Le 11 mai dernier, des élections législatives ont eu lieu au Pakistan. La campagne qu’ont menée les différentes organisations politiques pour ces élections a montré, sans ambages, le mépris que les hommes politiques portent au peuple opprimé du Pakistan. Aucun parti ni aucun candidat n’ont mentionné la question brulante des véritables contradictions de cette société, de l’exploitation violente à laquelle les travailleurs font face. Aucun d’entre eux n’a même prétendu être le parti des pauvres.

Les partis de droite et religieux étaient ouvertement offensifs contre la classe ouvrière. L’intégrisme a tenté de faire régner la terreur en provoquant de multiples bains de sang afin d’intimider les gens et de détourner leur attention de la politique. De janvier à avril, pas moins de six cents personnes en moyenne par mois ont péri.

Munawar Hassan, le chef de Jamaat-e-Islami, le plus vieux parti religieux du Pakistan, a prôné le retour à la charia et a proféré des menaces contre les progressistes. La ligue musulmane du Pakistan - Nawaz, dirigé par Nawaz Sharif, a parsemé sa propagande de propos religieux et caché ses liens avec les organisations fondamentalistes, même si certains dirigeants de ce parti se prétendent plus libéraux. Le Pakistan Tehrik-e-Insaf, dirigé par Imran Khan, a de l’indulgence pour les islamistes même s’il se présente comme libéral. Il attire surtout des jeunes issus des classes moyennes et des femmes de la petite bourgeoisie. L’amalgame de ses différentes tendances lui promet une existence temporaire et fragile. L’Awami, un parti nationaliste pachtoune, autrefois de gauche, s’est vendu à l’impérialisme américain. Il est, par conséquent, en conflit avec les taliban qui ont mené des attaques contre ses militants durant les cinq dernières années. Le Muttahida Qaumi Movement (MQM), créé sur des bases communautaires, a partagé le pouvoir depuis plus de vingt ans avec les différents gouvernements, militaires comme démocratiques. Avec ses tendances fascistes, ce parti a perdu sa base sociale. Mais il a continué à dominer Karachi et des villes du Sindh par des méthodes violentes et mafieuses d’intimidation qui ont couté la vie à 2284 personnes en 2012. Les taliban, tout aussi impliqués dans la violence et les activités mafieuses, ont essayé de défier ce parti. Le MQM en a profité pour se présenter comme un parti laïc, victime des taliban et de la violence qui règne à Karachi depuis les années 80. Le Jamiat-i-Ulema-e-Islam, vacillant entre l’obscurantisme islamique et l’impérialisme américain, a affiché ses tendances opportunistes à vouloir partager le pouvoir. Les taliban ont aussi attaqué ses meetings. Il y a aussi quelques dizaines de candidats indépendants, qui, une fois élus, vendent leur âme au plus offrant. Les hommes d’affaires véreux de l’économie formelle et informelle les achètent, pour qu’une fois au pouvoir, ils facilitent leur pillage et couvrent leurs crimes. Tous ces partis de droite et religieux représentent les différentes fractions de la classe dirigeante et aucun, d’ailleurs, ne prétend représenter la classe ouvrière.

Le Parti du peuple pakistanais (PPP), traditionnellement perçu comme le parti de la classe ouvrière, a réussi à faire ce que la classe dirigeante et les deux dictatures militaires n’avaient pas réussi. Il s’est coupé de la classe ouvrière. Il n’a pas abordé la misère qui afflige les classes opprimées. Au pouvoir depuis cinq ans, il n’a rien fait, sauf quelques amendements constitutionnels superficiels. De telles mesures ne comptent pas dans la vie des travailleurs. Depuis qu’il est au pouvoir, on assiste à une forte contraction de l’économie, une hausse des prix, des problèmes de sécurité, du chômage et à une dégradation de l’éducation et de la santé.

Le virage à droite du PPP était visible depuis l’investiture des candidats. Il a formé des alliances avec la droite et les partis conservateurs. D’anciens candidats petits-bourgeois de gauche se sont alliés avec Jamaat-e-Islami et différentes organisations terroristes comme Sipah-e-Sahaba. Pendant ce temps, ils ont combattu l’aile gauche du parti et refusé l’investiture de candidats marxistes qui défendaient le programme fondateur du PPP et avaient de bonnes chances de vaincre la droite conservatrice. La clique des dirigeants du PPP préférait donner des sièges à la droite religieuse dans une élection serrée plutôt que de voir des marxistes entrer au parlement.

Cependant, cela n’a pas empêché notre camarade Ali Wazir (en photo) de remporter les élections dans le sud du Waziristan, au beau milieu des territoires taliban ! La nouvelle a été annoncée dimanche par une des principales chaines de télévision pakistanaise, GeoTV. Mais lundi, il a été décidé que l’élection devrait avoir à nouveau lieu une semaine après. Le sud du Waziristan est une zone tribale de guerre, occupée par l’armée pakistanaise, où des bandes armées itinérantes de taliban sont actives et où des frappes de drones meurtrières se produisent régulièrement. Ali Wazir était candidat indépendant de gauche puisque le PPP a refusé d’investir des candidats marxistes. Il est connu dans le mouvement ouvrier pakistanais. C’est un homme courageux qui fait face à l’opposition des fondamentalistes d’une part, et de l’armée pakistanaise d’autre part. Son oncle et son père ont été déjà assassinés par la réaction. Il a combattu sur la base d’un programme socialiste contre l’impérialisme et le terrorisme, et pour l’école et la santé pour tous.

Il a remporté l’élection, mais n’est pas certain de pouvoir siéger au parlement à Islamabad. En effet, il avait déjà gagné en 2008, mais n’avait pas pu accéder à son siège. Le résultat avait été annoncé très tardivement et, entretemps, le siège avait été remis à un mollah de droite. Cette manœuvre avait été orchestrée par les services secrets pakistanais, liés à la réaction islamiste et aux terroristes — lesquels ne pourraient pas exister sans le soutien de l’état et des services secrets.

Notre camarade a remporté les élections. Mais ces dernières devaient avoir à nouveau lieu aujourd’hui, samedi 18 mai. C’est ainsi la démocratie des exploiteurs, la liberté de tricher, de voler et de piller. Le gouvernement du PPP était très connu pour sa corruption. Il est fort à parier que le gouvernement de la Ligue Musulmane ne sera pas mieux, et sera même probablement pire.

Le parlement pakistanais n’est que la cuisine de voleurs où les escrocs, les taliban, les trafiquants de drogue sont accueillis à bras ouverts pour participer à l’orgie du pillage et de la corruption. Mais pour les représentants du peuple, des travailleurs, des paysans et des pauvres, les portes sont bien verrouillées.

Ces élections ne vont rien changer. La crise économique et sociale, la misère et la souffrance des classes opprimées vont s’aggraver dans la période à venir. Et puisque tous les autres chemins sont bloqués, le peuple pakistanais n’aura pas d’autre choix que de marcher sur le chemin de la révolution.