à Koekelberg. Les syndicats ont alors à contre cœur fait un pas en arrière dans leurs revendications. Au sein de l’entreprise, les travailleurs et les syndicats ont fait tout le possible pour changer les rapports de force en leur faveur. Ce n’est certainement pas la combativité qui a manqué. En six semaines de lutte, les ouvriers de Godiva on fait grève à deux reprises pendant 24 heures, ils ont maintenu des actions escargots au sein de l’usine réduisant la production de 30 à 50 %, les livraisons et les sorties de produits a aussi été bloqué de l’intérieur et ils sont partis aussi en manifestation. Lors d’assemblées générales régulières sur le lieu de travail les ouvriers choisissaient les formes d’action, avaiient leur mot à dire dans les revendications et la stratégie à suivre. Un fonctionnement démocratique exemplaire.


A Godiva les ouvriers se sont battus comme des lions, surtout comme des lionnes… Mais dès qu’une direction fait appel à l’arme du lock-out et menace de fermer l’usine,  l’action syndicale doit changer. A notre avis cela ne pouvait venir que de la mobilisation syndicale en dehors de l’entreprise. Les régionales des syndicats à Bruxelles, tout comme les secteurs et le niveau interprofessionnel auraient pu modifier la donne. Cela ne s’est pas fait. L’action de lock-out avait l’appui de la fédération patronale du secteur Févia. Selon Févia « il s’agit d’une mesure exceptionnelle dans une situation exceptionnelle ».  La réaction à cette ‘mesure exceptionnelle’ de la part des syndicats sectoriels, interprofessionnels et régionaux a été quasi inexistante.  Quelques enseignements peuvent être tirés de cette lutte. Les initiateurs du ‘Pacte Intersyndical’ ((www.syndicaal-pact-syndical.be) voient juste. Ces militants syndicaux disent que lorsqu’on menace le droit de grève et les délégués, le mouvement syndical tout entier doit partir en action. Nous croyons qu’il faut commencer à travailler à un rassemblement syndical de délégués et de secrétaires des entreprises en restructuration. Une telle réunion servirait à faire le bilan des luttes des dernières années et préparer celle des mois à venir. Ensemble on pourrait y répondre à la question de comment mieux coordonner nos luttes et quelles revendications nous pourrions mettre en avant. Il est donc grand temps de faire un pacte syndical entre entreprises en restructuration. Tous pour un, un pour tous !
 


Postscript: un mot de remerciement de la déléguée principale de la FGTB Godiva


Liliane Minner déléguée de la FGTB à Godiva nous a remerciés pour notre soutien dans leur lutte. « Ils ont écrit de bon articles sur nos actions. Je les ai même transmis à d’autres délégués et militants. Leur appel à la solidarité interprofessionnelle a aussi eu de l’effet. Grâce à cela,  plusieurs délégués d’autres entreprises sont venus nous apporter leur soutien au piquet. » Elle a aussi remercié Dirk Lagast, conseiller communal du SP.a à Koekelberg. Dirk avait réagit rapidement à l’intervention de la police à l’intérieur de l’entreprise. Dans une lettre adressée au Bourgmestre et les échevins il dénonce cette intervention et demande la neutralité de la police dans le conflit social. « Le lendemain » nous raconte Liliane « l’attitude de la police avait changé et elle était devenue très gentille…. Une commissaire de police était même disposée à témoigner que notre action n’avait pas été violente contrairement à ce que le patron et la presse avaient prétendus. » Godiva - Leçons d’une lutte dure.