Les discussions interminables entre la Grèce et la troïka, qui ont commencé au lendemain de l’élection du 25 janvier, sont dans l'impasse. Aucune solution négociée n’est en vue. Cette situation a accéléré la vague actuelle de retraits bancaires – ce qui, en retour, précipite l’heure du dénouement. La troïka resserre l’étau autour de sa proie ; si celle-ci ne parvient pas à s’en dégager, elle sera asphyxiée.

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Cette semaine, près de 3 milliards d’euros ont été retirés des banques grecques, dont plus d’un milliard hier (jeudi 18 juin). Le problème de liquidité des banques grecques a atteint de telles proportions qu’il n’est pas certain qu’elles puissent ouvrir lundi.

Il y a deux semaines, à l’issue d’un sommet, Merkel, Hollande et Lagarde (FMI) ont lancé un ultimatum au gouvernement grec – qui l’a rejeté. Puis, le 4 juin, celui-ci n’a pas honoré une échéance due au FMI, promettant de la payer plus tard, en même temps qu’une autre. Le 11 juin, l’équipe du FMI a quitté les négociations en déclarant qu’elles n’aboutiraient à rien. Le ministre des finances grec, Varoufakis, a alors présenté une nouvelle série de propositions – qui a été rapidement rejetée, le 14 juin, par les institutions européennes. Le mardi 16 juin, la réunion de l’Eurogroupe n’a rien donné. Et, désormais, il semblerait que la troïka se prépare à un « Grexit » : la sortie de la Grèce de la zone euro.

Les objectifs politiques de la troïka

Les objectifs fondamentaux de la troïka sont à la fois économiques et politiques. D’un côté, elle veut protéger ses intérêts de créancière : depuis la dernière restructuration de la dette grecque, c’est le FMI et l’UE qui en possèdent l’essentiel. Ils veulent que tous les remboursements soient payés en temps et en heure. Mais cela signifierait la poursuite des politiques d’austérité de ces cinq dernières années. Dans les limites du système capitaliste en crise – et la crise est particulièrement sévère en Grèce –, il n’y a pas d’alternative.

Mais la troïka a aussi des objectifs politiques, qui ont désormais pris le dessus. Il s’agit d’empêcher la Grèce de mener une politique différente de l’austérité brutale exigée par le Mémorandum. Si la troïka apparaissait comme trop indulgente à l’égard de la Grèce, si elle permettait à Syriza de mettre en œuvre des éléments du programme de Thessalonique (le programme électoral de Syriza), cela enverrait un puissant message politique aux autres pays d’Europe. Cela renforcerait immédiatement tous les partis « anti-austérité » en Espagne, au Portugal, en Irlande – et mettrait leurs gouvernements en grande difficulté. Cela ferait aussi monter de plusieurs degrés la pression sur Hollande et Renzi (Italie), pour qu’ils abandonnent leur politique d’austérité.

La troïka veut donc humilier Syriza et le gouvernement grec, pour envoyer un message clair : on ne peut pas désobéir aux politiques d’austérité dictées par les capitalistes européens. Ces cinq derniers mois, elle n’a pas changé de stratégie : soit elle parvient à pousser Syriza à mettre en œuvre une politique d’austérité, soit la Grèce sera expulsée de la zone euro.

Dès avant les élections du 25 janvier, nos camarades de la Tendance communiste de Syriza ont expliqué quelles étaient les lacunes fondamentales du programme de Thessalonique et de la stratégie politique générale des dirigeants de Syriza. Ces derniers prétendaient que les mesures « d’urgence sociales » du programme de Thessalonique pouvaient être mises en œuvre en accord avec la troïka. Ils comptaient sur le soutien de la France et de l’Italie. Puis ils ont avancé l’idée que les Etats-Unis et le FMI avaient une position plus « raisonnable » que l’UE et l’Allemagne. Mais rien de tout cela ne s’est concrétisé, comme nous l’avions anticipé.

Entre temps, la direction de Syriza a fait concession sur concession à la troïka. Elle cherchait désespérément un accord. L’élection, par les députés, d’un politicien de droite à la présidence de la République était un signe clair dans ce sens. L’accord du 20 février était très en retrait par rapport au programme électoral de Syriza. Or, le gouvernement grec n’a rien obtenu, en échange de ces concessions, à part la promesse d’obtenir les 7,2 milliards d’euros de crédit prévus au titre du précédent programme de « sauvetage ». Mais pas un centime n’a été versé à la Grèce, pour le moment. Par contre, la Grèce a payé à la troïka tous les remboursements prévus – plus de 7 milliards d’euros !

Toutes les concessions du gouvernement grec n’ont pas suffi à la troïka. Elle veut une capitulation complète. En attendant, l’enthousiasme initial et le soutien massif dont bénéficiaient Tsipras et son gouvernement ont lentement diminué. La direction de Syriza n’a pas préparé les masses à une lutte contre la troïka. La situation a également démobilisé l’opinion de la classe ouvrière européenne. Il y a moins de monde aux manifestations et rassemblements en solidarité avec le peuple grec.

Le moment décisif est arrivé. La troïka maintient ses exigences ; le gouvernement grec réalise qu’en s’y soumettant, il courrait le risque de s’effondrer. Ces quatre dernières années, en Grèce, tous les gouvernements qui ont appliqué le Mémorandum ont été détruits.

La direction de Syriza avait placé tous ses espoirs dans un « accord honorable » avec la troïka. Elle ne s’est pas préparée – aussi bien économiquement que politiquement – à l’impossibilité d’un tel accord.

Quelle alternative ?

Au sein de Syriza, la « Plateforme de Gauche », qui totalise désormais 45 % des voix au sein du Comité Central, a fait entendre son opposition aux différentes concessions du gouvernement à la troïka. Cependant, cette opposition comporte deux faiblesses. Premièrement, elle est erratique et inconsistante. Certains de ses représentants ont fait publiquement connaître leurs désaccords avec la direction du parti ; d’autres, qui occupent des positions ministérielles, ont été plus nuancés et prudents. La Plateforme de Gauche n’a pas poussé son opposition jusqu’à ses conséquences logiques, c’est-à-dire jusqu’à une agitation ouverte, à l’intérieur et à l’extérieur du parti, pour la répudiation de la dette et pour un véritable programme socialiste. Même au niveau du CC de Syriza, elle s’est contentée d’amender les documents de la direction, au lieu de présenter des documents alternatifs.

La deuxième faiblesse de la Plateforme de Gauche réside dans la stratégie alternative qu’elle propose. Elle suggère qu’une rupture avec la zone euro, en elle-même, permettrait d’en finir avec les coupes budgétaires et l’austérité. Il est vrai qu’elle propose la nationalisation des banques (une mesure qui s’imposerait au gouvernement grec, d’une façon ou d’une autre, si la Grèce sortait de la zone euro) et un programme de taxation des riches. Mais cela ne répond pas aux craintes légitimes d’une large partie de la population, qui redoute qu’un « Grexit » provoque un effondrement économique dont les travailleurs seraient les premières victimes.

La seule alternative viable à la stratégie utopique d’un « accord honorable » avec la troïka, c’est ce que nos camarades de la Tendance communiste de Syriza appellent une « rupture socialiste ». Autrement dit : la répudiation de la dette et l’expropriation des capitalistes, des banquiers et des armateurs, de façon à placer les richesses du pays entre les mains de ceux qui les produisent, dans le cadre d’une planification démocratique de l’économie. Une rupture décisive avec le capitalisme permettrait également de ranimer l’enthousiasme des premières semaines après l’élection du gouvernement de Syriza – à la fois en Grèce et en Europe. C’est la seule issue.

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