Est-ce que vous avez entendu les ‘hourras’ et les ‘bravos’ qui ont éclaté le 21 juillet ? Non, il ne s’agissait pas des applaudissements lors du défilé de l’armée à Bruxelles. Ces signes bruyants de félicitations montant des bureaux du patronat belge accueillaient l’accord d’été du gouvernement Arizona. Selon le premier ministre Bart De Wever, « C’est la réforme socio-économique la plus importante de ce siècle, je le dis en toute modestie ». La fédération patronale FEB lui emboîte le pas : « Le train des réformes est définitivement lancé ». Il le félicite et ajoute qu’il s’agit d’un « bon accord pour l’économie ». Le patronat flamand, connu pour ses positions en pointe, y voit aussi « des bonnes réformes », mais ajoute « que le travail n’est pas terminé ». La fédération du commerce et des services Comeos, se lâche dans un communiqué enthousiaste. Elle « se réjouit vivement » que le gouvernement ait répondu à plusieurs demandes « essentielles » du secteur, notamment la fin de l’interdiction du travail de nuit.

Un vieux militant nous racontait un jour, que quand le patronat rit, les travailleurs pleurent. À voir les réactions patronales, nous n’avons aucun doute : le gouvernement exige des travailleurs, du sang, de la sueur et des larmes. Les mesures prises par le gouvernement sont en effet une nouvelle attaque contre la sécurité sociale, le droit social et les droits démocratiques. C’est une nouvelle étape dans sa stratégie de choc permanent depuis son arrivé au pouvoir au début de l’année. Face à cela, les directions syndicales vitupèrent. La FGTB dénonce « la rupture du contrat social » et « le plus grand recul social de ces 80 dernières années en Belgique ». La CSC accuse le gouvernement de « marchandiser le travail ». Le syndicat socialiste fait l’état des lieux de ce recul social sans précédent :

Recul généralisé pour les pensions, tant en termes d’accessibilité qu’en termes de montant.

Recul généralisé des conditions de travail : flexibilité accrue avec la possibilité d’imposer à chaque travailleur/travailleuse 8h supplém- entaires par semaine ; mais également avec un travail de nuit qui n’a plus rien d’exceptionnel.

Recul généralisé du pouvoir d’achat avec des heures de travail en équipe ou de nuit beaucoup moins bien rémunérées.

Recul généralisé de la protection des travailleurs et travailleuses avec la possibilité de signer des contrats de… 1h par semaine ! S’ajoute à cela une limitation des durées de préavis en cas de licenciement et une diminution des balises obligatoires qui protégeaient les travailleurs et travailleuses dans le règlement de travail.

À cela s’ajouter un avant projet de loi visant à interdire des « organisations radicales et extrémistes » comme le réseau de solidarité avec les prisonniers politiques palestiniens, Samidoun, Code Rouge ou Stop Arming Israël. Ce projet de loi est une des attaques les plus conséquentes contre les libertés démocratiques. Elle se tournera tôt ou tard contre les organisations syndicales et autres organisations de gauche.

Après avoir établi ce catalogue d’horreurs sociales et démocratiques, la rue de la Loi, annonce l’achat de 11 avions de chasse F35 supplémentaires et se prépare avec les autres pays de l’Otan à entrer en guerre contre la Russie. D’un côté il veut faire des travailleurs de la ‘chair à patron’ et de l’autre de la ‘chair à canon’.

Mobilisation syndicale : la nécessité d’un bilan critique

Contre ces attaques il faut une riposte à la hauteur. Avant les vacances les syndicats avaient déjà annoncé une nouvelle manifestation nationale le 14 octobre. Nous pensons que ce n’est pas adéquat. Les 6 premiers mois de l’année ont été très agités socialement avec plus de 10 moments de grèves et manifestations. On a vu une manifestation de 100,000 travailleurs et quelques autres de plusieurs dizaines de milliers. Surtout on a vu la plus grande grève générale de 24h en 10 ans. A plusieurs reprises les ports d’Anvers et de Zeebruges ont été bloqués et les transports publics urbains sérieusement perturbés. De nombreuses grèves ont désorganisé le transport ferroviaire et les enseignants ont arrêté les cours à plusieurs reprises. À cela s’ajoute une formidable mobilisation pour la Palestine pour que le gouvernement prenne des sanctions contre Israël. La manif de la ‘ligne rouge’ a réussi le pari de mobiliser plus de 100,000 personnes !

Tout bloquer

Le climat social était plus que chaud mais cela a laissé de glace le gouvernement. Celui-ci n’a pas changé de cap et passe ses mesures à la hussarde. Cela ne nous étonne pas. La stratégie syndicale, s'il en existe une digne de ce nom, est impuissante face à l’intransigeance de l’Arizona. Il ne sert à rien de pleurnicher sur la fin du contrat social et de demander le respect de la concertation sociale et des ‘mesures équilibrées’. L’heure est à la confrontation sociale et, osons le dire, à la lutte des classes. Il faut faire échec au gouvernement. Mais pas par une lutte des classes bridée par des manifestations et grèves sans lendemain. Si on veut que la manifestation du 14 octobre ne devienne pas une énième promenade au centre de Bruxelles, il faut préparer dès à présent des grèves puissantes de plusieurs jours et reconductibles par des assemblées de travailleurs dans les entreprises et secteurs. L’objectif doit être de ‘tout bloquer’. Il ne s’agit pas d’amener ‘plus de monde’ le 14 octobre qu’aux manifestations du printemps, mais d’en faire un tremplin pour une grève générale.