Les événements en Tunisie ouvrent la perspective du renversement du régime dictatorial de Ben Ali et sa clique mafieuse.

Les jeunes protestent contre le chômage et la vie chère. Le gouvernement répond par la répression. Les promesses de Ben Ali ne valent rien. Il dit avoir les moyens de créer 300 000 emplois. Alors pourquoi a-t-il laissé 300 000 chômeurs qui ont besoin de ces emplois dans la misère, jusqu’à présent ? Les engagements de Ben Ali sont illusoires, mais la violence des forces de l’ordre et les dizaines de morts dont elles sont responsables sont, elles, bien réelles.

Si le mouvement actuel se généralise, et surtout si les travailleurs l’appuient par un puissant mouvement de grève, ce gouvernement d’assassins finira par tomber. Mais Ben Ali n’est pas le seul problème à régler. Le régime en place est inextricablement lié aux capitalistes en Tunisie, en Belgique et ailleurs, pour qui la Tunisie est une source d’immenses richesses. Incapables de développer l’économie, ce sont des parasites qui profitent directement des salaires de misère et des conditions de travail dégradantes. Les Tunisiens – en dehors de la classe dirigeante – ont été transformés en un peuple d’esclaves au service de l’industrie touristique et de la sous-traitance. La corruption gangrène les échelons supérieurs de l’administration. Le chômage de masse est dans l’intérêt des capitalistes, car il sert à intimider les travailleurs qui ont la « chance » d’avoir un emploi.

Ben Ali couronne tout ce système. Il le protège et le pérennise. Avec ses policiers, ses mouchards, ses prisons, sa presse muselée et ses médias aux ordres, il voulait interdire toute contestation, toute possibilité de révolte. Mais l’aggravation des conditions de vie de ces dernières années a fini par provoquer une explosion. Les suicides de la part de jeunes, poussés au désespoir par la misère et l’injustice, en a fourni l’étincelle. Ben Ali traite les jeunes de « terroristes », évoque l’implication d’Al Qaeda. Ceci est tout simplement ridicule. La révolte actuelle prend ces racines dans la situation faite aux travailleurs et à la jeunesse tunisienne depuis des décennies.

La mobilisation populaire a de quoi vexer certains hommes et femmes politiques en Belgique, pour lesquels le gouvernement tunisien devrait « rétablir l’ordre » au plus vite ! Le capitalisme belge a des intérêts considérables – et très profitables – en Tunisie, et ne voudrait pour rien au monde que la révolte vienne troubler leurs affaires.

 Le capitalisme a plongé toute l’Europe dans une crise économique extrêmement grave, qui a eu des répercussions désastreuses sur tous les pays du Maghreb. Le capitalisme a ruiné les Etats. A force de verser des milliards pour « stimuler » la rentabilité et remettre à flot les banques que des opérations spéculatives menaçaient de couler, les Etats ont, à leur tour, accumulé des dettes colossales. En conséquence, l’Europe et la Belgique ne pourront pas connaître une reprise économique significative dans les années à venir. La stagnation qui en résulte plongera les jeunes et les travailleurs de la Tunisie, comme ceux du Maroc et de l’Algérie, encore plus profondément dans la misère. À tout ça, il faut ajouter l'especulation des matières premières. Un cocktail explosif.


Il est impossible de savoir à l’avance si la révolte actuelle se transformera en une révolution à court terme. Cette possibilité est inhérente à la situation. Mais le facteur décisif est celui de l’entrée en action des travailleurs qui, à la différence des jeunes chômeurs, ont le pouvoir de paralyser toute l’économie et toute l’administration du pays. L’avènement d’une grève générale laisserait suspendus en l’air, non seulement Ben Ali, mais aussi tous les grands capitalistes exploiteurs qui soutiennent son régime. L’armée et la police ne suffiraient plus, dans un tel contexte, pour protéger le régime. Beaucoup de soldats sont issus du peuple et sont solidaires avec les manifestants. Mais ils se demandent combien de temps ce mouvement va durer et à quoi il pourrait aboutir. S’ils défiaient les chefs militaires et si le mouvement s’essoufflait, ils en payeraient les conséquences, eux et leurs familles. La vengeance du régime serait terrible. Par contre, à partir du moment où le mouvement prendrait véritablement une ampleur de masse, notamment par le biais d’une grève générale, une fraction importante des forces armées pourrait être ralliée à la cause du peuple. C’est alors que s’ouvriraient une période de révolution et la possibilité d’en finir avec le capitalisme en Tunisie et, par contagion, dans l’ensemble des pays du Maghreb. En Belgique et à travers l’Europe, une évolution dans cette direction du mouvement tunisien donnerait une puissante impulsion à la lutte des travailleurs contre le capitalisme.

 

Note éditoriale : A la suite de grèves dans d’autres régions de Tunisie, l’UGTT a appelé à un arrêt général du travail à Tunis pour demain, vendredi 14 janvier.

 

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