répressiongrèceA la mi-septembre, le mouvement de grève le plus important depuis les élections d’été 2012 commençait en Grèce. Les professeurs du secondaire, les médecins, les employés de la sécurité sociale et les salariés de l’administration des universités ont marqué une véritable révolte du secteur public, alors que des luttes dans le privé se déroulaient aussi. Les provocations fascistes ont augmenté en parallèle.  

 

D'abord, c'étaient des syndicalistes de chantiers navals, membres du Parti communiste (KKE) qui se font attaquer et envoyer à l’hôpital. Puis l’Aude Dorée a organisé un défilé presque militaire pour commémorer les collaborateurs grecs de nazis allemands vaincus par l’armée populaire grecque (ELAS) en 1944 à Méligalas dans le Péloponnèse. Et finalement après avoir tué des travailleurs immigrés comme Shakzat Lukman, les néonazis grecs ont fait couler le sang d’un citoyen grec aussi, le rappeur antifasciste Pavlos Fyssas.

C’était la goutte qui a fait déborder la vase. Des manifestations antifascistes massives dans de dizaines de villes grecques ont entouré les locaux nouvellement ouverts de l’Aube dorée en voulant imposer leur fermeture. Les CRS ont partout décisivement défendu les locaux nazis parfois à l’aide de nervis en civile. A Keratsini, quartier du Pirée où l’assassinat  de Pavlos Fyssas a eu lieu, les policiers ont matraqué et gazé les antifascistes. C’était si grave que les médecins de l’hôpital où 31 manifestants ont été  soignés ont sortis un communiqué dénonçant les signes de violence extrême qu’ils ont constaté. Cette nuit, Gabriel A., un jeune anarchiste, a perdu la vue d'un œil suite à un tir tendu d’une grenade antiémeute.

L’attention s’est écartée de grèves, mais le pays était bouleversé par la mobilisation antifasciste. C’est alors que le gouvernement a réagi. Le ministre de l’ordre public Nikos Dendias a soumis au procureur public 32 dossiers avec des preuves de l’activité criminelle de l’Aube dorée. Il a aussi déclassé un nombre d’officiers de la police mettant ainsi à nu un vaste réseau d’appui à l’organisation néonazi au sein de la police.  L’existence de ces dossiers détaillés prouvent bien que les autorités et le gouvernement connaissaient depuis longtemps jusqu’aux détails l’activité meurtrière et criminelle de l’Aube dorée et qu’ils les ont laissé faire pendant plus d’un an. Elles ont réagi seulement dans un moment qu’elles jugeaient politiquement opportun en poursuivant leurs propres objectifs politiques.

L’Aube dorée n’a pas été dissoute ou interdite. Seulement six de ses chefs ont été arrêtés dont trois ont été libéré quelques jours plus tard en attendant le procès. C’est seulement contre ces six-là que la procédure de levée de l’immunité parlementaire a été lancée. Les  12 autres parlementaires continuent à siéger normalement. Beaucoup de locaux de l’Aube dorée ont été fermés par l’organisation elle-même grâce à la pression de mobilisations populaires.

