Le siège quasi médiéval de la bande de Gaza par l’armée Israélienne, suite à l’attaque de Hamas, a produit une explosion d’indignation dans le monde. Ce sont des millions de personnes qui descendent dans les rues du Brésil et de la Grande Bretagne, des Etats-Unis et du Moyen Orient en passant par la Belgique. Elles sont motivées par l’horreur du pilonnage sans merci et sans répit des Palestiniens par une des armées les plus puissantes au monde mais aussi par un sentiment de révulsion face à l’hypocrisie, c’est à dire la politique de deux poids deux mesures des gouvernements quant il s’agit des Palestiniens ou de l’Etat d'Israël.

Incapables de vraiment convaincre l’opinion publique, les gouvernements occidentaux ont recours à la répression contre le mouvement de solidarité avec la Palestine. Complices conscients de la politique sioniste et de la soumission des Palestiniens, ces gouvernements craignent l’émergence d’un mouvement de masse qui se retourne contre eux. A cela s’ajoute une campagne de presse de diffamation de la solidarité avec les Palestiniens qui meurent sous les bombes de Tsahal. L’agitation des médias mainstream est relayée par les partis de droite, parfois soutenue par des partis de gauche comme le Parti Travailliste en Grande Bretagne ou le PS et d’autres en France. Toute critique d’Israël est démonisée et qualifiée d’antisémite, parfois d’incitation à la haine raciale, voire même d’apologie du terrorisme.

Parfois même les censeurs policiers ou des autorités publiques s’en mêlent aussi. Le gouvernement flamand a annoncé qu’il allait ‘screener’ deux associations subsidiées par elle. Jan Jambon, le président flamand accuse Vrede et De Wereldmorgen, d’utiliser l’argent ‘flamand’ (sic) pour diffuser des infos ‘partisans’ de soutien à la Palestine. La menace est limpide: rentrer dans les rangs ou on vous coupe le financement. Lors de la première manifestation de solidarité avec la Palestine à Bruxelles, des pancartes appelant à une nouvelle ‘Intifada jusqu’à la victoire’ ont été confisquées par la police de Bruxelles. Un drapeau à l’effigie de Che Guevara n’était pas bienvenu non plus. A côté de ces petites crispations policières bruxelloises, on a assisté en Grande Bretagne à une vague de censure sur les campus universitaires. Dans plusieurs universités, des cercles étudiants de notre organisation sœur, la Marxist Student Federation, ont été suspendus par l’administration. La raison ? le slogan ‘Intifada untill victory’, ou un dessin sur une affiche montrant un soldat israélien pointant son fusil en direction d’un jeune palestinien sans armes. Le premier slogan était perçu comme un appel au terrorisme, le dessin représentant une vision ‘déséquilibrée’ de la réalité… Et pourtant, une ‘Intifada’ est à mille lieux d’actes de terrorisme individuel. En arabe, Intifada signifie ‘secouer’ ou ‘se débarrasser de’. Historiquement, l'Intifada fait écho aux insurrections de masses des Palestiniens dans les territoires occupés en 1987, aux grèves générales et aux autres actions de désobéissance civile de masse. Le dessin censuré est un reflet fidèle du rapport entre un Etat oppresseur et armé jusqu’aux dents et la jeunesse palestinienne opprimée, humiliée et réprimée. Mais en dehors des campus la répression prend des allures plus dures. Des jeunes arborant un drapeau palestinien en rue, se sont vu arrêtés par la police et verbalisés. Des consignes très claires dans ce sens émanant du ministère britannique de l’intérieur.

En Suisse, les médias à sensation de droite se sont pris aux activités de nos camarades de Der Funke/Étincelle. Plusieurs quotidiens nous pointent du doigt pour apologie du terrorisme ou antisémitisme. Un meeting à Berne a même été interdit. Une présence policière massive (trois combis de policiers) devant la salle de réunion servait à intimider nos camarades. En vain, car le meeting a quand même eu lieu en pleine rue.

En Allemagne, le chancelier Scholz et le ministère de l’intérieur ont annoncé vouloir interdire l’organisation de solidarité avec les prisonniers politiques palestiniens, Samidoun. Ce n’est pas encore la cas mais Musaab Abu Atta, réfugié palestinien de Syrie et membre de Samidoun Allemagne subi une interdiction politique. Il lui est interdit d’assister à tout événement et activité politique et sociale jusqu’au 31 octobre 2023 ou “jusqu’à ce qu’il quitte le pays.”.

Mais c’est en France que la répression est la plus sévère et généralisée. Au nom du « droit d’Israël à se défendre » et de « la lutte contre le terrorisme et l’antisémitisme », le gouvernement Macron a décrété que cette indignation était inacceptable et devait être réduite au silence, coûte que coûte.

Les manifestations de solidarité avec les Palestiniens de Gaza – et le peuple palestinien en général – ont été interdites par le pouvoir, puis réprimées. Le 10 octobre, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, annonçait que le NPA était visé par une « enquête pour apologie du terrorisme ». La veille, le même avait menacé « d’engager des procédures de dissolution » contre toute organisation « appelant à la haine, à l’intifada, à l’apologie du terrorisme ». Les dirigeants de la France Insoumise, dont la position est pourtant très modérée (hélas), sont accusés en permanence d’alimenter le terrorisme et l’antisémitisme, voire d’être eux-mêmes des antisémites « masqués ».

Dernier exemple en date : le secrétaire général de l’UD CGT du Nord (59), Jean-Paul Delescaut, a été arrêté à son domicile et placé en garde-à-vue. Il est accusé « d’apologie du terrorisme » parce que son UD a publié un communiqué appelant à un « cessez-le-feu » à Gaza !

Bien sûr, rien de tout cela n’est très nouveau, au fond. L’impérialisme, britannique, belge sont des solides alliés de l’impérialisme israélien, dont ils défendent les crimes depuis des décennies. L’accusation d’antisémitisme est régulièrement jetée à la face de quiconque ose critiquer la politique réactionnaire de l’Etat sioniste. Mais sur le fond d’une crise de plus en plus profonde du capitalisme et de l’impopularité des gouvernements, un cap est en train d’être franchi depuis le 7 octobre dans la répression du mouvement de solidarité avec le peuple palestinien. Le mouvement ouvrier a le devoir impérieux de réagir – non seulement par des paroles, mais aussi par des actes. La répression d’Etat contre le mouvement de solidarité avec la Palestine a l’odeur de la peur. Les impérialistes se sentent fragiles, sans légitimité et sans véritable soutien populaire.

Ce n’est que lorsque le mouvement ouvrier bouge que les gouvernements hésitent à réprimer massivement. Les manifestations à l’appel entre autres de la CGT ou de La France Insoumise n’ont pas été interdites. En Grande Bretagne, face à un torrent d’indignation dans la société, des manifestations massives ont aussi eu lieu. En Belgique aussi, les intimidations policières n'ont pas empêché la manifestation de 40.000 personnes au centre de la capitale. La limite de la répression réside dans la capacité du mouvement ouvrier, de la jeunesse et des quartiers populaires à s’organiser et à se mobiliser.