Des avocats progressistes se méfient du chef d’accusation à l’encontre de la direction de l’Aube dorée. Celle-ci n’est pas accusé d’aide et d’encouragement de crimes spécifiques (pour lesquelles il y a de tas de preuves) mais pour la « constitution d’organisation criminelle ».[1] Il s’agit d’une disposition controversée du droit grec qui a été utilisé plusieurs fois dans le passé pour condamner de militants politiques. Les autres accusations d’infractions pénales se basent sur l’intention et non sur des actes commis. Les avocats dénoncent aussi le fait que seulement un groupe  de huit membres sur plusieurs dizaines de membres de l’Aube dorée qui ont contribué à l’assassinat de Pavlos Fyssas sont mis en accusation. En plus la nature de l’accusation n’est pas claire. [2]    Quelques jours après l’inculpation de leaders de l’Aube dorée, le gouvernement a clairement dévoilées ses intentions en accusant de «constitution d’organisation criminelle» le mouvement des habitants de la région de Chlalkidiki près de Thessalonique. Ceux-ci se battent contre la construction par la multinationale canadienne Eldorado Gold, d’une mine d’or à ciel ouvert aux conséquences environnementales désastreuses. Plus de 70 citoyens sont appelés à être interrogés et sont accusés de faire partie de l’ « organisation criminelle ». Les « preuves » avancées sont des photos de leur participation dans des manifestations et des transcriptions de leurs appels téléphoniques, écoutés par la police. Dans ces conversations ils expliquent  essentiellement la situation et leurs positions aux journalistes. La seule infraction commise lors de ce conflit est l’incendie de véhicules de la société canadienne pour laquelle pourtant personne n’est spécifiquement accusé. Quatre habitants sont emprisonnés depuis plusieurs mois sans la moindre preuve, dont deux ont été libérés. Les «crimes» dont ce mouvement populaire de masse est accusé est de vouloir arrêter « l’investissement » et «influencer l’opinion publique»![3] De l’autre côté, la corruption soupçonnée des élus locaux et autres par la multinationale canadienne n’est pas mis en investigation, alors que la Cour européenne de justice a condamné la Grèce pour subside illégale à la filiale d’Eldorado.

Déjà, la semaine avant l’assassinat  de Pavlos Fyssas, la police avait intensifié la répression contre la gauche radicale, en tabassant, arrêtant et inculpant, selon les cas, des membres de la coalition de la gauche anticapitaliste (Antarsya) lors de manifestations et lorsqu’ils peignaient des slogans sur les murs.

Trois lycéens ont écopé de 20 jours de prison pour avoir participer à l'occupation de leur école, pour protester contre le licenciement de leurs professeurs. Les lycéens avaient ainsi pris le relais de la lutte, après deux semaines de grève des enseignants.

La police n’a même pas hésité d’attaquer les locaux de ‘Médecins du Monde'  et d’un centre de médecine sociale à Athènes suite à des accusations anonymes de possession présumée de drogue. Les médecins des hôpitaux publics déclarent qu’ils vont bloquer les réceptions  des établissements qui demanderont un ticket de 25 euros  à partir du 1er janvier 2014. Le ministre les menace de licenciements.

On assiste donc à une attaque frontale du gouvernement contre toutes les luttes et contre les structures populaires mises en place visant à organiser la solidarité entre les gens et à renforcer leur résistance en temps de crise. C’est un effort de criminalisation de  tout le mouvement de contestation. Cette criminalisation prend aussi des caractéristiques politiques: le Premier-Ministre Samaras a déclaré à Washington qu’à côté de l’Aube dorée  il faut aussi lutter contre «l’opposition extrémiste », qui demande la sortie de la Grèce de l’OTAN, de l’euro et de l’UE,[4] en désignant clairement le KKE, Antarsya et l’aile gauche de Syriza. D’ailleurs, certains membres du gouvernement insistent sur le fait que « Syriza ne fait pas partie de l’arc constitutionnel» du pays. En faisant encore plus peur, Antonis Samaras a adopté un discours que même le Front National évite de tenir quand il remarque  que "nous avons autant de chômeurs que d'immigrants! Ça suffit!".

Le personnel administratif des universités continue sa grève pour la 8ème semaine. Chez Coca-Cola Hellas est en grève depuis 1 mois et demi. Aujourd’hui une nouvelle grève générale a eu lieu. Les lycéens, les médecins, les antifascistes, la gauche militante, tous continuent la lutte contre le pillage social de ce gouvernement qui ne tient debout  que grâce à une répression accrue et la violation des principes démocratiques le plus élémentaires. 

[1] Le rapport du procureur public http://www.tovima.gr/files/1/2013/09/29/porisma.pdf  

[2] Intervention alternative des avocats d’Athènes http://www.epda.gr/  

[3] La Grèce criminalise les militants qui donnent des interviews sur les mines d’or https://www.okeanews.fr/20131024-grece-criminalise-interviews  

[4] Antonis Samaras : « ceux qui veulent quitter l’UE et l’OTAN sont des extrémistes » https://www.okeanews.fr/20131003-antonis-samaras-ceux-veulent-quitter-lue-lotan-extremistes#ixzz2jILCFrbQ